[irlande] Burn the Witch !! [intrigue principale]

Il me fallut une bonne minute ou deux pour reprendre mon souffle, avant d’aller m’étaler contre Caitlyn. J’aimais ces moments. Avec elle, c’était… différent. Avec les différent(e)s partenaires que j’avais pu avoir par le passé, quand c’était fini, c’était lavage rapide et merci bonsoir. Avec elle… Je me laissais aller doucement dans une sorte de torpeur. Pas du sommeil, non, mais une sorte de somnolence issue d’un bien-être profond, un calme total, une simple envie de rester collée à elle et de m’abandonner pendant quelques instants de plus dans une tranquille étreinte. Moi qui parlais beaucoup (souvent pour ne rien dire), je n’avais pas envie de dire quoi que ce soit. Je n’avais pas envie d’action, d’excitation, ou de quoi que ce soit, juste de rester là à ne rien faire d’autre que de me perdre dans ce bien-être. La belle rousse finit par prendre la parole, rompant le silence après quelques minutes, affirmant qu’elle m’aimait, qu’elle se sentait en vie, qu’elle voulait que je ressente la même chose.

Je n’imaginais peut-être pas à quel point elle m’aimait mais elle ne semblait pas non plus se rendre compte d’à quel point la réciproque était vraie… même si en fait, maintenant que j’y réfléchissais…

- J’sais pas si ça va « aller mieux » Cait’, mais limite j’m’en fous tant qu’c’est avec toi qu’ça s’passe… T’sais… Tu dis que j’me rends pas compte et tout… J’ai p’tet une idée pour qu’tu t’rendes comptes d’à quel point j’t’aime en fait.

Me redressant légèrement, je me penchai un peu vers elle avec un large sourire heureux.

- J’réfléchis pas à not’relation. Dans l’sens où… tu m’connais, dès qu’un truc s’passe, j’me mets à péter un plomb, calculer tout c’qu’y pourrait arriver d’pire et tout, faire mes probas pourries et biaisées par mon pessimisme, tout ça. Avec toi… J’ai jamais fait ça une fois en fait. J’me suis jamais d’mandée comment ça s’rait demain ou après-d’main. J’ai jamais vraiment réfléchi à c’qu’y s’pass’rait si on n’était plus ensemble, ou si j’faisais une connerie, ou c’genre d’machins. Au lieu de… conceptualiser not’relation ou d’l’intellectualiser comme j’ai tendance à faire avec tout, j’me contente d’la vivre. J’suis… en confiance. J’ai pas de vrai besoin d’calculer toutes les possibilités.

J’avais effectivement toujours eu tendance à immédiatement imaginer les pires scénarios possibles dans toutes les situations. Certes, je ne me laissais pas TROP dominer par le pessimisme en mode « ça va foirer ! » à longueur de journée, mais j’avais toujours ces possibilités dans un coin de ma tête. Même si je savais qu’il était improbable qu’elles ne surviennent, je voulais être prête malgré tout à les affronter. Mais là, avec elle… Oui, comme je lui disais, j’étais en confiance. Autant dire que ça n’était jamais arrivé, du moins jamais à ce niveau-là. J’avais eu confiance en certaines personnes. Je n’avais jamais été EN confiance totale avec qui que ce soit.

Si un jour Caitlyn me demandait de faire quelque chose sans donner le moindre détail et demandait de le faire sans poser de questions parce que c’est urgent, je le ferais sûrement et je n’aurais pas peur de me faire enfler, ou manipuler, ou entuber ou autre chose. En fait, cette possibilité ne m’effleurerait pas vraiment l’esprit. Quelqu’un d’autre en revanche, je poserais des questions, plus d’une d’ailleurs, et je refuserais net de faire quoi que ce soit sans détails. J’étais d’un naturel méfiant, je ne croyais pas en la bonté humaine ni mutante, mais malgré ça je n’aurais pas le moindre doute sur les intentions de l’irlandaise à mon égard.

- Bon je sais qu’c’est pas très poétique comme déclaration, et qu’c’est moins romantique que chais pas, une soirée aux chandelles ou une sérénade à la guitare classique… Mais pour moi ça veut dire quequ’chose. De majeur.

M’installant de nouveau, je laissai ma main droite glisser contre son ventre, sa poitrine, ses épaules, redescendant sur ses flancs et reprenant la même danse plusieurs fois, le regard dans le vague. Je ne pensais à rien de spécial. J’étais… juste bien. Et une nouvelle fois, c’était assez rare pour le dire : je réfléchissais TOUJOURS à quelque chose sauf dans ces moments, avec elle.

Bon, je me mis quand même à réfléchis à quelque chose, malgré tout… « demain va aller mieux »… Depuis des siècles les gens pensaient cela, et depuis des siècles ce n’était pas vrai. Chaque génération avait sa crise majeure. En fait, maintenant que j’y pensais… Aucune génération ou presque n’a pu vivre dans un calme complet sur toute la planète. Il y a toujours eu des personnes concernées par une guerre, une épidémie, une famine, une crise politique ou économique majeure, … et avec la mondialisation, nous avions certes mondialisé la richesse mais aussi la peine et la misère. Un problème dans un pays pouvait plonger le monde entier dans les ténèbres. Du coup, demain allait-il vraiment aller mieux ? J’en doutais… J’en doutais tellement.

Mais comme je lui disais, au fond ça m’importait assez peu. Si les choses allaient moins bien je serais avec elle et je savais que même si le futur n’était pas bien rigolo, il serait toujours mille fois meilleur en étant à ses côtés.