[terminé] Des Choses à Dire (Kaya)

Mon regard s’absente un moment par la baie vitrée et je les vois, je n’entends effectivement rien à cause du double vitrage mais ça ne m’empêche pas de les voir toutes les deux près du bosquet de boulots. Caitlyn semble une fois de plus hors d’elle-même, elle fait de grands gestes et s’emporte, le rouge aux joues. Plusieurs fois elle semble lâcher l’affaire puis revient sur ses pas pour assener d’autres vérités je pense. Kaya prend toujours cette expression de fausse désolation, mains jointes derrière le dos mais ne baisse pas la tête, elle encaisse, plaçant parfois ce qui semble être des arguments qui a le don de faire redoubler de colère l’Irlandaise. De l’extérieur, leur numéro à quelque chose de comique, à chaque fois que Fuzzy semble avoir fini et s’en retourne, Kaya en profite pour lui adresser un doigt d’honneur ou une grimace. J’ignore pourquoi leur entrainement à encore tourné court mais elles ne semblent connaitre que ce moyen de s’adresser la parole. Je ne suis pas dupe pour autant, je connais Kaya, je partage sa chambre. Je sais aussi que son effronterie envers Cait n’est qu’un jeu et que si quelqu’un la gonfle, elle est tout à fait capable de l’envoyer chier avec une brutalité disproportionnée. Elle a déjà fuguée deux fois et deux fois, c’est l’Irlandaise qui l’a ramené. Cait est exigeante avec elle mais elle est juste et surtout même si elles s’engueulent toujours, elle prend le temps de l’écouter. C’est une fausse relation explosive, Kaya ne supporterait pas le dixième des remontrances de Cait si ce n’était pas expressément elle qui les formulaient. D’autant plus que je ne suis pas si naïve. Du moins pas autant que je le laisse supposer et Kaya le sait, comme je sais que ce qu’elle éprouve pour son mentor n’est pas que de l’amitié. Je l’ai déjà prévenu à mots voilés parce que ce genre de discussion me pose problème même si elle reste ce qui se rapproche le plus de ma meilleure amie. Ce triangle amoureux est impossible. Alors de les voir jouer ce jeu par la fenêtre, c’est une sorte de parade impossible…c’est assez triste au fond.

- Méditer ne signifie pas regarder les oiseaux, Johan….Qu’y a-t-il de si intéressant dehors ?

Je m’empourpre, begayant presque et je me reconcentre sur celle qui me fait face en position du lotus et qui m’observe avec son air sévère. Calie n’a pas la réputation d’être un joyeux drille surtout lors des entrainements.

- Toutes mes excuses…je…c’est Cait et Kaya….elles se disputent dehors…

Calie esquisse un sourire avant de fermer les paupières.

- Et bien…leur séance dans la salle des Dangers à du tourner court….Je suppose que soit l’une ou bien l’autre a encore voulue n’en faire qu’à sa tête. Et je suppose que Cait va encore m’en rabâcher les oreilles ce soir…

J’hésite un instant avant de demander.

- Ah ? Vous parlez de nous…le soir ?
- Bien sûr…Nous sommes un couple, Johan, nous « discutons »….entre autre. Mais ce qui se dit dans notre chambre reste entre nous.

Je rougis légèrement en baissant les yeux.

- Si tu gardes tes mots en toi, ils ne feront que de te travailler sans cesse, Johan, on en a déjà discuté. Qu’y a-t-il ?
- C’est vrai….Je les regardais et je me disais…pourquoi Elles ? Elles sont si…semblables en caractère que ça les oppose et ne semblent d’accord sur rien. Kaya voit Cait comme un cerbère casse pied et Cait voit Kaya comme un boulet…elles ne semblent jamais en phase.
Calie a un de ses rires indulgents qui m’impressionnent à chaque fois par leur douceur malgré son air si froid et digne.
- Ce n’est pas parce que ce n’est pas visible que ça n’existe pas. Ce que voient tes yeux peut te tromper, c’est leur façon de s’exprimer. Personne n’aurait été capable d’apprivoiser Kaya comme Cait l’a fait, Cait n’aurait pas fait un dixième des efforts qu’elle fait avec elle pour une autre. C’est parce qu’elles se tapent sur les nerfs réciproquement que ça fonctionne entre elles. Kaya a énormément progressé à part sa propension à cette obscure quête de puissance qui si Cait n’y prend garde finira par lui jouer de très mauvais tours, cette petite est sa pire ennemie et Cait a décidé d’être son ennemie à sa place. C’est une approche intelligente mais…usante, c’est un paris sur l’avenir.
- Oui mais…
- Oui mais ?
- Rien.
- Non Johan, pas de non-dit entre nous, c’est la règle.
- C’est…c’est une mauvaise pensée.

- Ho ? Kaya aime-t-elle Caitlyn, bien sûr que oui….et bien sûr qu’on le sait Cait et moi.
- …..
- Tu nous prends vraiment pour des courges, toi…..Un aveugle s’en rendrait compte.
- Mais…c..Comment vous vivez ça ?
- Qui est mariée à Cait ? Moi. Dans les bras de qui Cait dort-elle ? Moi. Je fais confiance en ma femme, si elle me délaisse pour une autre, c’est que mon amour n’aura pas été assez fort, en aucun cas ça ne pourrait être de la faute de Kaya et Kaya est assez lucide pour ME connaitre et savoir que si je suis raisonnable, je suis terriblement combative et territorialiste, mais certainement pas jalouse.
- Et ET…Cait ? elle en pense quoi ?
- C’est précisément ce genre de discussion qui reste entre nous, Johan.
- Excusez-moi…
- Tu sais, Toy, l’attirance n’est pas un adultère…il m’arrive d’être séduite par d’autres femmes et ça n’a rien à voir avec l’Amour…Idem pour Cait. Il y a une chose entre l’attirance et l’adultère, un simple garde-fou. La confiance en un destin à deux.

Je reste songeuse alors que mon regard se porte à nouveau sur Elles au dehors.

- Par contre je peux aussi hausser le ton si tu persistes à ne pas te concentrer !

______________________________________________________________________

Je sursaute.  Encore une de ces bulles du passé.
Je m’étais endormi sur ma place passager, j’ouvre les yeux un peu perdue et regarde ma montre. Encore une bonne heure de vol. Je n’ai pas beaucoup dormi hier, cette nouvelle m’a profondément bouleverser au point que je n’arrête pas d’y penser encore et encore.
Je sais que dans une heure je l’aurais enfin en face de moi mais le trac me submerge. Nous avons irrémédiablement changé, avons-nous encore des choses à nous dire ? Pouvons-nous sincèrement rester ces deux jeunes filles d’il y a dix ans ? Pourquoi maintenant et aujourd’hui. Tout a toujours un sens, toujours. Je crois au destin, je suis certain que son retour ne peut pas n’être qu’un non-événement, il faut que je tire les choses au clair.

Encore un retour dans le passé. C'était fou, quand même : j'étais censée "avancer", d'après mon bouquin sur le syndrome post-traumatique. Il fallait se tourner vers l'avenir, machin patin couffin, toutes ces conneries... Et pourtant, je m'étais tournée carrément vers le passé. Sage, Caitlyn, bientôt Enora et Ororo, et là, dans quelques heures, Johan... Allais-je vraiment dans la bonne direction ? Le même livre disait qu'il fallait se tourner vers ses amis et sa famille au lieu de s'isoler donc, dans un sens, je faisais ce qu'il fallait. Je devais bien admettre, par contre, que je ne savais pas trop ce que donnerait cette rencontre. Je connaissais plus que bien Jo', c'était avec elle que j'avais passé une majeure partie de mon temps à l'Institut, généralement à faire des grosses conneries. Ou plutôt, je l'encourageais à faire des grosses conneries mais elle ne rechignait pas non plus tant que ça... Je savais qu'au fond d'elle il y avait un petit troll qui ne demandait qu'à s'épanouir mais qui n'osait pas trop. Du coup, j'avais fait au mieux pour arroser ce troll caché et tenter de le faire pousser ! N'empêche, eh, grâce à moi elle avait découvert plein de trucs ! Bon, des trucs pas forcément légaux comme la beuh, les champignons qui font rire, ou l'art de rentrer dans des endroits où tu n'es pas censée être... Nous avions réussi à nous incruster dans bien 4 ou 5 soirées assez classes, juste en agissant comme si nous étions censées être là. Bon, on s'était faites virer de 3 de ces soirées... Mais c'était une autre histoire.

Je lui avais aussi fait découvrir des trucs totalement légaux, par contre, hein, attention ! Certes, j'avais eu un passé assez douteux mais je ne voulais pas faire d'elle une criminelle en puissance. Genre, on avait testé les insectes comestibles (j'avais trouvé un restau et je l'avais amenée là-bas sans la prévenir), une bonne vingtaine de restaurants chinois différents (dont un où c'était tellement épicé qu'on avait eu mal au ventre pendant 48 heures - mais ça valait le coup), les concours de skateboard acrobatique (on avait pris la place de deux candidats beurrés qui avaient oublié que c'était leur tour, et on s'était bien lattées), l'abominable Tante Roberta (un cocktail avec Gin, Vodka, Brandy, Liqueur et Absinthe - on s'est retrouvées bourrées instantanément), les boîtes de strip stease avec des chippendales aux fesses bien fermes (je ne l'avais jamais vue aussi rouge, sérieusement), et encore des floppées de trucs en tous genres. J'avais même réussi à la convaincre de se teindre les cheveux en bleu foncé, une fois. Je trouvais que ça lui allait pas mal, en plus ! Par contre, Cait' avait fait la tronche la plus dépitée de toute sa vie. Sans déconner, même quand j'avais remplacé toutes les photos de l'Institut par des photos de Justin Bieber, elle avait été moins blasée.

Mais Johan me semblait avoir changé. C'était logique, après. Elle était devenue directrice de l'Institut... Putain si quelqu'un m'avait dit, il y a toutes ces années, qu'elle deviendrait la nouvelle Professeur Xavier, j'aurais rigolé. Pas parce qu'elle n'aurait pas été à la hauteur... En fait, elle avait toujours eu l'idéologie du professeur très à cœur, au moins autant qu'Ororo ou Jub'. J'aurais plutôt rigolé parce que de nombreux prétendants possibles ayant l'ancienneté auraient parfaitement pu correspondre. Ororo, déjà, pour commencer... J'avais été surprise d'apprendre qu'elle avait laissé l'Institut de l'autre côté du continent. Il y aurait évidemment eu Jean ou Scott, ou même Logan... Mais Scott était mort à Chicago, Jean pendant le "Big Day" et le dernier semblait avoir disparu sans laisser de traces. La plupart des membres de la "génération professeur Xavier" étaient morts ou manquants à l'appel... Il était donc assez logique que quelqu'un comme Jo', qui avait toujours été convaincue de l'importance des idéaux de l'Institut, prenne le relais. Non, en fait, j'aurais rigolé à cause de ces deux traits de caractère dont je parlais plus tôt.

Sur ces réflexions, j'arrivai enfin à l'aéroport. Le vol allait arriver dans une dizaine de minutes, j'avais donc le temps de me poser et de boire quelque chose en attendant que l'avion n'atterrisse, qu'il se gare, que le débarquement ne se fasse, puis les formalités à la douane et tout le tralala, sans compter les bagages. Je m'installai donc dans un petit café situé à quelques mètres de la porte d'où allaient sortir les passagers du vol en provenance de JFK, commandant un thé et de quoi grignoter - et oubliant au passage que dans les aéroports, les mecs transformaient le café en or en multipliant les prix par 12. Je réglai donc la note en grommelant, avant de mettre le sachet à infuser et à manger tranquillement l'un des trois muffins que j'avais commandés : un au chocolat, un à la fraise et un aux myrtilles. Soupirant, je me perdis de nouveau dans mes réflexions sur l'insolite femme que Jo' semblait être devenue... Car oui, les deux traits de caractères !

Le côté timide et le côté troll. En soi, Toy n'était pas non plus handicapée par une timidité maladive mais elle n'était pas non plus aussi exubérante (voire envahissante) que moi, ni du genre à s'imposer. Et son côté troll n'était pas non plus monstrueux ni exprimé en permanence... Mais quelque part, du coup, ces deux aspects de sa personnalité en auraient fait un leader étrange. Le truc, c'était qu'elle avait changé. Ni timide, ni troll, mais... sérieuse ? Responsable ? Adulte ? Difficile à dire. Clairement en tout cas, elle avait réussi à attraper le train de la maturité, là où je l'avais complètement raté. Peut-être avais-je vécu trop de choses en dix ans... Mais d'un autre côté, elle aussi avait vécu pas mal de trucs, tout comme la rousse électrique et tout le monde en fait. J'avais peut-être subi les lubies de mon symbiote pendant des années mais elles s'étaient tapées le Big Day... Donc ça ne venait peut-être pas de ça. Peut-être avais-je BESOIN de rester cette gamine que j'étais avant. Elle avait disparu d'un seul coup à mon arrivée dans les camps pour être totalement détruite par ce parcours vengeur et sanguinaire que j'avais suivi. Le fait de redevenir cette merdeuse irresponsable était peut-être important pour que je puisse reprendre mon existence normale... Va savoir.

Un type me sortit de mes réflexions pseudo-philosophiques, par une remarque assez désobligeante. Manifestement, la chaise située à la table qu'il avait choisie était "vraiment merdique", il invectiva donc le type derrière le comptoir avant d'ensuite changer de place. C'était pile le genre de personne qui me gonflait. L'air parfaitement sévère, le journal sérieux à la main, la tenue de bureau, c'était le modèle parfait du businessman aigri qui ne rigole pas, parce que rire ce n'est pas drôle. Qui pensait pouvoir tout se permettre dans toutes les conditions, parce que LUI au moins il le valait bien. Je levai les yeux au ciel, soupirant et revenant à mes muffins. Le premier fut vite avalé et en entamant le deuxième, je fis tomber une sorte de grosse miette sur la table... Ce qui me donna une idée. Prenant la cuillère qui avait été fournie avec mon thé, je plaçai la miette dans celle-ci, m'en servant alors de catapulte pour projeter le bout de muffin derrière la tête de monsieur sérieux. Celui-ci se retourna avec un air énervé alors que je pris mon air le plus concentré et pensif possible, m'efforçant de ne pas ricaner bêtement. Ce n'était pas évident !

Cela fait, je revins à Toy, observant le panneau des arrivées. Elle avait atterri et serait sûrement là d'ici quelques minutes... Qu'allais-je faire, au juste ? Lui serrer la main avec un air cordial ? Lui faire "coucou" avec un air crétin ? Lui faire un câlin ? Lui adresser mes salutations distinguées ? C'était un peu étrange, ce que le temps pouvait faire à l'amitié. Nous étions plus ou moins inséparables mais maintenant, plus de 10 ans après, je ne savais même pas comment j'étais censée réagir en la voyant. Et laissez-moi vous le dire tout net : ça ne vient pas "tout seul". Certaines personnes disent "non mais laisse-toi aller et ça ira". HAHA. Non. Que dalle. Ce n'est pas du tout comme ça que ça marche. Non, en général c'est assez bizarre et gênant et tu dois plus ou moins improviser, ce qui rend la chose encore plus bizarre et encore plus gênante. Puis j'allais dire quoi ? "Salut, j'ai disparu parce que je suis partie dans une sorte de folie meurtrière, et toi la forme ? T'as changé tes cheveux, toi !" ? Génial, comme intro. On pouvait faire mieux, quand même... Enfin, de toutes façons je n'aurais pas le temps d'écrire un grand discours vu le temps restant.

Histoire de me changer les idées, je repris un morceau de muffin, le chargeant dans la cuillère, et le catapultant derrière la tête de monsieur costard. Celui-ci se retourna une nouvelle fois mais je fis l'énorme erreur de regarder son visage... Son air outré, ses joues légèrement rouges, son expression de poupon boudeur, ... je ne pus m'empêcher de ricaner un peu, malgré tous mes efforts pour me retenir. Il se leva donc, ce qui me fit rigoler encore plus (c'était nerveux, là, par contre). Quand il arriva devant moi, les bras croisés, je l'observai avec un sourire crétin alors qu'il lançait :

- Ah parce que vous trouvez ça drôle, peut-être ?
- ... c'est quoi ça, une question rhétorique ?
- Qui suis-je, au juste ?
- ... c'est quoi ça, une question métaphysique ?
- Quelqu'un qu'on respecte !
- Que voulez-vous, monsieur Konrespecte - je peux vous appeler Quelqu'un ?
- Mais quel âge avez-vous !?
- Ah, ça... Le passage des années est inévitable, vieillir est optionnel, finis-je avec un grand sourire, qui montrait que j'étais très contente de moi.

Il sembla vite comprendre qu'il n'arriverait à rien. Il se contenta donc de retourner à sa table sans manquer de changer de chaise, histoire d'être cette fois-ci face à moi. De mon côté, je m'étirai avec un air parfaitement ravi avant d'observer la porte : visiblement, pas mal de monde était sorti, il était donc fort possible que Johan arrive assez rapidement... Voire qu'elle soit déjà arrivée, en fait. Merde. Je l'avais peut-être ratée... Je me relevai donc vivement et me rendis compte, en me retournant, qu'elle était en fait là depuis quelques instants. Avait-elle vu mes conneries ? Va savoir. Dans tous les cas, il était temps d'improviser...

Kaya Kangee.

Elle n’avait absolument pas changé. Bien sûr, les années ont passé. Bien sûr, elle n’a plus cette mèche colorée lui donnant l’air d’une extraterrestre. Les rides se devinaient déjà facilement même si je ne la regardais pas encore de face, la voix était toujours si rauque et même si elle forçait le ton afin de se rendre amusante en asticotant ce pauvre imbécile. Ca non, tu ne savais pas sur qui tu étais tombée, l’ami et c’est plutôt elle qui aurait dû te demander d’un air amusé qui elle était. Kaya la reine de l’embrouille et des casse-couilles, Kaya qu’on aimait tant ressusciter le souvenir en portant un toast solitaire à son irrévérence et sa singularité. Sauf qu’il ne s’agissait plus de mémoire, là à quelques pas. Sauf que les enfers l’avaient vomit comme parfois elle se vomissait elle-même. Oui, Kaya était bien en vie, c’était là dans ses gestes, dans son attitude d’adolescente attardée. Tout me revenait à l’esprit à m’en faire mal, à m’en étouffer.

J’en serrai les dents sans sourire la laissant finir sa tirade et je me déplaçais lentement pour mettre une certaine distance entre nous. Pas que j’en eu besoin, non mais parce qu’il le fallait pour ce que j’avais à dire ou faire. J’avais tourné dans mon esprit douloureux les choses mille fois dans l’avion mais maintenant, je ne savais plus vraiment comment agir ni par où exactement commencer.

Qu’aurait-elle fait à ma place ? Je n’ai pas vraiment de doutes la dessus, elle aurait probablement pris tout cela par-dessus la jambe avec un de ses sourires crétins tout en faisant semblant de s’en foutre. Mais moi je ne m’en foutais pas, il était bien là le problème. Elle avait survécu et je me foutais bien de savoir si elle avait dû tailler une pipe au diable pour cela. Chaque vie est précieuse, tout mal que l’on fait un jour peut être absous un autre. Ce qui compte n’est pas ce que l’on a fait et pourquoi, ce qui compte c’est ce que l’on va faire et pour qui. Les maximes du professeur tournaient dans ma tête, toutes cette phrases faciles qu’il m’avait dite et qu’à présent je disais à d’autre. J’étais qui j’étais, oui mais aujourd’hui seulement j’étais Johan et non la directrice de L’Institut et aujourd’hui j’étais ici pour elle et non pas pour autre chose.
Elle finit par me remarquer.

Que Penserait-elle de mon superbe tailleur, de mon côté si chic et stricte qui tranchait totalement avec mes éternelles fringues d’ado coincée. Moi aussi j’avais changé et sans doute beaucoup plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Kaya semblait avoir réussi ce tour de force de devenir vieille sans devenir adulte, j’avais fait exactement le chemin inverse, d’aspect jeune, j’étais devenue une adulte sévère et froide. C’était mon choix, mon sacrifice pour que continue cette idéale que je tentais à présent de défendre contre ses ennemis comme contre ses anciens amis.

- Kaya Kangee….

Ma voix n’évoquait rien d’autre qu’un murmure posé, reflect exacte d’une attitude sous contrôle et à l’immobilisme travaillé, j’avais pris des cours de PNL pour cela. Je la laissais approcher, venir près de moi. Mais avant qu’elle n’ose le dernier pas, je m’avançais un peu brusquement tout en levant la main et l’abattant avec force sur son visage. La gifle claqua comme un coup de fouet, lui tournant sur le côté le visage. Je ne lui laissais pas le temps de déployer son armure ni de chercher à comprendre, je sais que j’avais très peu de temps.

- Ça c’est pour m’avoir laissé derrière dans ce camp, tu m’avais PROMIS qu’il ne nous arriverait rien. Tu l’avais PROMIS !

Je me doutais qu’elle devait fournir un REEL effort pour éviter à son symbiote de se manifester, c’est pourquoi j’avais cessé toute agressivité affichée, la gifle était donnée.  Je lisais l’émotion et les dilemmes dans son regard, son esprit n’était plus si indicible qu’autre fois. Mon visage se fendit pour un sourire triste et un peu coupable alors qu’une fois de plus j’avançais calmement pour lui ouvrir les bras et la serrer contre moi. Je poursuivais en murmurant.

- J’avais juré de te la coller en enfer celle-là le jour où je t’y aurais rejoint…mais puisque tu insistes pour venir te la manger chez les vivants…Tu n’en as toujours fait qu’à ta tête, hein…Sempai ? Ce monde ne pourrait être si laid, puisqu’on respire toujours….Si tu savais le nombre de fois où j’ai rêvé de te la mettre …presque toutes les nuits….depuis…dix ans…Tu as encore oublié de mettre ton réveil à sonner, c’est ça ?

- Kaya Kangee…. lança-t-elle juste avec un ton... assez peu chaleureux, il fallait bien l'admettre.

Mince alors... Si on m'avait dit un jour que JOHAN aurait un look pareil, j'aurais (encore une fois) bien rigolé. La tailleur chicos aux couleurs sobres lui donnait le look d'une... ben, d'une principale d'école, ce qui était relativement cohérent en fait. P't'ain, en fait, si je faisais une connerie et qu'on me disait que je devais aller dans le bureau de la principale, j'aurais vachement la trouille, si c'était Toy ! Parce que nan, mais, sérieusement, sans déconner, elle avait vraiment changé d'allure, de façon significative. Je ne sais même pas si j'aurais réussi à la reconnaître dans la rue, si je l'avais croisée par hasard. Après, les années avaient été plutôt sympathiques avec elle : Jo' semblait encore avoir 24 ou 25 balais à tout casser. Merde... La chance. J'aurais bien voulu avoir autant de bol au niveau génétique, quoi... Cela dit, le fait que j'aie assez peu pris soin de moi ces 10 dernières années n'avait probablement pas aidé. J'avais passé mon temps à faire profil bas pour échapper à la police et pour éviter de me faire repérer par mes cibles, du coup ça avait entraîné des conditions de vie assez douteuses... Le symbiote ne s'intéressait pas au confort ni au fait de bien se laver avec le dernier neutrogena ou je ne sais quelle autre connerie...

Mais laissant ces considérations esthétiques de côté, je m'approchai d'elle d'un pas hésitant, ne sachant pas trop quelle expression adopter. Je n'eus pas vraiment le temps d'y réfléchir plus que ça, vu qu'elle m'envoya une tarte puissance 10 concentrée. Je restai sur place avec des yeux grand ouverts, ne m'attendant clairement pas à ça... Le symbiote non plus d'ailleurs. Il ne réagit pourtant pas, ne considérant pas Jo' comme un danger. Même s'il n'était pas humain et n'était pas capable de raisonner de manière "normale", il était quand même connecté à mon cerveau, il se rappelait donc d'elle et savait qu'elle était une amie qui ne ferait jamais rien pour me blesser gravement, ou du moins pas volontairement. Je finis par reposer le regard sur elle, toujours sans trop savoir comment réagir ni quoi faire... Elle me lança que je lui avais promis qu'il n'arriverait rien, ce qui me fit un pincement au cœur. Je lui avais effectivement dit qu'il valait mieux coopérer et qu'ils n'oseraient rien nous faire... Ah, je m'étais bien plantée, là-dessus, mais j'avais fait ce que le professeur avait dit de faire. Par contre, je l'avais bel et bien laissée derrière... Tout comme tous les autres, en fait.

Et à ma plus grande surprise, elle se mit à afficher un petit sourire, pour ensuite venir me serrer contre elle. Je restai un bref instant pantoise, ne comprenant pas trop ce qu'il se passait, avant de finalement lui rendre une étreinte un peu timide. Elle affirma qu'elle avait juré de me la coller en enfer mais que ma version vivant ferait bien l'affaire, au final. Je fis au mieux pour ne pas encore fondre en larmes, parce que ce serait quand même la quoi... troisième ? quatrième fois ? Et le tout en moins d'une semaine. Je me contentai donc de soupirer, fermant les yeux en la serrant un peu plus contre moi avant de finalement me détacher après quelque instants, ne semblant pas trop savoir par quoi commencer. Donc, bien entendu, je commençai par dire des conneries sans grand intérêt et qui ne répondraient pas à ses questions :

- J'l'ai sûrement méritée, celle-là...

Soupirant alors, j'ajoutai avec une mine triste :

- C'était pas une histoire d'réveil, Jo'... J'aurais bien aimé mais c'plus compliqué qu'ça.

Tendant la main vers la table où je m'étais installée un peu plus tôt pour le petit déjeuner, je l'invitai à s'asseoir en commandant un autre thé ainsi que deux autres muffins pour moi, et ce qu'elle voulait pour compléter le tout.

- Le symbiote a décidé qu'les camps étaient trop dang'reux pour moi, donc il a... pris les choses en main, commençai-je.

Je lui racontai alors ce qu'il s'était passé. Les expérimentations, les envies de suicide, la façon dont le symbiote avait décidé de compenser en me noyant d'endorphines, la manière dont il avait ajusté la formule chimique pour me rendre aussi puissante que sanguinaire, les vagues souvenirs que j'avais de mon évasion brutale des camps, la poursuite, l'année entière passée à Yellowstone à dormir dans des cavernes et à manger des animaux... Puis évidemment, la sortie. Le moment où le symbiote parvint à ajuster suffisamment le cocktail stimulant pour me garder "au taquet" sans supprimer complètement ma conscience. La manière dont j'avais été manipulée vers une sorte de purge meurtrière épouvantable, les infestations, les démembrements, les massacres... Elle put probablement voir mon air aussi effrayé que décomposé, quand j'évoquai les infestés et leurs hurlements cauchemardesques. Je lui racontai, par contre, quelque chose que je n'avais pas détaillé à Caitlyn : la rencontre avec Lowell. Je lui en avais parlé rapidement mais c'était tout. Mais ce moment, ce fut celui où je parvins enfin à reprendre le contrôle de mes propres pensées, où la partie consciente de mon cerveau réussit finalement à reprendre le dessus, à convaincre le symbiote de l'inefficacité de ce cocktail épouvantable. Puis évidemment... Le sevrage atroce, les mois entiers à vivre un calvaire, à vomir, à subir des hallucinations agressives qui me tourmentaient sans arrêt. Et enfin, mon arrivée à New Heaven. L'appartement douteux, les petits boulots, l'arrivée inattendue de Sage et ma reprise de contact, finalement, avec Caitlyn et bientôt Ororo vu que j'avais rendez-vous avec elle au X-Center.

- ... j'sais bien qu'bien des gens ont vécu pire que ça avec Ultimate. Mais comme l'disait Caitlyn, j'aurais été massacrée comme tous les autres, d'toutes façons. L'fait est que j'ai pas disparu d'mon plein gré...

Je finis par secouer la tête, terminant mon thé (qui était froid) et le dernier muffin. Je redressai alors la tête, l'observant avec une mine fascinée. Mince alors... Que lui était-il arrivé au juste ? Ça devrait être nettement plus intéressant que mes histoires sinistres.

- Et toi alors ? Comment passe-t-on d'élève X-woman timide avec une couche subtilement cachée de troll à Directrice de l'Institut ?

Johan s’installa à sa table tout en refusant poliment la proposition de commande de la jeune femme.

- Non merci, le voyage m’a un peu barbouillé et je me suis promis de ne pas séjourner dans New Heaven sauf cas de force majeur ou obligation événementielle…Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je connais très mal cette ville, par choix. De ce fait, je ne dépasserais pas l’aérogare de cet endroit, je trouve gonflé qu’il est appelé ce lieu « Charles Xavier »….cette cité n’a rien à voir avec l’Institut même si on doit afficher une certaine… « unité » de principe…j’essaye de garder l’indépendance de l’institut comme une règle, que cela soit vis-à-vis de cet endroit ou du gouvernement Etats-Uniens. Mon prochain vol retour est dans… (elle consulta sa montre) …deux bonnes heures.
Ca fait étrange de ne pas voir ta fameuse mèche violette et tous ces tatouages…mais bon, je constate que tu n’es toujours pas adulte au fond. Tu n’as pas vraiment vieillie…

Kaya se lança dans l’explication des évènements qui lui été arrivé durant ces dernières années sous le regard grave et si adulte de la directrice qui ne manifesta ni empathie, ni réellement d’émotions. A croire que l’écoute active était devenu l’une de ses qualités professionnelles. Elle avait toujours eu cet aspect froid et un peu polissé de sa personne mais celui-ci avec le temps c’était mué en une sorte d’austérité imposante. Elle se contenta de sourire à la dernière phrase de son interlocutrice et d’incliner un peu la tête avec une sorte d’expression désabusée.

- Changer ou Disparaitre…C’est ce que disait le professeur. Disons que ta disparition et le choix des autres m’ont un peu forcé dans les miens. Pourquoi continuer à jouer l’insouciante alors que toi tu avais disparue…ca paraissait si…désespérant. J’avais des idéaux, des croyances….je ne voulais pas me plier aux illusions des autres. Pour moi, Kaya…le Professeur n’aurait jamais accepté l’idée d’une « Nation mutante » sonnant comme l’acceptation d’un ghetto, d’un séparatisme accepté. La place des mutants est PARMI les hommes et AVEC eux, pas à côté. Nation X…des braises brulantes d’un feu qui renaitra d’un incendie qui reviendra et il n’y aura plus d’Ultimate pour proposer une trêve. Nous aurions dû travailler main dans la main, nous sommes tous humains, tous les mêmes, nous avons tous versé un même sang…Ce qu’ont fait Kreele, Sage, Ororo ou Caitlyn ici….ils se trompent….c’est une erreur qui coutera cher à toute l’humanité. Je voulais reconstruire, rebatir et à nouveau expliquer…comme on nous a expliquer, je refusais de croire au mal, en la mauvaise partie de l’être humain, ils capables d’apprendre, d’accepter, de nous accepter si seulement nous faisons preuve de patience et de…de conviction.

Elle fit un geste d'impuissance avec une haussement d'épaules

- Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là, ni pourquoi. J’ai refusé de changé mon point de vue et de disparaitre. Je sais qu’à l’époque beaucoup se sont tourné vers Tornade, mais je crois qu’elle a suivi Kreele pour garder un pied sur ce qui se passait ici et aussi un œil sur Caitlyn, franchement à la dérive. Il faut que tu vois Tornade, c’est la seule qui a ma confiance ici…même pas Cait, c’est un fantôme dépassé et sous influence. Ne crois personne d’autre…surtout pas Kreele et son cerbère, Sage. Ororo m’a appuyé il y a 5 ans pour le poste de directrice du Nouvel Institut, c’est elle qui m’a fait confiance, elle voulait quelqu’un de la jeune garde, pas une combattante de première ligne du Big Day, elle voulait….une pacifiste. C’est toujours ce que j’ai été…TU sais bien que malgré mes talents en stratégie, je détestais me battre….je n’étais pas faite pour ça…moi je préférais tendre la main et discuter…combien de fois m’a tu traiter de cruche ou pire parce que je refusais de frapper….Je t’entends encore avec ton foutu accent de merde « Si t’cognes pas pétasse, qui vat’sauver l’cul ? » (elle ria un instant) et je répondais « pourquoi frapper quand je sais que tu gardes un œil sur moi…. »

Elle soupira tout en absorbant dans la vue de cette population bigarrée allant et venant dans le grand hall de l’aéroport.

- Je ne t’en veux pas pour ces dix ans, Kaya….je t’en veux parce que tu ne m’a pas sorti de ce camp et emmené avec toi….tu es comme ma sœur Kaya, je t’admirais tellement. En quelques jours, j’ai perdu ma meilleure amie, mon mentor….et ma famille…oui, ils sont tous morts et je n’ai rien pu faire, ils sont morts dans un avions partant d’Austin, crashé par Ultimate…voilà ce qui m’a changé, « Violette »….voilà comment on devient…adulte. Certains partent à la dérive et la déchéance comme Cait, ou dans les intrigues et la paranoïa comme Ororo, moi je me suis accroché à un idéal celui de l’Institut, celui de ce temps où nous étions quelques chose, ou nous avions un but et une fonction…

Elle fit une longue pause méditative avant de reprendre.

- Tu sais…malgré les années et tout ce que le temps nous a fait subir…Les Amazones, ça signifiait quelque chose. Je veux dire, vraiment.
Calie, Caitlyn, toi et moi…ça signifiait vraiment quelque chose. On aurait pu tellement mieux, on aurait pu faire des miracles. Je refuse de croire qu’il n’en reste qu’un souvenir, qu’une photo jaunie et des noms sur une tombe. Ce que nous avons fait, c’était bien, vraiment BIEN, on était les Amazones. On était instopable ! On devait marquer notre époque et rester dans la mémoire de l’humanité pour améliorer les choses, on voulait être…des héroïnes. C’était CA, notre destin, celui des Amazones. L’Institut fera vivre ce souvenir, cette vision….j’y veille chaque jour.

Elle esquissa un demi sourire énigmatique et se força en fronçant les sourcil à adopté une voix grave

- Il faut bien que quelqu'un fasse le job !

Une imitation timide mais reconnaissable du timbre autoritaire de Calie avec sa voix de Berserker.

- Ah, ouais, carrément ! répondis-je quand elle signala que son vol repartait dans 2 heures.

Je me contentai ensuite de sourire un peu quand elle signala que je n'avais pas vraiment vieilli... Comme je le disais au mec sérieux, vieillir est entièrement optionnel.

Enfin, elle se mit ensuite à me raconter ce qu'il s'était passé de son côté... Comment elle était devenue la grande chef de l'Institut. Ses changements avaient été plus ou moins forcés par les événements et elle ne voulait manifestement pas prendre part à cette nation mutante, qu'elle semblait considérer comme une mascarade. Je me contentai de hocher la tête, vu que j'étais assez d'accord vis-à-vis du fait que le professeur X n'aurait jamais encouragé la création d'une sorte de zone mutante de ce type. Et il serait bien déprimé, s'il voyait à quoi ça ressemblait : l'Outer me faisait penser à Mutant Town. Par contre, quand elle parla de la capacité d'apprentissage et tout ça des gens, je fis une mine un peu renfrognée. J'étais d'accord quant au fait que le temps permettrait aux mutants de s'intégrer mais ce ne serait pas grâce à la bonté de chacun, ce serait... juste un effet du temps et de l'habitude, rien de plus. Mais du temps, il en faudrait beaucoup : l'esclavage avait été aboli il y avait presque 1 siècle et demie, la ségrégation il y avait presque 1 siècle, et malgré cela il y avait encore du racisme. Beaucoup moins que dans les années 1950, ou 1990, ou 2010. Mais il y en avait encore et il y en aurait pendant encore des centaines d'années, le temps que tous les racistes meurent sans avoir l'opportunité d'élever une progéniture et ainsi transmettre leurs idées nocives. Ainsi, je haussai juste les épaules.

Elle continua en parlant du chemin plus précis qu'elle avait pris, pendant toutes ces années, affirmant au passage que Tornade était la seule ici à avoir sa confiance.

- J'la vois après d'main, signalai-je rapidement à la fin de sa phrase.

Visiblement, son amour pour Cait' avait bien disparu : elle la voyait carrément comme une ombre du passé sans vitalité ni rien. P't'ain, dur... Je hochai la tête quand elle signala qu'elle détestait se battre, en dépit de son talent dans le domaine tactique. Plusieurs fois j'avais été là, prête à rentrer dans le tas, mais elle avait décidé de changer de plan pour faire ça "à la douce" (et en général ça se passait bien en fait). Je l'avais, par contre, effectivement traitée de gourdasse parce qu'elle refusait de se défendre. Bon, Jo' n'était pas d'un genre "suicidaire idéologique", elle ne serait pas laissée butter, mais une fois ou deux ce n'était quand même pas passé loin, tout ça parce qu'elle avait été trop à fond dans ses idées de diplomatie. Pour moi, la vérité se situait au milieu mais ça importait assez peu, au final. Encore une fois, je me contentai d'afficher un sourire tendre et nostalgique, à la mention de ce qu'elle me disait à l'époque. Ce sourire disparut toutefois assez vite, quand je me rendis compte que j'avais échoué. Je ne l'avais pas protégée, finalement... Alors pourtant qu'elle comptait sur moi. Enfin de toutes façons, c'était trop tard.

Johan affirma qu'elle ne m'en voulait pas pour ces conneries, en dépit du fait que je l'aie laissée dans ce camp, la larguant au moment où elle avait tout perdu. Tout... Effectivement. Il y avait de quoi changer de façon assez brutale. En attendant, si c'était vraiment comme ça qu'on devenait adulte, je n'avais pas hâte. Cela dit, j'avais vu et fait des trucs pas bien nets et j'étais toujours aussi débile qu'avant, du coup je n'osais pas imaginer ce qu'il faudrait que je fasse pour "devenir adulte" ! Non merci, franchement. Par contre, je devais bien admettre que cette idée de l'Institut, d'avoir de nouveau un rôle clair et établi, une fonction, aider au quotidien de façon visible, c'était attirant. Néanmoins... Je ne pouvais pas retourner à l'Institut. Déjà, à cause du FBI... S'ils découvraient que j'étais là-bas et que j'étais l'auteur de ces massacres, ce serait mauvais pour moi, mauvais pour Toy, mauvais pour la réputation de l'Institut, mauvais pour tout le monde. Et ensuite... J'avais trop de choses à faire à New Heaven, pour l'instant. En l'espace de quelques semaines, j'étais passée d'âme errante sans vrai but à quelqu'un qui venait de retrouver plein de monde et qui avait 12.000 trucs à faire. Dingue, la vie, quand même...

Lorsqu'elle fit une pause, je me contentai de boire une gorgée de thé avant d'engloutir un autre muffin. Avoir un but et une fonction... Pas mal de gens n'aspiraient qu'à ça. Pour ma part je ne savais pas trop quoi en penser. Je n'étais même pas sûre d'avoir un but ou d'en vouloir un, en fait... Jo' reprit finalement la parole, affirmant que pour elle, les Amazones, c'était quand même quelque chose d'important, d'authentique, qui aurait pu être fantastique et positif pour tout le monde. Je me contentai de hocher la tête avec une mine neutre, pensive. Les Amazones, hein... C'était un sacré numéro de cirque, ouais, ça on pouvait le dire... Mais on aurait pu faire quelque chose d'important, effectivement. Bien entendu, quand elle imita la "grosse voix" de Calie, je ne pus m'empêcher de sourire en coin.

- Les Amazones... Pour moi, c'est rien. Après une très brève pause, j'élaborai un peu : Pour moi, l'nom ne r'présente rien, c'qui est important c'est les personnes qui en f'saient partie, t'vois c'que j'veux dire ? Toi, Cait', Calie. J'suis pas quelqu'un qui fait dans les grandes causes, j'suis pas assez maline pour ça Jo'. Assez pour savoir que j'suis trop conne pour m'lancer dans des grands trucs d'ce genre. Pour moi, c'qui était important, ouais, comme j'disais, c'était vous trois.

Je souris un peu en coin, haussant les épaules.

- Quelque part j'suis contente qu'tu t'occupes de l'Institut. Si j'étais pas r'cherchée par le FBI j'aurais même envie d'prendre l'avion avec toi et larguer New Heaven ici. Mais... Je soupirai longuement, encore une fois. Y s'passe trop d'trucs, ici. Des trucs qui pourraient affecter tout l'monde... New Heaven, l'Institut, les US, va savoir, p'tet plus. Sage et Kreele organisent quequ'chose. J'sais pas quoi mais Sage tente de m'recruter pour une sorte de "force secrète" d'élite, j'pense qu'elle veut faire des expériences sur mon symbiote. Et crois-moi... Si elle arrive à trouver comment synthétiser l'espèce de stimulant du symbiote, elle aura une armée d'fous furieux surpuissants et assoiffés d'massacre. Moi, l'symbiote a toujours régulé mes fonctions biologiques. Mais un mutant sans symbiote... Y d'viendra aussi dangereux qu's'il était sous speed X.

Le speed X... Cette drogue multipliant les pouvoirs d'un mutant avait fait des ravages pendant pas mal d'années... J'étais sûre à 90% que le symbiote s'en était inspiré. Je saisis doucement la main de la directrice de l'Institut, continuant en la fixant du regard :

- J'ai b'soin d'savoir qu'une amie s'ra là, Jo'. Enfin pas là, ici, mais... en général, derrière moi. Quelqu'un qu'est pas là pour s'servir d'moi comme d'un pion, qui pourra m'dire la vérité aussi dure soit-elle à entendre. Qui m'permettra d'voir c'qui n'va pas, c'qui n'tourne pas rond. J't'ai dit, j'suis pas assez maline pour savoir si j'me fais manipuler... A elle seule, Sage a 8 fois mon QI. Sans compter l'symbiote... Tu lui offres de l'ADN et il court sans chercher plus loin... J'aurai b'soin d'toi. C'est pas les Amazones, mais... C'est p'tet au moins aussi important, Jo'.

- J'ai b'soin d'savoir qu'une amie s'ra là, Jo'. Enfin pas là, ici, mais... en général, derrière moi. Quelqu'un qu'est pas là pour s'servir d'moi comme d'un pion, qui pourra m'dire la vérité aussi dure soit-elle à entendre. Qui m'permettra d'voir c'qui n'va pas, c'qui n'tourne pas rond. J't'ai dit, j'suis pas assez maline pour savoir si j'me fais manipuler... A elle seule, Sage a 8 fois mon QI. Sans compter l'symbiote... Tu lui offres de l'ADN et il court sans chercher plus loin... J'aurai b'soin d'toi. C'est pas les Amazones, mais... C'est p'tet au moins aussi important, Jo'

Johan la fixa avec intensité puis après avoir brièvement serrer la main de son vis-à-vis se décida à la lâcher en adoptant une posture plus sage avec des gestes calculés et une sorte de droiture froide.

- C’est un peu paradoxale venant de celle qui vous a abandonné et laissé derrière. Tu me demandes en gros de faire pour toi ce que tu n’as pas été capable de faire pour moi. Je vois que tu n’as rien perdu de ta capacité à oser l’impossible. Et bien soit, tu avais mon amitié, tu l’as toujours sans quoi je n’aurai pas sauté dans le premier vol pour venir jusqu’ici.

Elle croisa les bras avec une attitude beaucoup plus sévère après avoir secoué la tête à la négative avec amertume.

- Mais tu n’auras pas à travers moi l’appui de L’Institut. Si tu venais demander asile chez nous, je ne saurais pas t’y accueillir sans mettre en péril la sécurité de mes propres pensionnaires. J’ai des responsabilités et le poids de la tranquillité de tous ceux qui croient en notre œuvre. Je crois en beaucoup de principes de Xavier mais certainement pas en son armée privée….les X Men. L’école est redevenue une école, nous y formons les mutants à entrer dans la vie active et trouver leur place parmi les humains, nous ne faisons plus des soldats, comme je l’ai vertement expliqué à Ororo le mois dernier. L’éducation, l’explication et la prévention : c’est exactement cela qui fera la co-existence pacifique.
Que Kreele et ses sbires préparent les pires saloperies, ça je n’en ai aucuns doutes. Mais comme les doléances de l’administration du président Bowen et du Bureau des Affaires De différences Génétiques ou des résurgences de la Police Mutante aujourd’hui dissoute, je reste neutre dans tout conflit. Et crois-moi, des fouilles merdes j’en reçois tous les jours….Les intrigues sont partout et les jeux politiques n’ont jamais été aussi opaques. Kreele marche main dans la main avec les américains mais si tu veux mon avis chacun guette le faux pas de l’autre. Sage a foutu son nez dans nos dossiers protégés du vivier de l’Institut, j’en ai LA PREUVE ! Elle cherche quelque chose je crois qu’il y a des plans derrière les plans et je sais de sources sures que des Agents Secrets de New Heaven sont intervenus hors de leur juridiction, notamment lors de l’accident du tremblement de terre de Goya en Argentine et crois-moi, ça n’avait RIEN à voir avec un tremblement de terre malgré ce que les médias diffusent, on nous a refusé une mission humanitaire, tout a été mis sous confidentialité, on ne voulait surtout pas de mutants là-bas. J’ai accueillis certains réfugiés, ils nous ont été arrachés par le Bureau. Nous avons été forcé de coopérer, mais les témoignages de ces jeunes gens….sont troublants….ils parlent d’un hostile et aussi d’une équipe de soldats d’élite en rouge…il y a eu confrontation et des morts…beaucoup de morts. Tout a été étouffé et comme par hasard…Ororo n’a pas eu « vent de l’affaire ». Et comment tolérer la situation Australienne et le black out total de la chine….Nation X ou les Etats Unis n’ont pas de réponses à formuler à nos interrogations….je sais de sources secrètes qu’il existe une sorte de directoire international non officiel…je n’ai que son nom : les Vigilentes, ce terme revient souvent mais personne ne veut en parler, ni chez les nôtres, ni chez les humains….Ne va pas fourrer ton nez où tu ne devrais pas, Kaya. Ces gens-là n’ont aucune notion d’amitié ou de mémoire, c’est politique et dangereux.

Elle sembla se détendre un instant tout en jetant un regard éteint sur les passants dans le grand hall. Sa voix se fit plus douce, beaucoup moins impérieuse et froide.

- Et tu es venue la voir en premier….n’est-ce pas ? Te connaissant et connaissant ton acharnement, tu ne lâches rien…. en plus la place est libre à présent et Cait est…facilement manipulable. Je ne devrais pas dire ça, chacun doit s’occuper de ses fesses et c’est TOI qui m’a appris ça mais Cait…elle a bien assez souffert comme ça, ne joue pas avec elle. J’ai été dure avec elle, très dure mais je l’aime énormément, elle mérite de tourner la page….elles est larguée et dépassée mais je pense qu’il lui faudrait juste quelqu’un…tu vois de quoi je parle ?

- ‘Fin j’dis ça…j’dis rien, tu n’en feras une fois de plus qu’à ta tête, comme d’habitude….Fais juste attention à elle, c’est tout.

C’était, encore une fois, assez dur… Mais d’un autre côté je lui avais demandé d’être dure et directe et le fait était qu’elle finit par affirmer qu’elle resterait mon amie malgré tout. Je me contentai donc de soupirer avec une mine triste, quand elle se redressa et se mit à parler de… pas mal de choses troublantes. Visiblement, elle était bien plus au fait des dernières histoires que moi (ce qui était assez logique) et bordel, ces histoires puaient très violemment. D’après elle je n’aurais pas l’appui de l’Institut, en soi ça me semblait parfaitement normal et je ne voyais rien de choquant là-dedans. Je n’espérais pas l’impliquer dans ces sombres affaires et j’étais d’accord sur le fond, sur le fait que l’intégration était la seule voie valide et non la ségrégation créée par New Heaven.

Par contre, ce qu’elle me raconta sur la situation… Ouais, comme je disais, c’était encore pire ce que je pensais. Des oppositions entre Kreele et les US malgré une coopération apparente, le fait que Sage soit venue fouiner là où elle n’était pas censée être (quelle surprise dis donc), et des agents de New Heaven en Argentine… Cette partie-là fut des plus troublantes. D’après Toy, le « tremblement de terre » qui avait eu lieu là-bas n’en était en fait pas un et, pire encore, il y avait eu d’étranges troupes d’élite en rouge… C’était trop pour être un simple hasard. Des réfugiés enlevés par les gouvernements, des missions humanitaires refusées, quelque chose ne tournait pas rond du tout. En fait ça ressemblait plus à un test qui avait foiré qu’à un tremblement de terre… Pour ne rien arranger, Ororo elle-même semblait rester aveugle à ce qu’il se passait, et il y avait des bruits concernant un groupe suspect qui tirerait des ficelles en arrière-plan façon Illuminatis ou je sais pas quoi.

Dans quel merdier étais-je en train de me lancer, encore ? Je fronçai les sourcils, restant silencieuse pour le moment… J’avais beaucoup de choses à considérer et accepter l’offre de Sage me semblait être un parfait moyen de m’impliquer dans une merde pas possible qui allait sûrement m’être reprochée par la suite. Je ne me faisais pas d’illusion : la plupart des gens auraient pensé pouvoir « faire une différence », devenir un agent double ou va savoir quoi, un élément perturbateur imprévu, … mais ces gens-là, surtout Sage, étaient du genre à tout prévoir et tout calculer. Je ne ferais pas le poids, c’était simple et net.

Je fus sortie de mes pensées par Johan, qui reprit avec un ton plus calme, parlant de moi et de Caitlyn. Ah, ça… Longue et complexe histoire. Enfin, complexe, peut-être juste dans mon esprit en fait. La jeune directrice de l’Institut (ça me faisait bizarre de dire ça) me signala qu’elle était manipulable et que je ne devais pas en profiter pour jouer avec son cerveau, ajoutant qu’elle était larguée mais méritait de tourner la page et qu’il lui « faudrait juste quelqu’un ». Lorsqu’elle demanda si je comprenais, je fis un signe négatif de la tête.

- Écoute... Bon, d’jà, t’en fais pas, j’demande pas l’aide de l’Institut. C’trop la merde, c’t’histoire et je f’rais jamais rien volontairement qui puisse endommager l’Institut. Si tu m’vois faire ça, c’t’une erreur ou y’a un gros problème. J’demandais ça juste… En tant qu’amie. T’es plus maline que moi, plus stratège, moi j’peux m’faire manipuler comme une conne. Tu pourrais voir des trucs qu’j’ai pas constaté ou pigé. C’est tout. Et j’sais que j’ai merdé et abandonné tout l’monde… J’le sais bien…

Je passais des bonnes parties de mes journées et soirées à y penser d’ailleurs, malgré les conseils du bouquin.

- Maint’nant, Cait’… Ouais… J’pensais que ça s’voyait pas à l’époque qu’j’étais un peu gaga d’elle, et j’me rends compte d’à quel point c’est ridicule avec le r’cul, ça d'vait CARRÉMENT s'voir. L’fait est qu’maint’nant, 10 ans plus tard… J’sais pas. ‘fin, nan. Y’a des sentiments dont j’suis sûre et d’autres, moins… J’sais que j’ferais tout pour l’aider, la sout’nir, la consoler, l’accompagner si elle a b’soin. Elle f’rait la même chose pour moi et j’sais pas, ça m’paraît naturel en fait, comme si c’tait pas un effort mais juste normal. Mais l’reste…

Je ne dis rien d’abord, reprenant un bout de muffin histoire de me donner un peu de consistance.

- J’sais pas si c’est des restes de sentiments d’l’époque, ou la nostalgie, ou j’sais pas quoi. C’pour ça, j’essaie d’maîtriser c’que j’lui dis mais p’t’ain tu m’connais, j’ai pas d’filtre ent’la bouche et l’cerveau. Puis j’me sens… tellement merdique, coupable, d’ressentir ça… C’comme si j’dansais sur la tombe de Calie en rigolant alors que tu sais que j’l’adorais aussi. Et j’sais pas, j’suis pas contente qu’elle soit morte, loin d’là mais y’a… une ambivalence complète qui m’nique le cerveau.

Je secouai la tête, soufflant de dépit et me frottant le visage.

- Du coup… J’veux pas « jouer » avec elle, mais j’vois pas c’que tu veux dire par là. J’te dis, j’suis pas assez subtile et j’ai l’cerveau pourri d’puis quelques jours. Et j’vois pas non plus c’que tu veux dire par « il lui faudrait juste quelqu’un ». Quelqu’un pour quoi, la sout’nir ? Ou pour lui faire l’ménage ? Parce que j’vais t’dire, la p’tite Jade est tellement maniaque qu’y’a vraiment pas b’soin d’ça.  

Ah, merde : les gardes rouges, j’avais oublié. Ohh ! Et la plante verte, ça me revint d’un coup aussi ! Hmm… Bon, mieux valait ne pas s’emmêler les pinceaux, j’évoquerais ça dans un second temps.

- T’sais… j’suis pas allée la r’trouver. J’comptais rester là, comme une coquille vide à errer jusqu’à c’que j’crève la dalle ou aut’ chose, j’méritais rien d’mieux. C’est Sage qui m’a r’trouvée et qui m’a « encouragée » à r’contacter Caitlyn. Va savoir c’qu’elle manigance, encore…

Toy sourit avec une sorte d’indulgente maternelle avant de murmurer.

- Oui…je peux t’aider à garder les pieds sur terre mais si ça te dépasse, ça risque fort de me dépasser aussi. Tu sais qu’on surnomme Sage, l « Œil de Nation X ». Et ce n’est pas qu’un surnom, elle est réellement connectée sous un bunker du Parlement à tout le système informatique de New Heaven et sa virtuosité cyberpathique est monstrueuse à présent, sous ingérence est mondiale je suis même étonnée qu’elle daigne encore sortir de son trou, ça fait 8 ans que je l’ai pas vu « physiquement »…j’ai su qu’elle avait été torturée assez cruellement dans un des camps de Louisiane…Et que Charles ne s’est pas réellement précipité pour la sortir de là. C’est Kreele qui l’a libéré, pas les X Men, je suis certaine que si elle est capable de sentiments, elle nous en tient forcément rigueur. J’ignore ce qu’est devenue Sage, sérieusement….mais une chose est sûre, elle n’est plus du tout celle que nous connaissions. Rien que le Projet Nymphe qu’elle a osé mettre en place avec sa sbire, Karma. Une honte !!...Je l’ai encore dit à Ororo qui a autorisé ce décret que Cait A FAIT voter. Réduire en quasi esclavage 3 mutants « précom » afin d’anticiper par visions la criminalité, c’est contre toute éthique…Xavier n’aurait jamais permis de réduire des humains, je dis bien humains, mutants ou non, en simple esclaves ! Je crains que l’élites de Nation X n’est plus rien d’humains au fond….ils n’ont rien retenu de la leçon d’Ultimate.
Je pense que Sage a besoin de toi comme d’un fou sur un échiquier…elle t’a laissé libre d’agir après cette rencontre et pouvoir reprendre contact avec les autres, c’est à dessein. Je suis sûr qu’elle anticipe tes actions depuis le départ, depuis ton arrivée dans cette ville et peut être même bien avant…pourquoi avoir truqué la détection de New Cerebra en ce cas ? Ou elle en veut à tes capacité pour autre chose, ou elle veut t’utiliser pour compromettre la vieille garde….mais en tout cas, ta vie, elle s’en fiche : tu peux en être certaine. Fais gaffe, Kaya…ne te lance pas seule la dedans…

Elle ajouta avec une sorte de sourire sous-entendu en tapotant sur la main de la mutante brune.

- Une pour qui tu comptes en revanche, c’est bien Cait et tu es assez adulte pour le savoir. Calie savait pour ce que tu ressentais, tu sais…elle me l’avait dit à l’époque. Elle m’avait étonné sur ce coup, loin d’être furieuse elle semblait…j’sais pas…plutôt philosophe avec ça…elle disait que si ça devait arriver ça arriverait, c’est tout et que le plus important pour elle, ça restait Caitlyn et qu’elle puisse être heureuse avec ou sans elle. Si dix ans plus tard, tes sentiment sont toujours là c’est que ce n’est pas mort…j’en reviens pas d’être obligé de te dire ça. J’ignore totalement où en est Cait de son coté, j’ai entendu des rumeurs…des trucs pas très jolis…mais au fond tout le monde semble avoir perdu la boule…Mais ce que je sais c’est qu’elle est malheureuse et que ça suffit. Si tu peux changer la donne, fonce ! Une très bonne amie m’a dit une fois « Ca passe ou ça casse : y’a pas d’ femmes mariées, de veuves ou de frigides…y’a qu’des meufs mal draguées ! » Tu te souviens ? Si tu m’avais pas poussé au cul…je n’aurais jamais connu Steeve, ni ce moment horriblement gênant qui a suivi dans les toilettes des filles quand on s’est fait prendre par Ororo…TU n’imagines pas dans quel état j’étais à l’époque et ce n’était qu’un simple baiser ! Entre deux jeunes étudiants….
Ce dont Cait a besoin, ce n’est pas d’une femme de ménage ou d’une amie pour tenir sa main….c’est d’amour : aimer et être aimer en retour.
J’suis certaine que de ce côté-là c’est toujours la merde pour toi, non ? A ton âge, tu ne crois pas qu’il est temps de vivre quelque chose de sérieux avec quelqu’un qui en vaut la peine ?…quelqu’un qui te connais un peu…justement !
J’essaye aussi, ça fait deux ans que je suis « secrètement » en couple avec un humain, un ingénieur et aérospatial de New York…on essaye même d’avoir un enfant, ce n’est pas simple avec nos deux jobs. Mais il faut construire, il faut avancer.

Encore une fois, ce fut sous une avalanche d'informations perturbantes que je me retrouvai noyée. Sage passait visiblement la majeure partie de son existence dans un bunker sous le parlement (HA ! Je savais où elle était maintenant !), connectée à tout ce qu'elle pouvait trouver, au courant de tout ou presque. En gros, à elle seule, c'était la NSA et la CIA de New Heaven... Voilà qui expliquait pas mal de choses à son sujet et surtout qui expliquait comment elle avait pu me trouver aussi facilement. Quant au fait qu'elle ait été torturée dans les camps et que ce soir Kreele, et non l'Institut, qui l'ait sortie de là... cela pouvait expliquer son ressentiment général envers Xavier et tout ce qui pouvait être connecté à lui. Aurait-elle des sentiments ? Pas très amicaux, mais elle en avait peut-être, du coup... Voilà qui était intéressant. En attendant, la suite était encore plus surprenante et effrayante : Sage avait mis en place un projet, qui réduisait en esclavage trois mutants ayant des capacités de "vision" dans l'avenir, pour anticiper la criminalité. Outre le fait que cette seule idée semblait tout droit sortie d'une dystopie cyberpunk, Ororo et Caitlyn avaient signé. Caitlyn encore, je pouvais comprendre... Elle m'avait parlé de ce côté "anesthésié" qu'elle avait depuis la mort de Calie. La rousse avait plus ou moins fait ce qu'on lui disait de faire sans trop chercher plus loin et en ne se focalisant que sur ses filles. Quelque part je pouvais facilement comprendre ça...

Ororo, par contre, c'était un peu plus perturbant. Dans quoi baignait-elle, au juste ? Son implication dans plusieurs de ces sombres histoires était assez inattendue, je l'avais toujours vue comme une sorte de parangon de vertu, la championne absolue de l'Institut et de l'idéologie de Xavier. Avait-elle été forcée de faire des compromis malheureux afin de survivre ? Avait-elle une main active dans toutes ces histoires ? Encore une fois, tout cela ne fit que créer de nouvelles interrogations... Beaucoup de questions naissaient dans ma petite tête, depuis quelques jours et plus j'en apprenais, moins j'avais l'impression de comprendre ce qu'il se passait précisément : une sensation des plus frustrantes. Johan avait raison : je n'étais pour Sage qu'un pion sur un vaste échiquier dont je n'arrivais pas à appréhender la taille ou l'importance... J'avançais à l'aveuglette sans savoir quel était l'objectif final ni où se trouvait exactement l'horizon. Plus j'y pensais, moins j'étais enthousiaste... Clairement, si je partais seule dans ces "aventures", j'allais finir par être le dindon de la farce. Ou par me faire farcir joyeusement par un endroit pas tellement fait pour...

Mais malgré ces intrigues, d'après Toy, je comptais pour Caitlyn. Bon... ça, je m'en doutais un peu vu ce qu'elle avait fait pour moi la veille. Le fait que Calie soit au courant aussi, j'en avais quelque peu entendu parler... T'ain, en fait j'étais la seule, à l'époque, à m'imaginer que personne n'était au courant. C'était dingue, ce que l'on pouvait réaliser des années plus tard... Après, avec un peu de perspective et de recul, je réalisais que mon attirance manifeste n'était pas si discrète que ça. Toy enchaîna en me sortant une vieille anecdote, le coup où je l'avais encouragée à se lancer et où elle s'était faite chopper avec Steeve par Tornade. Pour le coup je ne m'étais pas foutue de sa tronche : ça m'avait même bien gonflée qu'un moment pareil soit gâché d'une façon aussi raide. J'avais même affirmé à la prof' que c'était de ma faute et que j'avais voulu faire une blague aux deux... A ce jour, j'ignore encore si elle m'avait crue ou non. Le fait était que, selon la nouvelle directrice de l'Institut, qui pouvais maintenant chopper des petits jeunes en train de se faire des bisous histoire de les traumatiser, je devais faire pareil. Wais... C'était un BRIN plus compliqué que ça.

Johan avait, encore une fois, raison sur le fond. Ouais, j'étais une sous-douée des sentiments, probablement à cause de mes expériences un peu merdiques quand j'étais gamine en fait. J'affichai donc un regard assez distant, dans le vague, pensive. Effectivement... Je n'avais jamais vraiment eu de relation sérieuse une seule fois dans mon existence. Merde alors... C'était assez froid et dur comme constat. Je hochai donc mollement la tête quand elle affirma qu'il était sûrement temps que je vive quelque chose de sérieux avec quelqu'un à qui je tenais particulièrement. Cait' répondait à cette définition, mais... Bah.
Le sujet changea un petit peu quand elle me révéla qu'elle était avec quelqu'un depuis déjà deux ans. P't'ain ! Classe ! Ingénieur en aérospatiale, en plus ! Affichant un grand sourire, je me mis à applaudir avant de lui lever ma tasse de thé en félicitations.

- Deux ans hein ? Et ingé en aéronautique ? Mais bravo, miss timide ! T'ain on est loin d'ta tronche dépitée quand tu t'étais faite chopper par la mère supérieure. Y s'appelle comment ? Il t'fait à bouffer ? Il a des jolies p'tites fesses ? Eh tu peux pas en rester là maint'nant, c'est mort. T'es obligée d'me raconter comment vous vous êtes rencontrés, s'y t'fait des massages des pieds et vot'position favorite. J'te lâch'rai pas.

Soupirant ensuite, mon regard se fit de nouveau lointain alors que je haussais les épaules.

- L'souci, avec Caitlyn, c'est... pas elle en fait, c'moi qui ai l'cerveau merdique comme d'hab. Elle va mal, comme tu dis et j'sais pas... J'veux pas avoir l'impression d'l'exploiter dans un moment d'faiblesse... Ni avoir l'impression d'pisser sur la stèle de Calie... Encore moins avoir l'impression d'êt'comparée à elle. Parce que.... j'sais très bien qu'Calie avait plein d'défauts mais si tu dois comparer, elle était plus intelligente que moi, plus douce, plus compréhensive selon les journées, plus finaude, plus jolie, elle avait pas b'soin qu'on lui explique des trucs évidents dans l'détail parce qu'elle pigeait rien à rien...

Je finis par lever la main et la gigoter en mode "bah on s'en fout".

- Wais, bref... J'verrai bien. Merci des conseils en tout cas, finis-je avec un sourire.

C'était toujours bien d'avoir une perspective extérieure, surtout dans ce domaine où j'étais quand même assez sévèrement handicapée. Non parce que bon, le soir d'avant elle avait fait comprendre de façon suffisamment claire qu'elle aussi ressentait quelque chose pour moi mais j'avais rien, mais rien, mais RRRIIIIENNNNNN vu ni pigé. Que dalle de chez que dalle. Du coup... La remise au clair de Jo' fut plus que bienvenue. Par contre... Il fallait que je lui parle de ça avant d'oublier, et surtout avant que son avion ne reparte.

- Rien à voir Jo', mais... J't'ai dit qu'Sage m'avait r'trouvée et encouragée à aller voir Cait', c'est pas tout c'qu'elle a fait... Tu disais qu'des soldats d'élite en rouge étaient en... où ça déjà merde ? Argentine voilà. Enfin l'fait est qu'elle m'a proposé d'rejoindre les "Gardes rouges". Elle m'a pas filé d'détails à c'sujet mais même l'irlandaise sait pas exactement c'que c'est ni en quoi ça consiste. J'serais prête à parier qu'y'a un rapport... Et qu'du coup, les intentions d'Sage à mon égard sont carrément pas amicales.

J’esquissais un petit sourire satisfait lorsqu’elle porta un toast à ma vie sentimentale, je n’étais pas peu fière d’avoir réussi à équilibrer les deux axes de ma vie, celui personnel comme celui professionnel. Je laissais même éclater une sorte de rire cristallin quand elle commença à me presser de toutes ses questions.

- Tu peux mourir, tu n’auras aucun détail de cet ordre, contrairement à toi mes frasques dans ce domaine ne termine pas inévitablement dans des dossiers disciplinaires, je suis une fille « sage », moi madame. Il s’appelle Andrew, il bosse pour une grosse entreprise…Centaurus Aerospace…Il a bossé sur un projet sur les métaux d’alliage…un truc à base d’impression 3 D dans les années 2010…il est sur la branche de New York…On s’est rencontré lorsque j’ai fait changer tout le montage de fibro_carbone des salles de cours de l’Institut, il a fait le VRP pour son taff, je ne voulais pas traiter avec le Flex de New Heaven, il m’a fait une proposition….puis un diner… Les choses se sont enchainées ensuite, il m’a séduite en me faisant rire…surement pas avec ses messages, il est nul. C’est sympa d’avoir un regard extérieur et différent sur ce que tu fais de ta vie, mon boulot de directrice lui passe un peu au-dessus de la tête et comme il n’a aucun problème avec ma mutation…c’est plus simple même si ses parents ne lui adressent plus la parole depuis qu’on a officialisé notre relation…certaines personnes ne changeront pas, malheureusement.

Je l’écoutais se déprécier face à Calie et m’exposer ses états d’âme. Elle restait la même sur ce fait.


- Calie était tout ça oui, mais comparée à toi elle est un peu « plus morte » aussi, non ? Et puis moment de faiblesse, au bout de dix ans moi j’appelle ça une dépression chronique. Est-ce qu’enfin tu vas arrêter de te pourrir la tête avec tes questions et tout simplement laisser les choses se faire ? Tu as tes défauts et tes qualités, c’est quand même malheureux qu’à trente ans passé tu ne saches toujours pas que l’Amour n’est pas une question de « comment tu te vois toi » mais surtout de « comment l’autre te ressent »…Si tu restes toujours dans cette crainte d’être rejetée ou incomprise, tu finiras bouffé par tes rats ou tes chats….au toi de voir, Violette.

- Rien à voir Jo', mais... J't'ai dit qu'Sage m'avait r'trouvée et encouragée à aller voir Cait', c'est pas tout c'qu'elle a fait... Tu disais qu'des soldats d'élite en rouge étaient en... où ça déjà merde ? Argentine voilà. Enfin l'fait est qu'elle m'a proposé d'rejoindre les "Gardes rouges". Elle m'a pas filé d'détails à c'sujet mais même l'irlandaise sait pas exactement c'que c'est ni en quoi ça consiste. J'serais prête à parier qu'y'a un rapport... Et qu'du coup, les intentions d'Sage à mon égard sont carrément pas amicales.

Je reste perplexe un moment avant de répondre en choisissant mes mots.

- Sage connait très bien ton…ton exaltation en ce qui concerne le combat…Je ne pense pas cependant qu’elle cherche à te nuire. Il lui suffisait de te balancer au FBI et de te faire chasser de New Heaven…Mais si ces « gardes rouges » sont une milice privée, cette proposition je pense n’est que la carotte pour te manipuler, ses objectifs sont autres je pense mais pas forcément « non amicale » mais dénué de toute amitié, ça tu peux en être certaine…Je suis trop éloignée pour voir clairement sa stratégie mais elle est TOUJOURS obscure. Le Gardes Rouges….il doit y avoir un lien entre tout ça…Kreele…le Vigilente….les Black Opé du Président Bowen….ça nous dépasse complètement Kaya. Mais je gage que si Le X center n’est pas impliqué là-dedans malgré les excellents agents qui s’y trouvent et la nécessité d’en passer par une troupe fantôme ça veut dire que le jeu politique de Nation X a plusieurs degrés de lecture et ça…ca « craint ». Et je…

Je m’interrompis, la luminosité baissant rapidement et brusquement autour de nous, l’éclairage vacilla un instant ainsi que tout l’appareillage électrique puis redémarra au bout de quelques secondes.

- Et bien…Pour une Nation High Tech, vous avez aussi des problèmes d’alimentation….Il n’a pas d’orage pourtant. Je croyais que des dispositions existaient en cas de baisse de tension, surtout dans les aéroports. Amusant…Bref, je n’en sais pas plus que toi sur ce coup.

Aucun détail !? KEUUAAAA !? Comment ça "aucun détail de cet ordre" !? C'était hors de question ! Là il fallait qu'elle me file toutes les infos requises, c'était tout ! Bon, j'eus quand même QUELQUES informations. Andrew, donc... C'était déjà ça, il avait un prénom : bon départ ! S'il s'était appelé KR-3407B_0A je me serais posée des questions. Ensuite, il était ingé pour une grosse corpo multinationale dont le nom m'était familier : ils faisaient des téléphones et des batteries, et d'autres trucs genre des fusées. Moi j'avais un Samsung mais j'avais hésité à prendre un de ces trucs à écran 3D super classe, finissant par opter pour un téléphone plus petit. En attendant, il avait bossé sur des projets divers à NY et avait fait office de vendeur / expert pour une rénovation de l'Institut, profitant de l'occasion pour aller draguer ma copine. Hmhm ! Petit malin, hein ! Il allait falloir que je trouve un moyen de faire le déplacement à New York pour "l'inspecter" et voir s'il était convenable... Même si, bon, après autant d'années, Jo' se serait sûrement rendue compte des éventuels problèmes, maintenant que j'y réfléchissais... Cela n'empêchait pas qu'il fallait qu'elle obtienne quand même mon "seal of approval". Dommage, pour ses parents, par contre. Enfin, dommage pour eux, quoi : ça les empêcherait de connaître miss Kentshaw, c'était eux qui allaient y perdre... En attendant, un petit sourire idiot apparut sur mon visage, le genre que Toy connaissait trèèèèèès bien, qui survenait quand j'avais une idée stupide. Je laissai celui-ci se développer, lui lançant :

- Centaurus, hein... Il est équipé comme un centaure ? lâchai-je du coup avec un énooorme sourire et un air totalement crétin.

J'étais sûre à 90% que la question la gênerait et qu'elle ferait sa tête de timide un peu embarrassée, même après autant d'années. Quelque part, l'embarrasser un peu c'était le but : il n'y avait rien à faire, à ce niveau-là, je ne changerais sûrement jamais.

La conversation finit en tout cas par changer de teneur... Mes préoccupations quant au fait d'être comparée à Calie et autres. Selon Jo', elle était morte donc il n'y avait pas de quoi se la péter. Certes... Mais du coup quoi, je valais la peine parce qu'il n'y avait rien de mieux à disposition ? Pas super valorisant... Quant à la "dépression chronique", j'avais quand même beauuuuucoup plus de problèmes mentaux que juste celui-là mais là, encore une fois, c'était une autre histoire. Après, elle avait raison quant au fait que l'amour était effectivement plus une question de perception de l'autre et que si je craignais éternellement de me faire envoyer chier, je n'avancerais jamais où que ce soit. Malgré tout... Je m'étais faite plus ou moins envoyée chier le soir d'avant (pas entièrement, c'était, pfff compliqué - sérieux, Cait' et moi on était des reines du drama et des complications inutiles, je me demandais même comment c'était possible) et ça n'avait pas été bien marrant. Je ne répondis du coup rien, haussant juste les épaules. Il faudrait que je réfléchisse à tout ça à tête reposée.

Et il y avait, encore une fois, plus important... Ce que me voulait Sage. Selon Johan, elle savait très bien que j'étais une "exaltée" du combat...? Mouais... Je ne dirais pas que le combat m'attire plus que ça. Le symbiote recherchait les expériences extrêmes car cela lui donnait des informations qu'il pouvait utiliser pour évoluer mais pour ma part si je pouvais éviter de me fritter, j'évitais. En fait je ne m'étais pas battue depuis Seattle, donc ça faisait plus d'un an, alors pourtant que j'avais été videuse dans plusieurs boîtes de nuit de l'Outer. J'avais chaque fois réussi à m'en sortir par la diplomatie ou l'intimidation. En attendant, Toy avait raison : si Sage avait juste voulu me faire chier, elle aurait juste contacté le FBI avant de m'extrader et affaire close. Le fait était qu'elle voulait me manipuler d'une façon ou d'une autre et que je manquais d'éléments pour pouvoir me défendre ou pour prendre une direction inattendue qu'elle ne pourrait pas prévoir. Sans compter le fait que j'ignorais quels étaient ses vrais objectifs : il était fort possible qu'elle utilise ces histoires de "nationalisme" à des fins purement humanistes. J'en doutais, mais ça restait possible... Tout était possible, avec Sage. Du coup, pour pouvoir comprendre si je devais ou non l'aider, je devais comprendre son objectif final et je manquais d'infos.

Ororo, Sage, Caitlyn, Kreele, le président des USA, la X-Force, la "Garde Rouge", et cette sorte de conseil Illuminati bizarre dont Jo' venait de parler... Il y avait, comme elle le disait, énormément de degrés de lecture dans toutes ces histoires et réussir à tout démêler n'était pas ma spécialité. J'étais très douée pour me focaliser sur un ou plusieurs points et m'attaquer à ceux-ci de façon aussi directe et efficace que possible. Lors de mon doctorat, j'avais procédé de cette manière : j'avais pris deux ou trois fils conducteurs, je les avais menés à leur conclusion, récupéré les données, puis recommencé avec deux ou trois autres fils. Une fois toutes les conclusions obtenues, je pouvais finalement obtenir une vue d'ensemble cohérente et finalement arriver à des résultats intéressants. Néanmoins, tout conduire simultanément sans avoir la moindre idée de ce qu'il se passerait à droite ou à gauche, sans compter le fait que l'une des "couches" pouvait interagir avec une autre et foutre un merdier inattendu qui ne ferait que me déconcentrer... C'était une méthode de raisonnement que je n'avais jamais pu développer.  Du coup... Ouais, je marchais un peu sur des oeufs.

Mes réflexions et les propos de la petite brune furent tous les deux interrompus par une sorte de faiblesse de courant, qui ne fut que provisoire mais me fit froncer les sourcils. Huh... Bizarre cette histoire. Johan se moqua un peu avant de dire qu'elle n'en savait pas plus que moi... Elle en savait clairement plus : je n'étais pas au courant de cette histoire en Argentine ni de ces "Vigilentes". Mais pour l'instant quelque chose d'autre me semblait étrange.

- ... les aéroports ont plusieurs lignes pour rester opérationnels quoi qu'y s'passe. C'te faiblesse ça veut dire qu'toutes les lignes ont merdé simultanément... C'bizarre...

Je finis par secouer la tête en terminant mon deuxième muffin. D'un autre côté, je n'étais pas vraiment une électricienne donc ça ne me concernait pas plus que ça. C'était juste étrange...

- J'ai deux choix, avec c't'histoire... Soit j'reste en dehors d'tout ça, j'refuse la proposition d'Sage et j'me ferai p'tet pas manipuler... Mais p'tet que si quand même. L'fait est qu'j'aurai aucune idée de c'qu'y s'passe. Soit j'accepte, je saurai que j'me fais manipuler mais j'serai à l'intérieur. J't'avoue, même si l'option 2 a l'air mieux, j'suis pas certaine qu'ça soit l'cas.

Me frottant le visage, je m'affalai dans ma chaise en soupirant longuement, avec une mine déprimée.

- Ahhhh Jo'... Tu t'souviens quand on était juste tout'les quatres, à vouloir aider not'prochain et sauver des connards ? P't'ain, c't'ait quand même plus simple qu'ces histoires tordues à la Game of Thrones, j'sais pas si tu t'souviens d'ces bouquins adaptés en série ? Bah ça m'fait penser à ça, perso. Tout ça m'donne envie d'me fabriquer un costume moche avec une cape qui sert à rien, des collants, un clip par dessus l'pantalon, et m'la jouer superwoman indépendante qui s'en fout du reste.

Je grimaçai un peu, levant les yeux au ciel.

- Nan mais j'le f'rai pas hein, en plus les capes c'est chiant. C'que j'veux dire c'est que... J'regrette l'époque où tout était plus simple, p'tain... Tu m'dis qu'y faut niquer la face d'une sorte d'cabale mystérieuse qui contrôle l'univers, moi, pas d'soucis... Mais tu m'dis qu'y faut démêler l'vrai du faux dans 25 organisations différentes, chacune avec 10 complots, là... Je secouai la tête, penaude, en terminant mon thé.

Ce fut là que je ressentis encore une de ces "impressions" que le symbiote m'envoyait, ce qui me fit sourire en coin.

- Après... T'sais, j'me d'mande si Ultimate ne f'sait pas partie d'tout ça. R'garde... Xavier dirige l'Institut, Kreele est puissant mais tout l'monde s'en fout de lui. L'gouvernement humain décide d'créer des camps après une montée en puissance des tensions qui était... inutile. C'te montée des tensions n'est pas sortie d'nulle part, mais presque. D'un coup, presque du jour au lend'main, la haine anti-mutants a explosé et a monté pendant des années. Et là... D'un coup, paf, Ultimate arrive à peine quelqu'mois après l'apparition des camps. Comme par magie, Xavier s'fait tuer, laissant Kreele et Sage en tête des X-men... Leur plan ? Envoyer au saloir tous les X-men sans exception, en gros tous ceux qu'étaient d'l'avis d'Xavier sur la paix entre mutants et humains. Résultat, Ultimate est mort ou "banni" ou j'sais pas, Kreele est un héros, y'a presque plus un seul X-man vivant pour enseigner l'idéologie d'Xavier ou pour s'opposer à la création d'sa "nation mutante", et les rares qu'ont survécu n'sont plus qu'des coquilles vides et manipulables, comme Cait'... Même si j'espère qu'mon retour va l'aider à r'prendre du poil d'la bête, elle mérite mieux qu'ça. Bien mieux qu'ça...

Je secouai alors la main, précisant :

- J'sais qu'c'est p'tet qu'un hasard hein, j'ai aucune preuve substantielle qu'Kreele soit à l'origine d'Ultimate et d'cette histoire mais... L'fait est qu'il a bien su exploiter les cartes qu'il avait en main. J'parle du "bon vieux temps" mais... l'est fort possible que même à l'époque on n'ait été qu'des pions sur un échiquier géant, trop grand pour en voir les bords ou même l'objectif.

- Centaurus, hein... Il est équipé comme un centaure ?

Le directrice afficha un air surpris puis haussant les épaules démarra au quart de tour.

- Hein, mais noooon…il est…plutôt bien équipé mais quand même pas à c…

Elle s’empourpra brutalement écarquillant les yeux alors qu’elle se rendait compte de ce qu’elle disait, fortement embarassée puis avec un éclat de rire particulièrement juvénile, elle tapa le plat de la main de Kaya en un geste d’enfance qu’elle utilisait jadis pour dire « ne fait/dit pas ça »

- Mais qu’est-ce que tu me fais dire là…vilaine fille, tu n’arrêteras jamais de m’enquiquiner, hein ?

Elle secoua la tête en souriant.

- La vache… « enquiquiner »….je dois être la seule texane capable d’utiliser une expression aussi ringarde…ça te navre, hein….malgré tous tes efforts je ne suis toujours pas capable de dire des grossièretés. Tu n’as pas réussis parfaitement ton… « éducation », mais sur le côté sexe, j’avoue que tes conseils m’ont été plutôt utile…haha ! Mais Chuuuut…secret défense, Violette !

Le ton de la suite de la conversation la laissa méditative et songeuse. Elle esquissa un sourire lorsque la jeune fille parla de Game of Thrones et de se fabriquer une sorte de costume qui va avec.

- Pfff…tu n’auras pas eu la classe dans ce genre de costume, les choses que Calie et Cait nous faisaient porter étaient hideuses, je mourrais de honte à chaque mission. Et puis franchement…. « Le merveilleux Castor ». …Tu sais qu’elle est une légende de nos jours et pas qu’à l’Institut ! Il suffit de lire Yuki Chez l’école des mutants, l’auteur a VRAIMENT repris supercastor…trop drole.Tu te souviens quand Cait nous avait montré le dessin de son premier costume qu’elle avait fait à la va vite et comment elle l’avait mal pris quand j’avais demandé si c’était un des élèves des petites classes qui l’avait réalisé ? Il a fallu que Calie l’évacue de la salle, elle était dans une de ses rages. Wonder Beaver….de l’auto-troll devenu une référence….juste énorme.


Le reste la fit moins sourire, elle resta une fois de plus pensive avant d’ajouter.

- Si je n’avais pas vécu les évènements de l’intérieur…Bien sûr que ça me paraitrait de trop belles coïncidences tout ça….Mais il est établit officiellement que ce sont bien les Humains qui ont merdé avec une sorte de trafficage génétique d’un mutant décébré au sens propre…ils voulaient en faire une arme biologique, elle s’est retournée contre eux. Il n’y a rien d’autre à chercher. Et tu n’as pas vu les efforts et l’implication de Kreele durant cette guerre, New Heaven est discutable et son travail en tant que gouverneur est loin d’être « biblique » mais il en a chié, il s’est investi durant ce combat comme personne. Il a fait partie du dernier carré avec les télépathes, il est « passé de l’autre côté » lors de l’ouverture du vortex avec Jean, Rachel, Psylocke et une dizaine d’autres télépathes capable d’ouvrir une autre dimension …et il est revenu…seul…et complètement démoli psychiquement, il est même resté deux jours en mort cérébrale : c’est un héros de guerre et là je parle de FAITS, pas d’extrapolations. La vérité est limpide, Kreele a gagné cette guerre, sans lui et ses efforts, sans nos efforts, Ultimate aurait annihilé toute forme de vie sur cette planète.

Krrkrrkrr ! Ma petite question eut l'effet escompté, créant chez elle d'abord une réponse confuse, avant qu'elle ne réalise que je me foutais totalement de sa tronche. Cela dit, j'avais quand même obtenu des infos : ainsi, malgré son air un peu embarrassé (carrément embarrassé en fait), je gardai mon énorme sourire de troll au visage. Je levai ensuite les yeux au ciel en entendant le mot "enquiquiner". Sérieusement, Jo'... A son âge elle n'arrivait toujours pas à dire "tu me casses les glaouis" ? Comme elle le disait, malgré tous mes efforts, je n'avais pas réussi à lui faire employer des mots un peu plus, disons... "imagés". Par contre, je restais quand même fière : elle avait appris la signification de beaucoup d'entre eux, c'était donc ça de pris ! Et visiblement, le fait que je la traîne dans des situations bizarres lui avait appris quelques petits trucs sur l'art de s'envoyer en l'air. Mon air trollesque se transforma donc en petit sourire amical alors que je haussais les épaules.

- Promis, j'dirai rien ! Hésite pas à m'demander s'tu veux savoir un truc un peu pervers, j'suis à-ton-ser-vice, finis-je en détachant bien les derniers mots.

Le reste... ah, les costumes qu'on devait porter, ouais... J'aimais bien la combinaison en molécules instables : elle était sobre, fonctionnelle, efficace, nickel. Par contre, les "accessoires complémentaires" que les deux lesbiennes sortaient parfois, mon dieu... Mais pourquoi ? En fait je ne savais pas trop, à l'époque, si elles avaient créé ces machins elles-mêmes ou si elles avaient demandé de l'aide de quelqu'un. Les deux solutions étaient tout aussi terrifiantes l'une que l'autre. La première impliquait qu'elles aient appris une forme de couture pour nous faire ces espèces de... tissus... Et la deuxième impliquait qu'elles avaient trouvé une personne qualifiée qui avait ACCEPTÉ de créer ces trucs. Cela étant dit, le fait que miss Wonder Beaver soit devenue une star ne m'étonnait guère, même si le bouquin qu'elle cita ne me disait rien : hélas, niveau lecture, je n'étais pas ultra à jour depuis 10 ans. Peut-être cela vaudrait-il la peine d'y jeter un œil, si ça faisait référence aux exploits du castor roux. En attendant, lorsque la brune me demanda si je me souvenais de son "prototype" de costume, je me plaçai le visage entre les deux mains avec une expression de dépit. Ah, oui, je m'en rappelais... Elle avait assez mal pris la remarque naïve de la pauvre Toy, qui s'était un peu faite pourrir... Car ouais, contrairement à Johan, Cait' n'avait pas peur de jurer !

- Mon dieu, ce truc... J'crois qu'à l'époque elle voulait s'crètement s'lancer dans l'style goth doll rose bonbon ou un truc du genre... P't'ain, si tu l'retrouves... Il est encore à l'Institut ? Parce que si oui, j'pense que Jade a-do-r'rait voir une photo d'ça !

Bon, certes, j'avais des sentiments très forts pour Caitlyn, c'était établi. Mais se payer un peu sa tronche, avec ce vieux truc ? Je ne pouvais pas passer à côté de cette opportunité. C'était trop beau, trop parfait pour que je loupe ça. Puis de toutes façons... Si Cait' me connaissait si bien que ça, elle comprendrait vite que les conneries de ce genre étaient une partie intégrante de ma personnalité et qu'il faudrait vivre avec. Je ne pouvais pas m'empêcher de faire des conneries. Des fois un truc débile me passait par la tête et je le faisais directement sans même réfléchir plus loin. Comme quand j'avais bricolé le système d'arrosage du parc des expos pour rendre leurs fleurs flashy. J'aurais pu avoir de sacrées emmerdes mais le fait de faire ma connerie était bien plus important. Va savoir pourquoi, j'étais pas psy.

Bon, le reste fut moins superficiel et rigolo. D'après elle, le fait d'avoir vu les choses de l'intérieur donnait des conclusions différentes : il était officiellement établi, déjà, que des humains avaient merdé en bricolant un mutant. Moui. C'était la version officielle... Je n'étais pas du genre à tout mettre sur le dos des Illuminatis ou à dire que les atterrissages sur la lune avaient été truqués mais c'était avant tout parce qu'il y avait des éléments montrant que non, il n'y avait pas d'Illuminatis, et oui des types avaient bien fait un tour sur la lune. Dans le cas présent, il allait falloir que je me renseigne plus avant sur ces labos qui auraient créé Ultimate par erreur... Peut-être avaient-ils des échantillons d'ADN que je pourrais consommer ? ... attends, de quoi ? Connard de symbiote, mais ta gueule quoi. Laisse mon cerveau tranquille et va faire une putain de sieste ! Il fallait que je me renseigne pour savoir si c'était vrai d'une part, et qui aurait pu faire ça d'autre part. Mieux. En plus, pourquoi ce débile de symbiote voulait-il que je récupère de l'ADN d'Ultimate ? Il n'arriverait rien à en faire, il avait déjà tenté de s'auto-greffer des gènes X, de m'en greffer à moi, et il avait toujours échoué à cause du manque d'énergie et de nutriments demandés par une opération pareille.

Le fait était que Kreele avait été, d'après Johan, particulièrement impliqué dans le combat contre ce monstre, même si son travail après comme gouverneur était moins une réussite. Il aurait mené l'assaut télépathique final avec rien de moins que Rachel, Jean et Psylocke. Bah mon vieux... Attends. Il y était allé avec JEAN et c'était lui qui en était ressorti vivant ? Mouais. En attendant, il serait resté plus ou moins mort pendant deux jours. Mouais... Admettons... C'était quand même dingue que Jean et Rachel y passent mais pas lui mais admettons... En combat, il se passait parfois des choses imprévisibles, inattendues, incohérentes, qui n'ont aucun sens mais qui arrivent quand même. Soit. Kreele était "off the hook" pour le fait d'avoir provoqué lui-même l'apparition d'Ultimate mais il faudrait quand même que je vérifie pas mal de choses et de sources en tous genres. Sans leurs efforts ("nos" efforts disait Johan), Ultimate aurait rasé la planète... Ouais. Leurs efforts... Pas les miens. Encore une fois... Je savais qu'elle n'avait pas utilisé cette formulation pour me reprocher quoi que ce soit, c'était juste un dur rappel de ce qu'il s'était passé à ce moment là. Néanmoins... Je me souvins de ce qu'avait dit Caitlyn. J'aurais juste été une victime de plus et je n'aurais probablement rien pu changer dans tous les cas. Je hochai donc la tête, haussant les épaules.

- Dans c'cas il a su exploiter les opportunités qui lui étaient présentées. ... on sait où étaient les labos qui ont créé Ultimate ? demandai-je alors, presque sans même y faire attention.

Et d'un coup, quelque chose me revint sans aucune raison cohérente. Association d'idées ? Zones cérébrales connectées ? Va savoir. J'ouvris grand les yeux, secouant un peu l'index comme une détective venant d'avoir une sorte de grande illumination.

- Ah ! Mais ouais ! Faut que j'te dise... Que "Tournesol t'autorise à m'dévoiler son graaaaaaaaand secret". Ou un truc du genre. C't'une mutante verte qui m'a dit ça, une ancienne d'l'Institut. Enfin d'abord elle m'a fait du rent'dedans, et ensuite elle m'a dit d'te dire ça, vu qu'elle était ta protégée. Je haussai alors un sourcil, affichant un grand sourire amusé. T'avais une PROTÉGÉE, toi ? T'étais la Caitlyn d'la miss verte ?

- Dans c'cas il a su exploiter les opportunités qui lui étaient présentées. ... on sait où étaient les labos qui ont créé Ultimate ?

Elle prit un temps de réflexion avant de se redresser et souffler dans un murmure.

- Bien sûr…là où Ultimate est apparu la première fois…Au Japon pas loin de Kyoto, pulvérisée avec une partie de l’Archipel, je Japon ne s’en est jamais remis économiquement et socialement parlant…c’est devenu le chaos là-bas, le pays a été placé depuis dix ans sous protectorat des Nation Unies. Il n’y a plus rien, ni gouvernement, ni Nation à proprement parler….c’est une terre aride, un champ de ruines et une zone de non droit. Après Ultimate, une commission d’enquête a été formée pour comprendre et déterminer les responsabilités. La commission Kurlz, du nom d’un procureur allemand je crois…il y a eu une vaste enquête et je crois que dix après, elle est toujours en cours…mais…je crois que c’est précisément Caitlyn qui avait été nommée dans cette commission en tant que Procureur Générale de la Nation X pour représenter le jeune état mutant…Tu n’as qu’à lui demander, si ça te taraude mais à mon avis, c’est un dossier plutôt classé Secret Défense…Beaucoup ont rejeté la faute sur les japonais à l’époque mais qui veux-tu blâmer ou inculper quand la nation n’existe tout simplement plus….75 % des japonais sont des expatriés, des migrants, Ultimate a provoqué une véritable Diaspora Japonaise…Tu sais que San Diego est devenu la nouvelle Tokyo à cause de son taux d’expatriés ? Non ? Seigneur, tu devais vraiment avoir la tête dans le …humhum…durant toutes ces années…

La laissant à sa réflexion, la brunette s’agita brusquement et lui tint des propos qui amenèrent une sorte de sourire amusé sur son visage, se sourire s’élargit alors que Kaya lui expliquait sa question.

- Lisa ? Elisabeth Montgomerry ? MA Lisa ? Alors comme ça…Tu as rencontré Lisa ? Mon dieu comme quoi les extrêmes s’attirent…Ahah…Ma protégée ? Ah surement pas…du moins pas comme tu le penses, l’école ne forme plus de X Men….Tournesol….haha…alors ça…Ahahah !!!
je m’inquiétais, je n’ai pas de nouvelles depuis trois mois, c’est la période de la fin du printemps…elle est particulièrement survoltée durant ce moment-là…ses hormones fonctionnent avec le climat et les saisons… J’espère qu’elle prend bien ses cachets pour freiner sa libido, c’est une sorte de nymphomanie tu sais…surtout au printemps… l’automne elle tombe dans la dépression et l’hiver, on dirait un légume.
Si elle t’a parlé de moi c’est qu’elle sait qui tu es….Mon dieu (elle éclata de rire) pauvre Lisa, j’imagine d’ici sa tête….Frankenstein qui rencontre sa créature…il faut absolument que je l’appelle. Elle t’a donné l’aval alors ? Je croyais à une de ses blagues stupides quand elle a mi ce code en place, et ce n’est jamais arrivée…c’est qu’elle doit te faire confiance, au moins autant qu’à moi. Bien forcée, au fond !
(elle repartit dans un fou rire) Excuse-moi mais c’est juste….complètement fou que dans cette ville surpeuplée…tu sois tombé sur la SEULE personne aussi azimutée que toi….tu les attires, c’est pas possible, tu n’as pas couché avec elle au moins ? Ah ah ah !!! Non surement pas, elle a dû flipper pas possible quand elle a su qui tu étais…mon dieu j’ai jamais autant rit depuis…

Elle s’essuya des larmes de rire en s’excusant.

- Arrête de faire cette tête…je…je vais t’expliquer.
Hum…Par où commencer…Oui, elle intégrée l’Institut il ya six ans, plus ou moins forcé par la police…on a vite su que..qu’elle suivait tes pas, une vrais cinglée, son dossier disciplinaire fait trois fois le tien. En majorité pour des histoires de fesses et de mœurs…elle dévorait tout le monde, littéralement. Mon équipe voulait la renvoyer mais j’ai insisté pour qu’on ne la stigmate pas…son passé était très compliqué, elle a vécu cloitrée par ses parents en France et ne vivait qu’à travers ses livres et sa grande passion, l’écriture. On a fini par comprendre son fonctionnement complètement conditionnée à sa nature d’hybride plante, en gros, elle n’y pouvait pas trop grand-chose, ça s’est calmé quand on la mise sous traitement, on avait surtout peur qu’elle finisse par se faire seule du mal…elle n’a pas conscience du danger. Elle était cependant d’une telle vivacité d’esprit et d’une culture très élevée, son QI dépasse facilement les 150 mais c’est surtout son talent d’écriture qui la faisait sortir définitivement du lot….elle a un don…vraiment, elle passe son temps à baiser ou écrire ! Et ce qu’elle fait en écriture, ça frise le génie ! Mais le hic c’est qu’à l’époque elle avait une trouille bleue des humains, je crois que c’est toujours le cas, elle ne fréquente quasi que des mutants…je lui ai conseillée d’écrire quelque chose de différent, une sorte de livre thérapie pour comprendre et encourager au rapprochement humains et mutants, elle était terrifiée et me cassait les pieds à me filer ses textes tous les deux jours…essais, poésies, c’est une touche à tout de génie, elle était si drôle que finalement je l'ai prise en affection. Et elle m’a pondu un joli petit conte…d’un orphelin mutant arrivant à l’Institut Xavier et découvrant tout ce beau monde…y’avait quoi ? 20 pages et j’ai trouvé ça génial, je lui ai demandé de l’étoffer, lui donnant accès à tous les dossiers non privés de l’Institut pour sa documentation et elle a crée…Yuki, le petit mutant à l’Institut Xavier….Oui….Elisabeth Montgomerry EST la fameuse Daphnée Lightnening. Tu as rencontré une star mondiale…

Elle l’observa étonnée et secoua la tête.

- Bon…Ok, ne me dis pas que ça non plus tu ne connais pas ? Yuki, bon sang ! des millions de livres vendus 4 romans, 4 films qui ont rapportés des milliards ! Cette chronique a plus fait pour le rapprochement Mutant-Humain que tous les discours de Xavier ! Alors qu’en fait son auteur a une aversion totale pour le genre humain. Lisa était paniquée, le succès l’a dépassé complètement alors qu’en plus Yuki à ses yeux, c’était une sorte de…d’œuvre mineure sans autre intérêt que de traiter un malaise sociale personnel. Elle avait déjà quitté l’institut à l’époque mais s’est réfugiée chez nous complètement paniquée et névrosée, elle refusait la notoriété. Avec quelques-uns dont son agent, on lui a créé un dispositif holographique modifiant son aspect et la rendant humain. La blonde et très sage humaine Daphnée Lightening été née…complètement l’inverse de ce qu’est véritablement Lisa…nous sommes très peu à connaitre son secret, elle est venue s’installer ici à New Heaven parce qu’elle ne supportait plus les contraintes…mais j’ai peur que cela ne soit qu’une fuite en avant une fois de plus…le plus drôle c’est que t’es carrément une de ses protagonistes : Ciona ! Elle a créé ce personnage allumé en pompant vos conneries sur les dossiers de Cait et le tien ! J’suis même dedans ! On retrouve tout le monde ! Notamment le Super Castor, qui est vraiment une femelle hybride castor…J’ai pas vu le mal à l’époque…après tout t’étais morte et si l’impossible Ciona à la mèche rose avec son accent irlandais et son obsession pour la bouffe et le cannabis pouvait aider les petits lecteurs mutant se sentant rejetés à se sentir mieux…au fond tant mieux !

Au Japon pas loin de Kyoto. Une partie de moi voulait y aller, maintenant… Mais je savais que c’était le symbiote qui me poussait un peu les fesses, car c’était incohérent. Déjà… Pourquoi voudrais-je aller dans une zone plus ou moins apocalyptique ? Ensuite, où irais-je EXACTEMENT ? Je n’avais aucune idée de l’emplacement précis du labo, et il était possible que personne ne sache en fait. Par ailleurs, je n’avais pas de moyen de m’y rendre, j’allais y aller comment ? À la nage ? Non. Mais encore une fois, ces concepts étaient trop complexes pour que le symbiote puisse vraiment les comprendre… Coup de chance pour lui, j’étais là. Sinon il serait mort depuis longtemps, le pauvre… Le fait était que le pays n’était plus grand-chose, maintenant. Une commission d’enquête aurait été formée et… Caitlyn en ferait partie. Tiens donc… Intéressant. C’était peut-être classé secret défense mais je devais bien admettre que plus d’informations, ça m’intéressait plus qu’un peu. Et je savais très bien pourquoi j’étais intéressée… Parfois cette relation tournait au parasitisme. Le fait était qu’à cause des incidents ces dix dernières années, je n’avais pas bien suivi les dernières nouvelles, notamment le fait que San Diego soit devenue une sorte de Tokyo bis.

Non ? Seigneur, tu devais vraiment avoir la tête dans le …humhum…durant toutes ces années…
- T’as même pas idée…

Comme je le disais, je me rappelais en gros… d’à peu près la moitié de ce que j’avais fait pendant toutes ces années. Le reste était trop flou et confus pour que je sois parvenue à former des souvenirs concrets et solides. Mon cerveau avait jugé que ces informations étaient inutilisables, sans compter le fait que les hormones et autres avaient tendance à sérieusement affecter ma capacité à stocker de nouvelles informations ; une partie conséquente de ces 10 années avait fini par passer à la trappe.

Et arriva alors miss Montgomery. Je m’étais souvenue de ce qu’elle m’avait dit de dire à la « directrice de l’Institut ». Sur le moment, je n’avais pas trop fait attention parce que je doutais fort de rencontrer la directrice en question un jour… Mais dans l’intervalle j’avais retrouvé Cait’, appris que la directrice était Johan, avant de finalement me retrouver face à cette dernière, à l’heure du petit déj’, à l’aéroport. Ouais… La semaine avait été riche en événements. En attendant, la situation semblait rendre la petite Toy particulièrement hilare : que je rencontre « sa » Lisa, ça semblait l’amuser et pas qu’un peu ! D’après Johan, la plante verte était nympho pendant le printemps. NAN SANS DÉCONNER !? Alors là, heureusement qu’elle me l’avait dit, j’aurais jamais deviné. D’ailleurs, mon manque total de surprise fut assez visible.

J’espère qu’elle prend bien ses cachets pour freiner sa libido, c’est une sorte de nymphomanie tu sais…surtout au printemps…
- Je sais pas si elle les prend mais elle avait la pinède en feu en tout cas… P't'ain, si elle les a pris, j’ose pas imaginer son état sans !

L’automne et l’hiver elle tombait en dépression puis léthargie. Effectivement, la miss verte m’avait parlé de ça… En soi ça devait être bizarre à vivre. Enfin bizarre, de mon point de vue : du sien ça devait être assez normal. Quand Johan affirma qu’elle devait savoir qui j’étais, je hochais la tête. Sur le coup j’avais vu ça comme une erreur grossière de ma part mais au final, ça s’était avéré être une « bonne » erreur. J’ouvris des yeux surpris à la mention de « la seule personne aussi azimutée que moi » parce qu’elle me semblait être carrément plus à l’ouest que je ne l’étais. Et je secouai la tête, répondant par la négative, quand elle demanda si j’avais couché avec elle.

tu les attires, c’est pas possible, tu n’as pas couché avec elle au moins ? Ah ah ah !!! Non surement pas, elle a dû flipper pas possible quand elle a su qui tu étais…mon dieu j’ai jamais autant rit depuis…
- Nan nan, j’voyais bien qu’y’avait un bug… ça m’aurait donné l’impression d’profiter d’quelqu’un de drogué ou bourré, j’aime pas ça. Puis ouais, quand elle a pigé qui j’étais elle s’est vit’calmée. Elle a flippé presque.

Le fait était que j’étais quand même pas mal perplexe… Et ça devait se voir. La directrice finit par calmer son fou rire, affirmant qu’elle allait m’expliquer. Je profitai de l’occasion pour manger un autre bout de muffin alors qu’elle commençait. Il était une fois… Une nana qui me ressemblait pas mal au niveau disciplinaire. Amenée à l’Institut par les flics, dossier long comme le bras, … ouais ça me rappelait carrément quelque chose. Bon, contrairement à elle, les histoires de fesse n’avaient pas constitué une grande partie de mes « fiches disciplinaires », au contraire en fait. La plupart des relations que j’avais pu avoir avaient été en dehors de l’Institut et duraient un soir à tout casser, je ne m’étais jamais faite prendre en train de faire un double reverse Sanchez dans les toilettes ou un truc du style avec un autre élève. Le fait que Johan décide de l’aider et insiste pour éviter qu’elle ne soit stigmatisée me fit sourire tendrement. Ce n’était pas vraiment une surprise, venant d’elle…

Bon, après, la ressemblance entre Elizabeth et moi s’arrêtait là. Le fait de ne pas avoir conscience du danger, chose dont elle avait rapidement parlé, ce n’était pas mon cas. J’en avais conscience et je choisissais sciemment de l’ignorer. Par ailleurs, le fait qu’elle soit dans la catégorie des génies (0,1%) n’était pas du tout un point que nous avions en commun. Enfin, la passion pour l’écriture n’était pas non plus quelque chose que nous partagions. J’aimais bien lire mais en écriture j’étais… ouais, pas super inspirante, disons. Et en plus elle avait peur des humains ce qui n’était pas mon cas du tout. Je craignais les connards, qu’ils soient humains, mutants ou autres. Bref, ce fut là qu’arriva enfin l’explication sur cette histoire de « Yuki ». A l’origine un mini-récit pour l’aider à gérer ses propres névroses, elle avait (à la demande de Jo’) transformé celui-ci en un best-seller mondial sous le pseudonyme de Daphnée Lightning. Je haussai un sourcil, un brin perplexe. Je devrais connaître ?

- Bon…Ok, ne me dis pas que ça non plus tu ne connais pas ? Yuki, bon sang ! des millions de livres vendus 4 romans, 4 films qui ont rapportés des milliards ! Cette chronique a plus fait pour le rapprochement Mutant-Humain que tous les discours de Xavier !
- Ben, t’sais, à la sortie je d’vais êt’dans un égout ou un truc du genre donc… La culture des 10 dernières années, j’essaie d’me rattraper mais c’est pas ça.

Le fait était que la plante verte obsédée du cul était une star mondiale. Ça alors ! L’idée était tellement amusante que je ne pus m’empêcher de sourire, un peu rêveuse. Sa peur des humains l’avait menée à se planquer à l’Institut et aller jusqu’à créer une fausse version holographique d’elle-même. P’t’ain, dur quand même… Mais du coup, avec toutes ces ventes, ces franchises et compagnie, je pigeais mieux pourquoi elle pouvait se permettre de payer de la bouffe à une inconnue dans mon genre. Et le fait qu’elle ait fait un personnage inspiré de moi me fit éclater de rire. Merde alors ! J’avais inspiré quelqu’un ! Là, ça, c’était une première !

- si l’impossible Ciona à la mèche rose avec son accent irlandais et son obsession pour la bouffe et le cannabis pouvait aider les petits lecteurs mutant se sentant rejetés à se sentir mieux…au fond tant mieux !
- Au moins j’aurai… enfin servi à inspirer quequ’chose de positif, pas directement mais c’est d’jà ça, répondis-je avec un sourire. Voilà donc pourquoi elle était si paniquée quand elle a pigé qui j’étais…

Je réfléchis alors un instant, me rappelant de quelque chose.

- Tu t’souviens quand on avait foutu du colorant naturel dans les plantes de Calie, qu’elles sont toutes d’venues roses fluo ? En fait j’ai fait pareil à une expo pseudo-poétique à la con au parc des expos d’la ville, j’ai mis plein d’couleurs disco et d’la musique des années 70 histoire d’faire passer l’guide pour un con, c’était assez marrant. Enfin, Lisa a pigé qu’c’était moi l’auteur d’la connerie et on est allées manger un morceau. C’est là qu’elle m’a fait… le plus gros rent’dedans que j’aie vu d’ma vie. Sans déconner. J’ai poliment dit non mais j’lui ai filé mon numéro, j’avais quand même envie d’la r’voir.

Je fronçai alors les sourcils, réalisant quelque chose.

- Hm… J’espère qu’elle s’fait pas d’idées sur c’qu’on f’rait. A c’moment-là j’avais pas r’vu Caitlyn… Enfin t’façons y m’a paru évident qu’son énervement était anormal et j’voulais pas en profiter, tu vois ? Comme j'disais, si un beau mec s’met à t’draguer mais qu’c’est évident qu’il est drogué ou bourré, tu profites pas, c’est la base. Donc j’ai pas profité d’la situation. Elle a eu l’air vexée mais au final on a continué à discuter, j’ai parlé d’une connerie qu’Dazzler avait faite à l’Institut avec du laxatif... Enfin ELLE en a parlé, c'compliqué... Mais  elle a pigé qu’c’était moi. Du coup elle m’a filé le « code », là.

Secouant la tête, je soupirai avant d’afficher un petit sourire et une mine pensive.

- J’sais pas trop comment la prendre ou l’interpréter. T’sais… La plupart des gens la verraient comme une pauv’fille obsédée pac’qu’elle a des problèmes émotionnels, et s’la joueraient « preux chevalier » qui veulent la « réparer ». Mais j’pense pas qu’elle ait b’soin d’ça… Elle fonctionne pas comme nous, on peut pas lui appliquer nos prop’modes de fonction’ment. Par contre elle m’a quand même semblé… Chais pas. Seule. Très seule. Dans un sens elle m’a fait penser à moi sur certains aspects… C’pour ça que j’voulais la r’voir. Pas pour l’aider parc’que j’sais bien qu’c’est pas un truc qu’tu peux réparer juste comme ça, plus par… J’ai l’impression qu’on s’rait mieux si on était amies qu’si on était chacun d’not’côté. Tu vois c’que j’veux dire ?

Je finis par hausser les épaules, avec un air plus renfrogné.

- ‘fin ça s’trouve j’suis la seule à penser ça et j’ai aucun intérêt à ses yeux, va savoir. Mais c’marrant en tout cas… ‘faudra que j’lise ce bouquin, ne s’rait-ce qu’au cas où « Ciona » aurait fait des conn’ries que j’ai pas faites, ça pourrait m’inspirer ! finis-je avec un large sourire trollesque.

Toy se perdit à écouter Kaya tout en affichant un sourire entendu, elle finit par incliner la tête à l’affirmative avant de conclure.

- Lisa est la personne la plus complexe que j’ai pu rencontrer de l’ère Post Ultimate. Je crois…mon sentiment est que toutes ces frasques ne cachent qu’un énorme vide affectif et je ne parle pas de sexe. Mais tu as raison sur un point, c’est une personne qui s’est isolée, elle n’est jamais véritablement sortie de cette chambre où ses parents l’avaient muré, encore de nos jours. Elle recherche l’autre et en a peur, c’est pour ça qu’elle opte pour le sexe : c’est un raccourcis basé sur le besoin et l’envie, chacun cherche la même chose et rien d’autre. Elle ne s’est pas fait d’amis à L’Institut, je crois qu’elle faisait tout pour rester sans attaches, m’est avis qu’elle doit faire confiance qu’à deux ou trois personnes. Tu verrais ses poesies….si sombres, si désespérées…c’est complètement différent de Yukki. Quelque part, j’ai peur qu’elle finisse par se perdre dans son jeu d’illusions et d’apparences, qu’elle ignore simplement qui elle est et ce qu’elle cherche. Clairement oui, elle a besoin d’amis, pas d’amants…reste à savoir si elle est capable de l’accepter. En tout cas, si tu pouvais garder un œil sur elle, moi ça m’arrangerais comme je le disais elle n’a pas conscience du danger et des mauvaises rencontres qu’elle pourrait faire et le fait qu’elle t’es demandé de la rappeler…ca c’est de l’inédit, tu devrais essayer : on ne sait jamais. Mais je préfère te mettre en garde, sentimentalement parlant, j’ai bien peur qu’elle soit vraiment incapable de construire quoi que ce soit, hélas…Fin, si tu as toujours ça en tête…
Tiens ! Du coup tu as du rencontrer toute la famille Oldfield ? Non ?
Tu as vu le mini Cait…on dirait qu’elle s’est clonée ! ah ah celle là aussi a un sacré caractère ! Tu savais que c’est Pixie qui l’a formé ? Je n’aime pas trop Jade…elle peut être méchante et cruelle, je ne sais jamais ce qui se cache derrière ses iris noires, d’après ce que je sais elle a été traité pour troubles psychiatriques sévères et son passé…quelle misère, pauvre gamine. Je ne connais pas Ariella, Cait l’a récupéré il y a moins d’un an, Ororo m’a dit qu’elle aller l’adopter et que la gamine souffrait d’une sorte de…schizophrénie délirante. Sacrée Cait’, elle ne fait jamais dans la facili…Oh excuse-moi.

Elle porte la main à son tailleur alors que la mélodie, un tube à la mode sautillant continue de hurler. Elle décroche rapidement.

- Oui. J’ai dit de ne pas me déranger, Belinda. Sauf en cas de…

Son expression change.

- ….C..Comment c’est arrivé ? Belinda parle moins vite. Y’a-t-il des pertes ?

Elle porte la main au front, franchement l'air abattue.

- Ok…c’est le plus important…les robots pompiers sont là ? On sait ce qui…Fichtre ! Tout le New Jersey ? ….un Black out ? ….

Elle regarde sa montre.

- Dans moins d’une heure…mais…quoi JFK bloqué aussi ? Je vais voir pour une correspondance….Je te recontacte.

Elle raccroche l’air absente et se levant murmure comme pour elle même

- Il y a un gros souci à l’Institut, il faut que je trouve le panneau des heures d’embarquements…

Cherchant du regard elle trouve le panneau et soupire

- Bordel….tous les vols pour la cote Est sont annulés…génial…D’après ce qu’on sait ca vient de la centrale de Jersey…il y a eu un gros dysfonctionnement électrique, une partie de New York est dans le chaos et un incendie est en train de ravager l’Institut…il n’y a pas de victimes…Je dois absolument rentrer…je…je vais appeler le X center, Ororo m’enverra quelqu’un. Un téléporteur.

Que Lisa soit complexe, je voulais bien la croire. Que son attitude ne fasse « que » cacher un vide affectif je n’en étais pas entièrement sûre, après je ne connaissais pas aussi bien la plante verte que Johan… Elle avait probablement vu plus de choses en plusieurs années que moi en quelques heures de discussions aléatoires et étranges. Le fait qu’elle soit restée mentalement enfermée, en revanche, je n’étais pas particulièrement surprise. Se faire emmurer ainsi, par ses propres parents par-dessus le marché… Ce n’était probablement pas quelque chose de simple à gérer au niveau émotionnel, il y avait de quoi câbler le cerveau de façons étranges de manière définitive ou presque. Par ailleurs, ce besoin et cette peur de l’autre, deux sentiments assez contradictoires… c’était une sensation assez familière aussi. Peut-être était-ce pour ça que je voulais la revoir dans un autre cadre, moins vaporeux (dans le sens « avec moins de vapeur dans sa culotte »). Le fait que ses poésies ne soient pas très joyeuses n’était également pas une surprise. Elle m’avait dit que ses seuls compagnons avaient été les ouvrages peuplant la bibliothèque familiale, il était donc logique de s’exprimer au travers de ce média qui avait accompagné toute sa jeunesse. Pour ma part quand ma mère était à moitié bourrée et partait dans des délires de persécution qui n’avaient aucun sens, je m’enfermais dans ma chambre avec de la musique ; c’était maintenant la musique qui était (chez moi) un des catalyseurs émotionnels les plus forts et c’était par elle que je m’exprimais le mieux. Et on parlait de classique aux tons complexes et dissonants ou de métal hurlant, donc comme dans le cas de la poésie de Lisa, on n’était pas dans les petits oiseaux et le rose partout.

- Mais je préfère te mettre en garde, sentimentalement parlant, j’ai bien peur qu’elle soit vraiment incapable de construire quoi que ce soit, hélas…Fin, si tu as toujours ça en tête… me précisa-t-elle. Je haussai les sourcils, répondant :
- Euh… Non j’ai jamais eu spécial’ment d’intentions à c’niveau-là.

Puis je devais bien admettre que Cait’ occupait une place plus que prédominante à ce niveau, chez moi. Si on m’avait dit, deux semaines auparavant… Si j’étais plus heureuse que jamais, d’un autre côté j’étais aussi préoccupée : il y avait tellement de façons de tout faire merder… Genre au hasard que je dise ou fasse une connerie parce que je n’avais pas bien fait attention au contexte. Ce n’était pas comme si je faisais rarement ce genre de chose… En fait, je le faisais même très, très, très souvent, autant être honnête. D’un autre côté… Elle me connaissait et savait comment je fonctionnais. On allait bien voir.

Pour l’instant, Jo’ s’amusait de ma rencontre avec la « famille Oldfield ». Ah, ça, une drôle de famille… Mais attachante. Déjà, la « mini-Cait’ ». Quand la petite brune affirma qu’elle ressemblait à un clone de wonder beaver, je ne pus m’empêcher de rire tellement c’était vrai. En fait, c’était une des premières pensées qui m’étaient venues à l’esprit. Je secouai en tout cas la tête quand elle me demanda si je savais qui l’avait formée. Pixie, hein ? Intéressant.
Par contre elle n’aimait « pas trop » Jade. Ce n’était pas très surprenant. Sa façon brusque voire grossière de dire les choses sans aucune considération pour le contexte ou les personnes présentes pouvait clairement déplaire et être vue comme cruelle. De mon côté je ne sais pas, je voyais ça différemment… En fait c’était rafraîchissant. Je pensais que si Jade me disait mes quatre vérités, je ne le verrais pas comme de la méchanceté mais comme sa perception de la situation, rien de plus. Quelqu’un de méchant forçait volontairement le trait ou disait des choses objectivement fausses par plaisir, ce que j’avais vu de Jade ne me semblait pas sadique, juste violemment direct. Après… Je ne la connaissais pas si bien que ça. Mais le fait qu’elle partage une perception, au lieu d’être méchante, voulait aussi dire que cette perception pouvait changer. Tiens, au départ elle me faisait la gueule mais après avoir discuté elle « l’aimait bien, Kaya ».

Après j’étais consciente de l’échantillon très réduit que j’avais eu de la famille Oldfield. Il était fort possible qu’on se rentre un peu dedans avec Jade, notamment sur tout ce qui était bordel. Le fait de ranger me donnait l’impression de « perdre de l’énergie »… Et en plus, quand je rangeais, je n’arrivais plus à retrouver mon merdier par la suite. Mais ça, on verrait sur le moment, encore une fois. Dans l’immédiat, Toy ne savait pas trop que penser d’Ariella et moi non plus en fait, elle avait été la plus silencieuse des trois jusqu’ici. D’un autre côté je ne voulais pas trop forcer les choses… Le téléphone de la grande directrice générale en chef ze boss de l’Institut se mit à sonner, par contre, coupant court à la discussion. Je lui adressai un sourire en hochant la tête, pour préciser que c’était pas bien grave, et en profitai pour finir ce qu’il me restait de petit déj’. Allez hop, 41$ de petit déjeuner… Merci les aéroports. Pour ce prix j’aurais pu bouffer une trentaine d’egg mcmuffins et multiplier mon taux de cholestérol par 30 (enfin, nan, mon symbiote le régulait, mais vous voyez l’idée).

La discussion semblait un peu agitée, par contre… La dénommée Belinda (tiens, original comme prénom, j’aimais bien) semblait agitée et Johan demandait carrément s’il y avait ou non des pertes. Des pertes ? Comment ça des pertes ? La manière dont elle prononçait le mot me laissait penser qu’on ne parlait pas de perdre ses clés de voiture… Tout le New Jersey semblait paralysé, aéroport inclus, et en plus les avions étaient annulés. Je fronçai les sourcils, me levant avec elle. Qu’est-ce-que c’était encore que cette histoire ?

- Ça marche… B’soin d’un coup d’main ? J’pense pas pouvoir faire grand-chose mais on sait jam-...

Je haussai alors un sourcil… Quelque chose m’intriguait.

- Comment un problème à la centrale d’Jersey aurait pu affecter l’électricité d’l’aéroport d’New Heaven…? Parce qu’y’a un timing, là, quand même…

Bon je n’étais pas électricienne et c’était peut-être juste une coïncidence – en fait la majorité des choses de l’univers en étaient. Mais ça restait étrange que moins de 15 minutes après une coupure électrique à l’aéroport il y ait un incendie à l’Institut. Restait à espérer que ça soit bel et bien une coïncidence et rien de plus…

- Ça marche… B’soin d’un coup d’main ? J’pense pas pouvoir faire grand-chose mais on sait jam-...Comment un problème à la centrale d’Jersey aurait pu affecter l’électricité d’l’aéroport d’New Heaven…? Parce qu’y’a un timing, là, quand même…

Toy tenait déjà son téléphone tout en composant le numéro de la Directrice du X Center, elle jeta un coup d’œil à Kaya tout en manifestant une vive inquiétude.

- Non…y’a déjà du monde là-bas et puis tu es recherchée par le FBI, je ne peux pas garantir ta sécurité à l’Institut. Il va y avoir des agents du gouvernement, ca doit être un sacré merdier…je ne peux pas t’emmener avec moi, désolée. Quoi ? De quoi tu parles ? ce sont deux réseaux distinct, d’une cote à l’autre…j’en sais rien Kaya…y’a plus urgent que…Oui ? Ororo ? Ouf je te trouve….c’est Johan…tu as vu les infos…ok…oui…

Elle s’éloigna quelques minutes tout en conversant avec Ororo la laissant seule. Sur les écrans géants, les flashs d’informations en direct expliquaient et montrait images à l’appui la panique et les dégâts dans les rues de New York. Le courant avait été rétablit mais la coupure avaient occasionnée de nombreux incidents de transports et de circulations et des incendies, aucun des générateurs auxiliaires n’avaient pu prendre le relais, ce qui était complètement ubuesque. Le présentateur parlait déjà d’une série de non conformités ayant entrainé cette catastrophe. Toy fini par revenir en rangeant son portable dans sa poche.

- On va devoir en rester là, Violette. Je suis désolée…Mère Grand m’envoie un téléporteur pour me rapatrier, elle me propose aussi son aide pour les dégâts, elle met en place une équipe de secours…ce qui est logique puisque l’Institut abrite aussi l’ambassade de New Heaven aux Etats-Unis. Qu’est-ce qu’ils disent aux infos ?

Elle croisa les bras tout en surveillant, anxieuse l’écran.

- J’espère qu’il n’y a pas de victimes, c’est horrible…je vais contacter les services sanitaires pour savoir si ils veulent l’aide de nos élèves guérisseurs.

Une voix nasillarde et haut perchée se fit entendre.

- Yo m’dam ? Transport express à vot’service !

Gwynn Mega alias Pixie, l’insupportable fée devenue une baroudeuse X Men.

- Oh c’est toi !

- Ben j’étais en train de donner un cour aux premières années, John m’a briefé via télépathie, y’a des pertes ?

Elle jeta un bref regard à Kaya sans la reconnaitre avant de redéposer ses yeux surnaturels sur Johan.

- Non pas chez nous…on doit y aller.

La téléporteuse plissa les yeux comme embrouillée par une pensée parasite et revint fixer son regard sur Kaya, avançant sa tête en plein visage de la brune comme si elle allait véritablement la « renifler » de façon très désinvolte afin de mieux l’observer.

- Euuuuhh, j’vous connais vous…J’suis sûre de vous avoir déjà vu quelque part…et me dites pas qu’c’est vous qui m’connaissez et m’avez reconnu en premier, j’connais mes classiques. Z’êtes du coin ?

- On y va Pixie, c’est Kaya..soupira avec agacement la Directrice.
- Kaya comme Kayak ? C’est rigolo ça se lit dans les deux sens!
- Kaya Kangee. Allez on y va…
- Ka..kaka…PUTAIN D’CA RAAAACE !!! (elle recula tout en se signant comme si elle avait vu un spectre) C’EST IMPOSSIBLE !!! ELLE EST BOUFFEE PAR LES VERS ! Je crois en un tas de choses, même aux vacances mais pas aux Zombies ! Elle est morte à la fin de la saison 1 Kaya…

Effectivement, le fait d'avoir les fédéraux au cul ne me permettrait pas trop d'être utile. Après... Dans les faits, ils ne savaient pas que c'était moi spécifiquement, ils savaient que c'était quelqu'un pouvant créer des lames, des venins nécrotiques puissants, et pouvant infester des mecs. Ils n'avaient pas fait de lien avec Kaya Kangee, vu que j'étais censée être morte - et les personnes m'ayant déclarée morte n'osaient pas trop dire qu'en fait non, par peur d'avoir des emmerdes. Du coup... Ils pourraient peut-être faire le lien s'ils apprenaient que j'avais survécu, ET ENCORE, même pas : les pouvoirs que j'avais enregistrés, officiellement, étaient ceux indiqués par l'Institut donc "juste des lames". De fait, même si le FBI était à la recherche de la personne ayant commis ces atrocités, ils n'étaient pas à MA recherche personnellement. Néanmoins vu la complexité de la situation, je décidai de plutôt laisser Johan gérer ces nouveaux problèmes au lieu de me lancer dans des grandes explications. Dans l'immédiat ce n'était pas super important déjà, et ensuite je ne pouvais de toutes façons pas être très utile dans les cas de problèmes électriques. J'étais pas vraiment une experte dans ce domaine et je n'avais aucune idée de comment relancer une centrale électrique.

Pour Johan, les deux incidents n'avaient aucun rapport. C'était fort probable, le timing était étrange mais au fond les deux villes étaient séparées par des milliers de kilomètres... Je haussai donc les épaules, laissant de côté cette bizarrerie pour le moment afin de la classer dans la catégorie "on s'en fout".
Lorsque Jo' me signala qu'un téléporteur du X-Center allait venir la convoyer, je hochai la tête avec une mine désolée. Qu'elle doive se taper ce genre de problèmes, qu'il y ait encore des morts alors que vu le bordel mis par Ultimate, le monde méritait une pause, désolée de pas mal de choses... Mais le monde n'était pas, par essence, juste : il était aléatoire, mathématique. Et statistiquement, des emmerdes arrivaient toujours tôt ou tard. Aux infos, c'était assez confus manifestement : pas mal d'accidents et autres difficultés vu que d'après la journaliste, les générateurs de secours des divers immeubles et des zones touchées n'avaient pas du tout pris le relais. Les plus graves incidents avaient évidemment eu lieu dans les hôpitaux... Les patients en soins intensifs ne pouvaient pas trop se passer de respirateurs. Quel merdier...

Et là, paf ! Pixie. Elle avait débarqué de plus ou moins nulle part, se tenant près de nous une seconde alors que la précédente elle devait être à l'autre bout de la ville. Elle filait "un cours aux premières années", hein ? Intéressant. Elle en instructrice, j'osais même pas imaginer ce que ça devait donner ! Cela dit, je n'allais pas trop faire la maline vu que moi-même j'hésitais encore à postuler... J'en parlerais avec Ororo plus tard. Par contre, elle ne sembla pas me reconnaître... D'un autre côté c'était assez logique. Chez elle, il y avait des traits assez nets et constants : ses cheveux rose bonbon, ses ailes, son visage allongé, ses yeux, ses oreilles, ... Par contre, moi, sans l'armure et sans les deux mèches roses à l'avant, j'avais perdu le plupart de mes signes les plus distinctifs. Si on ajoutait le fait qu'à l'époque elle n'était même pas majeure et que j'avais pris 10 ans dans la tronche... Mais pourtant...

Elle se rapprocha de moi, à quelques millimètres, ce qui me fit afficher un sourire un peu bête et confus. La mistinguette rose me reconnaissait-elle, finalement ? D'après elle, ma tronche lui était familière. Ah ben quand même ! Je n'étais pas si passe-partout que ça, sans les cheveux d'une couleur flashy ! Johan répondit immédiatement avec une mine assez peu patiente, indiquant que c'était moi. L'étrange fée aux ailes insectoïdes ne sembla pas trop carburer, jusqu'à ce que Toy ne finisse par prononcer mon nom complet. Et là... L'illumination, quoi. D'abord elle beugla un bon coup, avant de se signer et de dire que c'était impossible et tout le tralala. Je me contentai de lever les yeux au ciel, répondant (en espérant que ma voix et mon accent soient assez caractéristiques) :

- Les rumeurs concernant ma mort ont été grandement exagérées, dis-je d'abord avec un ton sérieux, citant Mark Twain. Mais sinon wais, j'étais morte mais maint'nant ça va mieux. Par cont'si tu t'grouilles pas d'transporter Johan j'crois qu'elle va t'mettre un coup d'règle sur les doigts et t'foutre 4 heures de colle... On discut'ra plus tard, j'dois voir Ororo après d'main donc fais plutôt l'bus au lieu d'te signer, va.

Je dirigeai ensuite mon regard vers Johan avec un sourire amical.

- Bonne chance en tout cas. J'te dis... L'FBI sait pas qu'c'est moi donc si y'a b'soin d'un truc tu m'dis et j'débarque dès qu'je peux. T'es là pour m'aider mais ça marche dans les deux sens, vendu ? Maint'nant va sauver l'monde, finis-je avec un geste de la main du genre "allez hop, du vent".

- Les rumeurs concernant ma mort ont été grandement exagérées,Mais sinon wais, j'étais morte mais maint'nant ça va mieux. Par cont'si tu t'grouilles pas d'transporter Johan j'crois qu'elle va t'mettre un coup d'règle sur les doigts et t'foutre 4 heures de colle... On discut'ra plus tard, j'dois voir Ororo après d'main donc fais plutôt l'bus au lieu d'te signer, va.

La fée affichait une mine complètement éberluée écarquillant les yeux avec une sorte d’étonnement grotesque. Elle se gratta la pointe de l’oreille avec une méfiance amusante avant de soupirer.

- Ouais…ouais…d’façon dès qu’y ‘a un truc cool, on m’dit jamais quedal. Tu vois La Veuve Noire après demain ? Tu viens au X Center du coup….t’auras l’temps pour un truc genre un café rapidos à la cafétariat, promis j’t’emmerderais pas mais franchement, ça fait plaisir de te revoir, Cait va se pisser d’sus, je pense ! Johan peut attendre 30 secondes, hé ! T’as mis dix ans à revenir, et puis sa règle tu sais où je peux lui fourrer moi.

Johan croisa les bras avec un rictus mi ange mi démon.

- Mais bien suuuuur….Dites, Madame la fée clochette ? Au lieu de jurer comme une charretière, tu peux t’activer tes jolies miches et faire un peu ton job, pour une fois…t’es pas si innocente que ça, c’est moi qui ais récupéré les dossiers de l’Institut, j’ai beaucoup rit en consultant le tien. Je suis certaine que Kaya en rirait à gorge déployée alors si tu ne veux pas que j’affiche la « fesses cachée » de Megan Gwinn, tu ferais mieux de t’activer et rapidos…tu n’auras qu’à appeler Cait si tu veux des infos plus concrètes. Et ne prononce plus jamais devant moi sur surnom ridicule concernant Ororo ou sinon, je lui répète et tu finiras à récurer les chiottes du X Center EN plus de ceux de l’Institut….si tu vois c’que j’veux dire, hummm ?

Pixie afficha une mine effrayée et grimaça, se raidissant sur elle-même.

- T’as jamais eu d’humour, Toy….Ok, quand tu veux, j’verrais ça avec Cait mais j’tien à ce chocolat chaud Kayak !

Johan se retourna vers Kaya en avancant d’un pas pour la prendre dans ses bras, la serrant contre elle en soupirant.

- Vendu Violette. Et toi de ton coté deux choses. D’abord prends garde à ton fessier et ne fais pas trop de vagues et deuxièmement prends soin de Caitlyn et garde en mémoire ce que je t’ai dit. Tu te souviens ? Survivre au fond c’est facile, apprendre à vivre c’est beaucoup plus dur. Tu es mon amie et tu le resteras toujours. Tu as ma ligne privée à présent alors n’hésites pas, d’accord ?

- Bon…y’en a qu’on un métier ici….grogna la fée en roulant des yeux au ciel.

Johan déposa un baiser sur le front de Kaya en lui adressant un sourire radieux

- Au revoir…et c’est un vrai au revoir maintenant, plus besoin d’un adieu. Je suis prête Megan.

Alors qu’elle reculait d’un pas, Pixie lui attrapa le bras en murmurant.

- Ca n’a rien de sexuel ok ? Non mais j’dis ça pour éviter des procès et tout…et vu comment tu l’enlaçais moi j’préfère prévenir, j’suis man only ooook ? Bon

Son expression changea alors qu’elle prononçait son incantation en celtique . Et alors qu’elles disparaissaient toutes deux dans une gerbe d’étoiles, on entendait encore Johan lui répliquer.

- Comment font les membres de la X Force pour te supp…

La place était vide laissant Kaya seule.

"Dès qu'y'a un truc cool on m'dit jamais quedal" ? Nan mais, eh, j'étais "revenue à la vie" moins de 48 heures plus tôt, quoi... A peine arrivée, déjà je me prenais de la pression sociale ! Je ne pus en tout cas m'empêcher de ricaner à l'idée de mettre la règle de Johan "quelque part". Ouais, tiens, ça la détendrait, au lieu de se la jouer directrice sérieuse et tout ça ! Néanmoins, Toy semblait avoir l'habitude de ce genre d'attitudes, vu qu'elle remit rapidement la petite fée rose en place avec des menaces de nettoyage de toilettes. N'empêche, "Veuve noire", c'était un drôle de surnom, pour Ororo... Il allait falloir que je lui pose la question. Au pire elle serait offensée, ma foi, elle devait se rappeler de ma tendance à n'avoir pas grand chose à faire de ce genre de trucs. Je hochai en tout cas la tête à l'attention de Pixie concernant cette histoire de chocolat chaud, parce que je n'étais pas non plus une grande buveuse de café en fait, avant de rendre son étreinte à Johan. P't'ain... Caitlyn, Johan, Megan, bientôt Ororo... "Focalisée vers l'avenir", hein ? Tu parles.

- T'en fais pas, j'pense qu'Cait' s'occupera très bien d'mon fessier... Quant à vivre, wais, si j'sais plus comment faire j't'appel'rai direct. Genre "Allô Jo', j'sais plus comment mâcher, tu peux v'nir tout m'prémâcher puis tout m'gerber dans la bouche d'façon dégueu comme les oiseaux ?".

La miss volante fit mine de s'impatienter, ce qui encouragea Jo' à repasser aux choses sérieuses. Je ne pus m'empêcher de sourire à la mention du fait que ça ne soit pas un adieu... Effectivement. Nous allions nous reparler, je n'allais (à priori) pas disparaître dans des conditions étranges ni me retrouver isolée du monde réel. La petite mascarade de Pixie concernant le fait qu'elle soit 100% hétéro et tout ce qui allait avec me fit ricaner bêtement aussi, vu que c'était un brin ridicule. 100% man-only hein ? Dommage pour ces demoiselles. Megan n'était pas mon style, mais elle avait clairement du style en tout cas : elle aurait pu faire fureur chez les lesbiennes en tous genres, avec son look de fée clochette destroy. En attendant, alors qu'elle commençait à parler dans je ne sais quelle langue inconnue, je fis un signe de la main à la nouvelle directrice de l'Institut, qui disparut en plein milieu de sa phrase. Sa question était pertinente, le fait que les autres membres de la X-Force parvienne à la supporter était un mystère mais pour ma part, je connaissais bien le fait d'être une chieuse ambulante, donc en soi...

Et d'un coup, je me retrouvai seule un peu comme une conne, dans l'aéroport. Quelques personnes semblaient un peu surprises par le fait qu'une sorte de fée taille humaine ait téléporté une dame bizarre en plein milieu du terminal, d'autres vaquaient à leurs occupations comme s'ils avaient déjà vu ce genre de bordel plus d'une fois. New Heaven avait un petit côté "cantina bizarre de Mos Eisley" en fait, avec ses créatures étranges en tous genres qui erraient sans causer de vraie surprise ou quoi que ce soit. Quelque part... C'était la vision que Xavier avait, sans l'être. Xavier aurait voulu que le monde entier ressemble à ça : des humains et mutants se promenant l'air de rien sans être particulièrement surpris ou intéressés par le fait que leur voisin soit ou non un mutant. Qui l'aurait cru ? La vraie solution au racisme n'était pas l'amour de son prochain, c'était juste l'indifférence. Les personnes victimes de racisme ou de discriminations ne voulaient pas spécialement être aimées : être ignorées leur convenait parfaitement. Que les mutants soient des individus standard, sans aucun intérêt spécifique, était l'objectif de Charles Xavier... Enfin, dans mon esprit, c'était ça - au fond je n'étais pas lui, je ne pouvais pas savoir quel était son vrai but. New Heaven était... Juste une sorte de grande Mutant Town.

Ce fut sur ces pensées ambivalentes que je finis par quitter les lieux. Encore une fois la matinée avait été riche en émotions, ce qui commençait à être éprouvant pour moi. Vu l'heure, j'aurais le temps de passer à mon appartement histoire de me reposer un peu, pour ensuite aller faire les courses avec Tristan, passer à un entretien d'embauche pour faire videuse dans une boîte de strip tease de l'Outer, et enfin rentrer m'occuper des filles... Même si quand même, je doutais fort qu'elles aient besoin de moi pour grand chose. J'veux dire... Elles avaient toutes les deux plus 18 ans ou plus, à leur âge je traînais dans la rue à fumer des clopes, de la beuh, et vendre des armes. Bon, ok, j'étais pas un exemple pour la jeunesse mais c'était juste pour dire qu'à cet âge on n'avait pas forcément besoin d'un adulte en rentrant à la maison, si ? Cela dit... Vu les menaces qui pesaient sur elles, il valait quand même mieux que je sois là... Je pouvais aisément absorber l'énergie ou l'impact de n'importe quel explosif mais ce n'était pas du tout leur cas... Ramassant donc mes affaires, je pris la route de la sortie, me préparant à cette journée qui s'annonçait animée, encore une fois.