[Terminé] Face à sa propre tombe [Caitlyn]

Le recueillement... L'endroit y était dédié. Et j'y étais. Enfin... J'étais là physiquement, oui, mais j'étais aussi (et surtout) parmi les personnes face auxquelles se recueillir. Je ne suis pas sûre que ça soit bien clair...

En gros, d'après Sage, Caitlyn avait fait mettre une stèle à mon nom. Alors pourtant que je n'avais pas du tout participé au Big Day... du coup, ici, quelque part, au milieu de toutes ces tombes, il y avait une sorte d'intrus. Non seulement quelqu'un qui n'avait pas participé à l'événement commémoré en ce lieu mais EN PLUS quelqu'un qui était en vie. Double imposteur. Balèze... Le pire là-dedans était que je n'avais même pas fait exprès, vous voyez le niveau.

Enfin... J'avais donné rendez-vous ici à Caitlyn. De cette façon, ça lui permettrait d'ajuster son programme de ministre, tout en gardant ça en "premier plan". Je n'avais pas envoyé d'e-mail, car ceux-ci sont en général gérés par des assistants à la con, ni par courrier postal vu que c'était pareil. J'avais envoyé le message par coursier, en recommandé. En règle générale, ces plis-là étaient pris directement par le destinataire. En règle générale... Peut-être la rousse n'avait-elle jamais pris connaissance de celui-ci. Bah... Au pire, je n'étais pas venue pour rien. En fait, je n'étais encore jamais venue. Surprenant, hein ? Pourtant, pas mal de personnes pour lesquelles je pensais avoir un certain respect étaient ici. Peut-être n'avais-je pas voulu faire face à mes responsabilités... Va savoir. Je n'étais pas la mieux placée pour m'auto-analyser, de toutes façons. Pour ça, il y avait des professionnels. Je n'avais fait appel à aucun d'eux d'ailleurs. C'était peut-être pas une idée géniale. Mais pour le moment, on s'en foutait. J'étais au milieu... d'un océan de stèles funéraires diverses. J'ignorais totalement où était la mienne, j'avais donc décidé de venir un peu en avance histoire de pouvoir repérer l'endroit avant toute chose.

Ce fut ainsi que je commençai mon tour... La plupart des noms m'étaient inconnus. La plupart étaient sûrement importants pour quelqu'un : des gens avec une famille, des amis, des proches, qui sait ? Perso, aucune idée. Peut-être était-ce irrespectueux pour les morts de ne pas faire attention à eux... Peut-être qu'ils s'en foutaient, au fond. Moi je m'en foutrais. J'veux dire, si je suis morte, ça ne me concerne plus tellement, si ? Mais je finis par tomber sur un nom qui m'était familier : Summer. Cyclope. Lui, je le connaissais. Nous n'étions pas des amis pour toujours, ni rien de ce genre, mais il avait participé à quelques uns de mes entraînements, j'avais déjà discuté avec lui plusieurs fois à l'Institut. Je me rappelais surtout que quand je l'avais croisé pour la première fois, je l'avais trouvé plutôt mignon... Même s'il valait mieux faire attention de ne pas lui enlever ses lunettes, histoire d'éviter les emmerdements. Je finis par soupirer avant de me remettre en route vers la partie centrale de l'endroit.

Je doutais d'être là-bas. Enfin... Non, j'étais en direction de là-b... Oh, merde. Je doutais que ma stèle soit là-bas ! Voilà, plus clair. Mais je pensais pouvoir trouver des indicateurs, un plan, quelque chose. Et alors que j'approchais, je pus commencer à distinguer un nom qui devint de plus en plus clair : Charles Xavier. Rien que de lire ce nom et de me retrouver ici, je laissai échapper un long soupir de dépit. S'il y avait bien une personne qui aurait dû survivre à ça, c'était lui... Son tempérament à la fois calme, amical, réconciliateur mais pourtant très pragmatique et prêt à agir... Tout cela aurait été fort utile. À la manière de Cyclope, je ne lui avais pas parlé des heures durant au coin du feu ni rien de ce type : j'avais écouté quelques uns de ces cours et discours, j'avais eu quelques discussions avec lui mais c'était tout. Il m'avait donné une chance... des chances, même. J'ignorais s'il avait ou non utilisé sa capacité à lire les esprits mais il avait fini par me dire qu'il sentait que mon plus grand défaut était que j'étais si obsédée à tout faire pour que les choses soient justes, que j'oublierais parfois de faire ce qui est intelligent. C'était assez vrai... Comme je l'avais dit à Sage, si quelqu'un m'enlevait et que mon ravisseur me donnait le choix entre faire quelque chose que je méprisais et vivre, ou l'insulter et mourir, je l'insulterais très probablement jusqu'au bout.

Je me demandais si Toy pourrait arriver à gérer l'Institut comme le faisait le prof'... Probablement pas. Il était unique, Toy aussi. Même s'ils avaient des points en commun ils ne seraient jamais identiques et ne feraient jamais les choses de la même façon. Il restait donc à espérer que Toy ferait les choix humains quand il le faudrait, et les choix intelligents quand il le faudrait. Quel gâchis en tout cas... Tous ces morts... Et ils ne représentaient très sûrement que la partie émergée de l'iceberg. Ultimate avait fait presque 200 millions de morts, c'était un sacré palmarès. La plupart des corps n'avaient jamais été retrouvés ou identifiés d'ailleurs : les seuls qui avaient pu obtenir une forme de sépulture étaient ceux dont la famille savait avec certitude qu'ils avaient été tués. Quelque part, je me demandais si j'avais eu de la chance de ne pas avoir été là ou si c'était ma plus grande honte... Peut-être les deux. A cette époque mes pouvoirs étaient bien moins avancés et je n'avais aucun contrôle de mes émotions. Je n'en avais toujours pas des masses mais c'était quand même déjà bien mieux.

Haussant les épaules et soupirant à nouveau, je repartis, me rendant alors compte que j'avais passé pas loin de 20 minutes ici... Merde. Bon, il allait falloir que j'acc... je m'interrompis. Eric Lensherr. Mon coeur accéléra un coup lorsque je lus son nom. Pendant longtemps j'avais rêvé de me retrouver face à face avec lui, de le laisser me frapper avec des objets métalliques et de lui projeter une vague de chaleur pour le réduire en plasma ardent... De mettre fin à cette guerre ridicule qui avait réussi à tous nous mener à notre perte la plus totale. Mais maintenant... Les choses étaient différentes. Qu'est-ce-qui avait changé ? Pas lui. Pas les faits... Peut-être ma vision de ceux-ci.

- C'est vot'faute, Lensherr, marmonnai-je face à la tombe. La vôtre autant qu'celle de Kelly et d'tous les anti-mutants qui ont participé à c'te mascarade... Pour vous, c'est facile, z'êtes mort... Vous vous en êtes bien sorti, finalement. Lowel m'a expliqué... Je comprends pourquoi z'avez fait ça. Mais ça n'veut pas dire que j'vous pardonnerai un jour.

Maintenant, je ne le tuerais pas... mais ça ne m'empêcherait pas de détester tout ce qu'il avait fait et tout ce qu'il représentait. J'avais changé, même si ce n'était pas un changement immense. En fait... mon mépris et ma haine étaient devenue une déception, une tristesse, une mélancolie même. Ma rage qui hurlait "ARRÊTEZ BANDE DE DÉBILES, VOUS ALLEZ DÉCLENCHER UNE GUERRE QUI N'EXISTE PAS !" était devenue une mélancolie qui lançait : "Je vous l'avais dit, d'arrêter... Vous avez eu ce que vous vouliez... La prophétie qui s'auto-réalise...".

Je finis par me remettre en route et après une dizaine de minutes, je finis par tomber sur la mienne. C'était bel et bien mon nom... Et c'était là que j'avais rendez-vous. Soupirant longuement, je m'assis par terre, face à la lourde plaque de pierre, pensive. Que dirait Caitlyn ? Et que penserait-elle ? J'étais... un imposteur, ici. On en revenait à ce que je pensais en entrant ici : je n'avais pas ma place là, doublement pas. Me jugerait-elle ? Probablement pas... Mais ça ne voulait pas dire que je n'avais pas peur. Entre avoir des problèmes de rumeurs concernant des prostituées et avoir des problèmes avec le FBI qui vous recherchait pour meurtres multiples et tortures, il y avait un sacré fossé...

- Tu n’as absolument rien à faire ici….tu me voulais, vois je suis là, il est temps d'en finir....

La voix était incroyablement rude et sans émotion, alors qu’elle se tenait encore à une bonne distance, dans le dos de la visiteuse encore agenouillée face à sa propre tombe.
Sa posture même trahissait une mise en garde évidente, une fausse décontraction, mains dans une large veste lui tombant au milieu des cuisses, chemisier et jupe d’une couleur neutre ou par le décolleté un peu ouvert, on devinait la présence d’une combinaison en molécule instable, un vêtement plus adaptée au combat. Seule la violence visuelle de ses escarpins rouge sang trahissait la neutralité de l’ensemble. Ses cheveux roux semblaient déjà agités par un vent qui n’existait pas et quelques micro-décharges électriques trahissaient l’évidence d’une personne dont le pouvoir était à la limite de l’explosion. Son regard surnaturel réduit à deux petites fentes lumineuses luisait avec une sorte de colère grondante. Elle gardait une distance raisonnable et calculée, une distance de combat. Elle sembla scruter un instant le visage de Kaya avant de poursuivre toujours sur le même ton chargé de menace.

- Ah je vois…En effet….Si elle avait vécue, tu lui aurais ressemblé qui que ou quoi que tu sois….Oh…ne t’inquiète pas….je suis venue seule mais certains contacts savent où je suis au cas où. Cependant détrompe-toi. Je n’envisage pas de renforts, aucun…et ne crois pas que parce que beaucoup de mes amis, mon épouse inclue, reposent ici, j’hésiterais un seul instant à tout pulvériser. Tu dois savoir comment s’est terminé le dernier attentat contre moi, il y a six mois, non ? …une voiture piégée…franchement…bande d’imbéciles….A peine rematérialisée, j’ai traqué et anéantis tous les auteurs de ce crime…PAS UN ne m’aura échappé…vous n’apprenez jamais rien…
Tu as fait deux erreurs, déchet !

Sa main s’ourla d’une sphère, sorte de maelstrom d’énergie bleutée crépitante.

- Jouer sur mon affection pour un être disparu ce qui n’a d’autre effet que de renforcer ma rage….

Elle esquissa un rictus de haine, le sol crépitant autour d’elle sous le déferlement électromagnétique.

- Et menacer directement ma petite fille avec tes photos dégueulasses. PERSONNE NE MENACE MA FAMILLE ! TU COMPRENDS ? PERSONNE !
On va voir si tu as les couilles de te frotter directement à moi plutôt qu’à une gosse, sale pourriture de merde !

Et sans attendre le moindre mot de la part de son interlocutrice, elle chargea en criant abatant d’une main sa sphère qui implosa en larges zébrures électriques dans la direction de Kaya dans un bruit de foudre. Caitlyn était en rage de toute évidence mais sa charge était insuffisante pour tuer mais bien assez pour électrocuter une cible. Ce coup de semonce annonçait déjà son déplacement rapide au contact avec le but logique de toucher sa peau afin d’utiliser son pouvoir pour la shooter et la neutraliser. Il fallait la prendre vivante, qu’elle parle afin qu’elle puisse en savoir plus sur cette ombre qui planait sur sa famille via le biais de Jade et Sanzo. C’était sa préoccupation principale depuis l’envoi de ce colis macabre chez elle et cette menace directe.

Un bruit derrière moi me fit me retourner légèrement. Dans le coin de ma vision je pus apercevoir quelque chose de roux, donc vu les circonstances c’était sûrement elle. C’était… stressant, et encore le terme était faible. Qu’allait-elle me dire ? Comment allait-elle réagir ? Puis, j’étais censée dire quoi ? « Coucou ça va, on va danser le zouk ? ». Mais du coup, ce problème disparut assez rapidement quand elle prit la parole la première :

- Tu n’as absolument rien à faire ici….tu me voulais, vois je suis là, il est temps d'en finir....

Ses mots étaient durs… très durs. Je savais que Cait’ pouvait être adorable, très émotive, mais aussi très cruelle même sans forcément le faire exprès. C’était dur parce que c’était froidement vrai : comme je le disais plus tôt, je n’avais rien à faire là. Je n’étais ni morte ni une héroïne du big day, du coup la présence de cette sépulture n’avait aucun sens. Le ton de sa voix était particulièrement dur aussi, tout comme la suite de sa phrase : il est temps d’en finir. Ah, carrément quoi. En finir. Ok j’avais fait des conneries, mais en « finir » ? Sage s’était quand même bien violemment plantée dans son analyse, putain. « Oui, blabla, Cait’ aussi a fait des trucs pas clairs, elle comprendra, gnégné », ben tiens. Super… D’un autre côté, j’avais fait confiance à l’analyse émotionnelle d’une sociopathe, dans le genre con j’avais quand même fait fort. Enfin… Du coup je me relevai, me tournant vers elle alors qu’elle reprenait la parole… Et ce fut là que je commençai à comprendre que le problème n’était probablement pas l’analyse de Sage mais un vrai quiproquo.

Elle disait que si j’avais vécu j’aurais sûrement ce look, que des gens savent où elle était, qu’elle n’hésiterait pas à tout pulvériser, … Le problème était qu’à l’époque où je l’avais connue, elle était capable de bousiller un bon pâté de maisons. Alors maintenant ? Ouais, elle pourrait sûrement pulvériser le mémorial entier. Du coup… On avait une sorte de souci. J’avais des capacités d’absorption extrêmement élevées – plus de 500 fois plus élevées que lors de notre dernière rencontre en fait – mais mes chances de survie n’étaient pas non plus de 100%, sans compter le fait que réduire en cendres le mémorial n’était pas une perspective qui m’enchantait plus que ça. Ni celle de me fritter avec Cait’, en fait, mais là c’était assez mal parti autant le dire. Elle avait même ce qui ressemblait à une combinaison en molécules instables, sous ses fringues. Haha, souvenirs… Je n’avais pas mis ça depuis… Combien de temps ? Aucune idée.

Mais p’t’ain de quoi elle parlait ? Un attentat ? Quelqu’un avait tenté de la fumer avec une voiture piégée ? Lorsqu’elle en parla j’eus un air inquiet qui laissa place à une mine très perplexe. Il fallait quand même vraiment être con… Bon… Par contre sa main était en train de se recouvrir d’une sorte d’aura bleu clair que je connaissais assez bien et sans trop me demander mon avis, le symbiote commença à se déployer sous mes fringues. Restait à espérer que je n’aurais pas à tout sortir parce que ça allait ruiner mon pantalon…

- Jouer sur mon affection pour un être disparu ce qui n’a d’autre effet que de renforcer ma rage….
- Cait’… Y’a un quiproquo… Je fais pas dans les bagnoles, piégées ou non, j’ai même pas l’permis moi…

Bon ce n’était pas super convaincant, ok, il fallait bien l’avouer. Je n’étais pas une grande experte dans tout ce qui était « résolution des situations de crise »… Le sol et l’air se mettaient à crépiter autour d’elle, ce qui me laissa penser que j’allais devoir racheter un T-shirt et un jean… Là, elle se mit à gueuler que personne ne s’en prenait à sa famille, parla de photos dégueulasses, et tout. Des photos dégueulasses… Attends, un stalker lui courait après ? Mais pourquoi foutre ? Il allait me falloir plus de détails mais vu la tournure que prenait la conversation, quelque chose me disait que je n’en obtiendrais pas si facilement que ça. L’armure avait couvert mon bras gauche, les jambes, une bonne partie de mon thorax, encore quelques secondes et elle recouvrirait tout, il fallait que je parvienne à gagner du temps histoire de pas me faire bousiller pour ensuite… En fait, il fallait que je foute le camp. L’idée me déchirait le cœur mais entre devoir fuir – provisoirement – et laisser Cait’ m’électrocuter et massacrer les lieux c’était vite vu. Du coup, gagner du temps, gagner du temps…

- Nan, mais en f…

Trop tard. Je tendis le bras gauche pour absorber l’électricité, les électrocytes se retrouvant tous chargés à bloc d’un seul coup – car l’armure était déployée sur le bras mais pas encore reliée au reste. J’avais… cette sensation très désagréable de chocs qui me parcourait le biceps, comme un électromyogramme. Cet examen où un médecin met des capteurs électriques le long d’un membre, puis envoient des chocs pour voir si tout se passe bien dans les nerfs : ce n’était pas douloureux mais extrêmement désagréable. Ben, pareil. Lorsque l’armure du bras se connecta au reste, toutefois, la sensation disparut presque immédiatement. Néanmoins… J’avais autre chose à gérer : elle venait de je sais pas, bondir d’un coup vers moi. Mon réflexe fut donc de convertir l’énergie électrique récupérée en énergie cinétique, de tout envoyer dans les pieds, et bing ! Tu t’envoles ! Bon, ok, je ne m’étais pas envolée mais cela me permit de reculer de quelques mètres… En passant à deux doigts de me manger une stèle, que je n’évitai que de justesse en levant une jambe dans une position un peu ridicule et me faisant atterrir d’une façon assez peu gracieuse.

Je verrais s’il y avait des dégâts après. Pour le moment je me relevai d’un coup, les ailes commençant à sortir et massacrant mon T-shirt. T’ain, sérieux… Tant pis. J’étais recouverte à 100%, les ailes étaient à peu près dans un état valable, au moins je pourrais absorber quelque chose. Un coup d’œil périphérique me permit de voir les environs, histoire de trouver des endroits par où m’enfuir… Sans grand succès mais tant pis.

- CAIT’ BORDEL, PAS ICI ! lançai-je alors de la voix déformée que j’avais une fois l’armure déployée.

Oui, je ne me préoccupais pas du fait qu’elle tentait de me fumer, ni du fait qu’il y avait un gros problème, mais du fait qu’on risquait d’endommager le mémorial de façon significative. J’avais toujours autant le sens des priorités, tiens… Freud dirait que c’était une histoire d’estime de soi, ou de pénis, ou un truc du genre. Sûrement de pénis, avec Freud c’était tout le temps ça… Restait à espérer qu’elle réagirait, sinon je n’avais plus qu’à me casser… Et j’ignorais si j’aurais un jour une autre opportunité de la revoir dans de bonnes conditions, une idée qui me déprimait assez sévèrement…

- CAIT’ BORDEL, PAS ICI !

Caitlyn sembla surprise d’avoir manqué sa prise. Contrer en absorbant la charge sous forme de foudre de la sphère électrique qu’elle tenait en main était une chose faisable selon elle, mais être capable d’une telle réactivité en entamant une manœuvre d’évitement en se propulsant et y mettant une force incompréhensible en était une autre.
Mais il n’y avait pas que cela, son adversaire faisait montre d’une mutation qu’elle connaissait parfaitement dans sa morphologie et de capacités qu’elle reconnaissait facilement jusqu’à le moindre détail comme celui de la voix légèrement modifiée lorsque son élève pourtant défunte déployait toute l’envergure de son armure.

Bien sûr, la colère agitait sa pensée, c’était un fait mais elle n’avait pour l’heure pas cédé à la rage puisqu’elle n’avait pas entamé son phasing. Elle hésitait, elle savait les conséquences de laisser sa bestialité exploser, elle savait aussi qu’elle ne contrôlait pas grand-chose dans ce cas de figure, l’amnésie était inévitable, elle ne se souvenait pas de ses actes, laissant « la chose » œuvrer à sa place. Lorsqu’elle retrouvait ses esprits en général, elle avait peu de souvenirs de l’action, cette étrange perte de contrôle ayant débuté après le Big Day, c’était là aussi, entre autre, une des raisons l’ayant poussée à quitter les rangs des X Men.

L’espace d’un instant elle resta indécise, observant avec froideur la créature se tenant à quelques mètres d’elle. Elle doutait, ne pouvant se résoudre à suivre une autre vision de sa propre compréhension de la situation mais restant tout de même assez lucide pour discerner les incohérences et surtout ressentir un doute devant la présence manifeste de celle qui prétendait être son élève.

Elle ne devait pas baisser sa garde. Dans le combat, le doute était une faiblesse, une faiblesse une faille, une faille une opportunité. Elle recula pour créer de la distance, ne manifestant plus la moindre intention belliqueuse. Elle sera le poing droit et tendit le bras vers le sol , l’énergie bleutée dévorant sa combinaison se déstructurant automatiquement et la manche de sa veste partant en poussières consumées. Son bras n’était plus qu’un amas d’énergie tourbillonnante de forme humanoïde d’un membre mais se terminant par une sorte d’arc électrique qui crépitait vers le sol, d’un geste nerveux, elle le fit claquer au sol creusant la terre et pourfendant des stèles, ce geste symbolique ressemblant au trois coup avant le lever du rideau, ce claquement du fouet de foudre électrique signifiant que Fuzzy entrait au combat. C’était sa signature, un geste rituel un peu idiot qu’elle faisait au départ pour le prestige un peu idiot et qui était devenu un rituel depuis. Tous les X Men connaissait ce son, connaissait ce geste, il voulait dire « on ne joue plus ». Pourtant l’attaque se fait attendre, elle l’observe toujours avec un sérieux déconcertant.

- Qui es-tu ?
Un métamorphe peut copier des caractéristiques physiques mais pas un pouvoir…Tu aurais du morfler…ce n’est pas le cas. Un copycat peut copier un don, oui mais sa cible doit être vivante…Il n’existe aucun copycat-métamorphe à ma connaissance….Un télépathe pourrait créer une illusion mais leurrer mon esprit de nature bio-electrique n’est pas simple…c’est possible mais pas facile du tout.
Kaya Kangee est MORTE. CA c’est la réalité…Toi je ne sais pas ce que tu es….Et pas la peine de me raconter des conneries sur Kaya, tu pourrais très bien les puiser dans mon esprit et me dire ce que je veux entendre, si tu es un si puissant télépathe….

Elle laissa s’installer un léger silence, son bras-fouet crépitant toujours sur le sol.

- Voilà ce qui va se passer, tu ne bouges plus d’un poil de cul…sinon je t’explose et crois-moi tu n’as pas envie de voir ce que je peux faire rien qu’avec ça…Moi non plus pour tout te dire…Répond simplement à ma question : QUI es-tu et QUE nous veux-tu ? Et estimes toi heureux quoi que tu sois que je pose ces questions AVANT de te fracasser….d’autres n’ont pas eu cette chance.

Bon... Pour le moment je n'étais pas encore morte. C'était plutôt bien, dans l'ensemble ! Une sorte de grande réussite ! J'étais très fière de moi ! Bon, dans les faits je n'y étais pas pour grand chose : c'était surtout parce que Cait' s'était arrêtée, visiblement déconcertée par mon allure et le fait que je me préoccupe plus de l'état des lieux que du reste. Pour le moment en tout cas, elle avait cessé l'attaque. Ce n'était pas pour me déplaire... Car autant mon sympathique symbiote, sévère sérieux et strict mais aussi sidérant et euh... mince... je sais pas... sphincter ? Enfin, tant pis pour les allitérations. Mon symbiote avait beaucoup gagné en résistance ces 10 dernières années mais comme évoqué plus tôt, je ne savais pas où en était Caitlyn. Néanmoins j'eus une petite idée quand elle transforma son bras en sorte de flux d'énergie avec un arc électrique / fouet au bout. Tiens, ça devait être sympa pour les soirées bondage tout ça... Quoique.

- Eh, nananan-... commençai-je quand je la vis commencer son geste, mais c'était trop tard. ... les stèles, ajoutai-je avec une mine déconfite.

Elle avait fendu le sol ET les stèles funéraires. Bien bien bien... Elle avait carrément gagné en voltage ou en ampérage, la rousse. Ou les deux en fait. Vu la conductivité du sol, elle avait bien dû dépl... hum bon, je ferais les calculs plus tard. Il y avait des trucs plus prioritaires, comme le fait qu'elle n'avait pas l'air de se marrer des masses. Malgré tout, au lieu de m'envoyer un bon coup de truc électrique sadomaso (non mais sérieux désolée, rien à faire, maintenant je ne pouvais pas m'empêcher de l'imaginer en cuir avec son fouet, ça lui irait plutôt bien en fait) elle se mit à parler... Avec un ton peu amical mais au moins elle parlait au lieu de taper : c'était bien mieux que quelques secondes auparavant ! Tout s'améliorait ! On était sur une pente montante ! Il en faut peu pour être heureux ! Hakuna Matata ! Bon, le fait qu'elle demande qui j'étais montra vite que ce n'était pas une situation SI rose que ça, elle ne me croyait pas une seconde quand je disais que j'étais bien moi. En fait elle avait de sacrés soupçons... Soit il lui était arrivé un paquet de trucs pas nets - en plus de l'attentat à la voiture piégée - soit elle était devenue un brin parano sur les bords. Ou alors, les deux... Quand on se faisait attaquer dans tous les sens et menacer par des espèces de lâches, on avait de quoi devenir parano.

Elle affirma donc que je pouvais être peut-être une sorte de métamorphe même si la copie de pouvoir était étrange, ou une sorte de copycat mais c'était bizarre parce que j'étais morte (ben tiens), ou alors un télépathe assez doué pour passer au travers de sa nature bio-électrique. Et bien évidemment elle ajouta qu'il était inutile de me raconter des trucs sur nous vu que si j'étais une télépathe, je pouvais lire son esprit. P't'ain mais je lui prouvais comment alors ? Nan parce que bon, là, tous les moyens possibles de prouver quoi que ce soit avaient été éliminés d'office. Et après un bref silence, elle m'ordonna de ne pas bouger d'un poil et de lui dire qui j'étais et ce que je lui voulais, ajoutant que j'avais de la chance qu'elle pose des questions d'abord et tape ensuite. Et effectivement j'avais de la chance... Car encore une fois, je n'étais sûre qu'à... 20% de pouvoir survivre à ses assauts. Soit elle attaquait en envoyant toute son énergie en une fois et c'était la merde, soit elle envoyait de l'énergie de façon progressive et je pourrais utiliser mes ailes comme dissipateurs. Du coup, c'était un pari assez risqué et qui ne jouait pas tellement en ma faveur. Et ça me gonflait.

- ... mais c'est débile enfin, comment tu veux que j'prouve que j'suis moi ? Puis les types qui t'attaquent, t'vois pas une sorte de, chais pas moi, de constante de la lâcheté ? Photos vicelardes envoyées anonymement, attentats à la voiture piégée - même pas suicide hein, juste attentat... Tu crois vraiment qu'te donner rendez-vous en face-à-face ça fait partie du mode opératoire d'ces trous de balle ? Ils ont l'air de nobles chevaliers qui font un duel à la loyale à l'aube devant le roi ? Nan, c'est juste des casse-couilles, j'leur pète la tête moi.

Il fallait parler vite et bien.

- Puis t'as vu mon cadavre ? Non, personne l'a vu. Ces cons m'ont mis dans un quartier de basse sécurité parce que les seules infos qu'ils avaient sur mes pouvoirs étaient dans mon dossier d'admission... Dossier que TU n'as jamais mis à jour parce que ça t'gonflait, les trucs administratifs. Pour eux j'pouvais faire des lames et c'était tout. Du coup j'me suis tirée et pour éviter de trop passer pour des cons auprès de leurs supérieurs ils m'ont déclarée morte pendant la poursuite. Chuis arrivée ici y'a pas longtemps, et c'est Sage qui m'a retrouvée et m'a dit comment t'contacter.

Bon, je dus m'arrêter pour reprendre mon souffle - car dans mon envie de donner autant d'infos que possible qui pourraient corroborer mon histoire en aussi peu de temps que possible, j'avais un peu oublié de respirer. C'était le genre de chose qui m'arrivait parfois... Trop de trucs à dire, pas assez de capacité pulmonaire... Tiens...? Était-ce une bonne idée de mentionner Sage ? Note, en même temps, ça pourrait permettre à Cait' de lui demander confirmation ou quelque chose du genre. Cela me fit penser que j'aurais mieux fait d'accepter l'offre originale de Sage, qui était qu'ELLE prenne contact avec Caitlyn la première afin de lui signaler que j'étais bel et bien en vie et que c'était bel et bien moi... Autant dire que ça aurait évité une scène un peu bizarroïde. Bon, de toutes façons c'était trop tard. Restait à espérer que je n'aurais pas à me tirer en courant ou que je ne finisse pas en épi de maïs grillé...

Et d'un coup, comme souvent, mon cerveau eut une sorte de "bug". Sans aucune raison compréhensible, quelque chose me vint en tête et passa vers ma bouche, sans filtre :

- ... mais t'es pas censée être vieille ? 'fin...

Elle avait exactement la même tête que la dernière fois que nous nous étions vues et ce n'était pas normal... J'avais quand même changé en 10 ans. Mon visage avait des traits légèrement différents, j'avais des tatouages, mes cheveux n'étaient plus rose-violets même si j'avais gardé le même genre de coupe, j'avais une carrure légèrement différente, ... C'était perceptible. Elle en revanche, que dalle. Quelque chose de lié à son pouvoir ? En tout cas, elle avait pas l'air vieille. Bon... J'avais que 3 ans de moins qu'elle donc en fait à ce tarif je devrais être vieille aussi. C'était difficile à dire, j'avais toujours l'impression d'être une gamine sur certains aspects de ma personnalité - comme ma tendance à casser les pieds des gens pour mon amusement personnel. Sur d'autres... J'avais l'impression d'en avoir 70. Encore une fois, c'était un peu compliqué à expliquer... Restait à espérer qu'elle ne le prendrait pas mal, parce que mon explication précédente n'était pas mauvaise. Par contre la traiter de vieille, elle pourrait mal le prendre. Ou au contraire, vu que j'étais probablement la seule à dire ce genre de connerie d'un seul coup au milieu de nulle part et sans rapport avec la conversation, ça montrerait que c'était bien moi. Pile ou face ?

L’annonce de la mort de Kaya m’avait dévasté, un des pires souvenirs de mon existence. Je n’avais pas pu l’aider, notre évasion avait déjà tout de l’aventure improbable du les talents de téléporteuse très limités de Ruth. Déjà, la téléportation de trois personnes, elle inclue avait failli la tuer et sa portée était si faible qu’il nous avait fallu fuir vers le Canada avant d’embarquer clandestinement sur un avion transporteur de courriers vers l’Europe pour ensuite regagner l’Irlande : cinq jours de fuite là où il ne faut qu’un quart de sonde pour quelqu’un comme ma fille. Calie et moi avions du tout laisser derrière dans l’urgence, les pauvres Kaya et Toy dans le tas. Toy ne les avait pas intéressé, Kaya beaucoup plus. Hélas. Toy m’avait ensuite annoncé sa disparition, j’en avais ressenti une rage et une culpabilité immense. J’aurais pu…j’aurai du…mais je n’avais pas été là. Je ne me fais pas d’illusion, elle serait sans doute morte au contact avec Ultimate, elle y serait allé, certainement. Mais au moins, j’aurai été à ses cotés à ce moment-là. Elle l’aurait fait, peut-être pas pour des bonnes raisons, mais elle l’aurait fait, c’est pour ça que sa place est ici…avec ses camarades.

Cette attitude…son emportement…ce phrasé…ses putains d’expressions qui me donnaient trop souvent mal au crâne et envie de lui coller la tête dans le mur…c’est cruellement bien imité. J’en ressens une sorte de nostalgie douloureuse qui m’arrache un soupir fatigué. Je savais que cela allait être un combat difficile, Ultimate m’y a préparé…Adrien m’y a préparé…mais voir cette pantomime de Kaya Kangee, ça me retourne littéralement les tripes.
Voyons voir ses « explications ». Non il n’y avait pas de corps, beaucoup n’en n’ont pas ici…Elle dit vrai, la paperasse n’était pas mon fort et je n’ai jamais mise à jour son putain de dossier, la paperasse de l’Intendance de l’Institut me prenait déjà une grosse partie de mon temps, ce n’était pas pour me torcher les dossiers médicaux non plus. Une évasion, non on l’aurait su…elle ne me disait pas tout et pourquoi n’a-t-elle pas cherché à nous rejoindre dans ce cas ? Et puis Cérébro n’a pas trouvé sa trace au scannage, nous avons essayé ! Si Cérébro ne voyait rien, c’est qu’elle était morte : point final. Ça ne tenait pas debout son histoire. Attends, là par contre…Sage ? Cette garce est au courant ? Pas croyable ! Je sais que nos relations avec cette cinglée ne sont pas au beau fixe mais elle l’aurait dit, elle ne pouvait pas ne pas me prévenir, elle n’avait pas LE DROIT de ne pas me prévenir ! Mon expression change en une sorte de rictus contrarié. Si c’est la vérité, s’il y a une petite chance même infime qu’elle puisse être mêlée à cette histoire, elle va m’entendre !

Alors qu’elle semble rechercher un second souffle, je lève le regard au ciel en une attitude perplexe. Puis je porte la main gauche à ma boucle d’oreille et y active le micro dissimulé. Je n’avais pas déclenché ma ZPCE pour la bonne raison que je ne voulais pas flinguer mon atout. Elle me pose une question, je secoue la tête comme seule réponse en un geste d’exaspération. Non elle ne savait pas, elle savait pour ma forme alternative d’énergie pure et ma capacité de phasing mais ignorait que le phasing permettait une régénération des cellules à un âge fixé par le génome lors de la première activation du phasing et que chaque métamorphose me renvoyait illico à mes 23 ans…cette info n’avait pas à être communiquée aux élèves, elle faisait partie du secret médical sur mon gène évolutif. Quant à la fusion…ça elle l’ignorait totalement, je n’avais pratiqué que deux fois la fusion avec Calie, deux fois en Irlande et une fois lors du Big Day. La laissant réfléchir j’activais la communication.

- Wanderess, j’ai besoin de toi. Tu peux approcher.

Je n’étais pas venue seule contrairement à ce que j’avais dit, pour moi c’était clairement une affaire de famille. Je devais me forcer à croire en les capacités de ma fille ainée Aislinn, après tout c’est elle le nouvel agent X Oldfield, plus moi.
Le disque se matérialisa non moins de moi et elle en émergea, le fermant d’un geste désinvolte du bras. Notre ressemblance était perceptible même à présent que ma peau avait pris ce teint de porcelaine et que mon regard était devenu électrique juste après mon premier phasing. Plus grande que moi et plus « généreuse » mais le visage plus rond et plus juvénile, nous avions en commun cette chevelure rousse caractéristique et elle portait à présent en plus de sa combinaison en molécule instable ornée du X à la ceinture, le long manteau rouge sang en cuir qui restait l’emblème de Beaver, héritage offert pour sa passation. Elle s’immobilisa à mes côtés, son bâton de combat déjà en main, le regard sévère posé sur notre cible.

- Je l’avais en visuel, je surveillais…qui est-ce ?

Sa voix ressemble à la mienne à dire vrai mais plus aigüe, il y traine un reste d’accent irlandais.

- A toi de me dire….est-ce que c’est une perturbation télépathique , style suggestion ou illusion ?

Le pouvoir de ma fille la rend sensible à la manipulation mentale ou à la distorsion de la réalité, capacité très utile contre un télépathe quelque soit son niveau.

- Nope….elle est clean….c’est pas télépathique.

Donc cela écarte la piste de l’illusion et de la manipulation mentale. Il faut vérifier si son histoire tient la route, ensuite vérifier s’il ne s’agit pas d’un putain de clone, style Sinistre.

- Garde-la à l’œil…

Je rétracte mon fouet électrique et rematérialise la peau de mon bras que la combinaison se reconstituant vient immédiatement recouvrir. Je sors de son isolant anti électrique et magnétique mon téléphone et compose un numéro, reculant de quelques pas.

- Ligne privée sécurisé, code Alpha 1289A. Agent Fuzzy, Je veux l’œil…..Sage ? ….Tu peux m’expliquer pourquoi j’ai une Kaya Kangee devant moi ?....Ok…et tu n’as pas jugé « utile » de m’avertir ? …..Comment ça un Code classifié et je suis QUOI moi ? De la merde ? Attend….depuis QUAND est-elle classifiée ? Avant ou après la demande de recherche au Cérébro ? …..C..COMMENT TU AS PU ? S’expliquer de vive voix plutôt ? ! OH que oui, tu vas l’entendre ma vive voix PETASSE !!!

Aislinn se contente de l’observer, ne perdant pas un mot de ma conversation, elle finit par esquisser un petit sourire en disant plus bas.

- Par le Sang du Christ ! Si t’es vraiment elle…tu parles d’un choc…j’connais toute ta bio….elle m’en a rabâché les oreilles…c’est vrai que tu as monté un trafic de « sniffage » de colle chez les élève de l’institut et que t’as réussi à biturer ma mère à un jeu de boissons ?...Woooww…

Je raccroche au nez de sage, grognant des injures.

- Maman…l’œil a ses propres priorités, ne va pas faire des bêtises….une fois de plus…murmure Aislinn, la main sur la garde de son bâton posé au sol, alors que je m’approche un peu plus de Kaya.

- Ne commences pas, toi…lui répondis-je alors qu'elle soupire

J’observe celle qui se présente comme mon amie d’un air embarrassé

- Euh….Je n’ai pas confiance en Sage… ; je suis désolée….vraiment désolée si je me plante mais est-ce que ...vous…tu …voudrais bien faire quelques tests génétiques pour…pour en avoir le cœur net…tu es peut être un « clone qui s’ignore »….si tu es Kaya…c’est…c’est vraiment énorme pour moi, ok ? Je veux vraiment être certaine. Je connais quelqu’un…ça sera vite fait.

Bon... Mon petit laïus avait-il eu un quelconque effet ? Comme ça je dirais oui vu que je ne pris pas de grand coup de fouet électrique dans ma tronche. En fait, elle demanda à "Wanderess" d'approcher. Je savais pas trop qui c'était mais j'allais vite le savoir : une sorte de disque apparut et en sortit... J'ouvris grand les yeux avec un air aussi étonné qu'amusé.

- Je l’avais en visuel, je surveillais…qui est-ce ?
- Whoputain c'est mini-toi !!

Mini-Cait m'observa alors, semblant chercher s'il y avait une perturbation télépathique quelconque. Celle-ci conclut alors qu'il n'y avait pas d'entourloupe... Bon, c'était déjà ça de gagné. Cait' demanda alors à son alter-ego miniature (bon, elle était pas "miniature" mais c'était vraiment marrant) de me surveiller alors qu'elle passait un coup de fil. Autant dire que les propos tenus m'arrachèrent une mine amusée, alors que je lançai au double rouquin de Cait' :

- Héhéhéhéhé, ça va chier pour quelqu'un on dirait.

Je pouffai même de rire quand Fuzzy traita Sage de "pétasse" mais tentai de reprendre mon sérieux histoire de pas trop la foutre mal quand même. La petite, elle, semblait au moins aussi amusée que moi, me demandant si j'avais bel et bien monté un trafic de sniffage de colle à l'Institut en plus de démolir sa mère lors d'un jeu à boire. Cela me fit de nouveau afficher un énorme sourire idiot. Souvenirs, souvenirs... Et je trouvai assez amusant que la petite, elle aussi, dise "par le sang du christ". Putain j'avais pas entendu ça depuis... une éternité et demie, à peu de choses près.

- C'tait pas de la vraie colle, c'tait juste un placébo mais les mecs payaient et ils croyaient qu'y planaient. L'trafic de drogue, lucratif ET sans danger ! Et ouais, l'jeu c'était d'enregistrer Calie toute une journée puis l'soir, de tout réécouter et d'prendre un shot chaque fois qu'elle soupirait avec un air dépité à mes conneries. Tiens, t'savais qu'le vrai surnom d'ta mère c'est Wonder Beaver ? finis-je avec mon air le plus trollesque.

Bon... Fuzzy se décida finalement à raccrocher, autant arrêter là les conneries. Je repris donc, à nouveau, autant mon sérieux que possible alors que celle-ci m'affirmait, avec un air un peu gêné quand même, qu'elle ne faisait pas super confiance à Sage et qu'elle voulait faire des tests génétiques au cas où je serais un clone ou autre chose. D'un autre côté ce n'était pas entièrement impossible. Bon, après il n'était pas non plus entièrement impossible de démontrer qu'on n'était pas dans la Matrice et que tout n'était pas qu'une illusion (ouais, bon, ok, bonjour les références de vieille). Enfin, elle connaissait quelqu'un qui pouvait faire ça vite fait bien fait. Soit... Je soupirai, hochant la tête et haussant les épaules.

- S'tu veux... T'façons, y'a plus rapide. Prends mon téléphone, dans mon euh...  Je tendis la main vers le tissu déchiré plus loin. Feu mon pantalon... Cherche ce qu'il s'est passé y'a 2 semaines à l'exposition des fleurs des âmes - ouais, c'est le vrai nom - et tu verras bien.

J'avais... un peu fait des conneries. J'avais utilisé le principe de capillarité des fleurs pour faire passer dans les pétales des colorants ayant des couleurs ultra flashy, puis j'avais mis de la musique disco. Le guide, qui était aussi le "maître d'oeuvres" de l'exposition, s'était senti un peu con en voyant que son expo sur "la volonté par les fleurs" était devenue une soirée années 70. Soupirant, j'enchaînai sur quelque chose de moins drôle :

- Enfin on fera le test si t'as envie... Mais précise à ton ami qu'il faut bien différencier l'ADN du symbiote du mien, sinon ça va merder. En fait c'est à cause du symbiote que j'ai... un peu disparu. L'un des mecs du camp de concentration était très intéressé par mon "biométal", il savait pas que c'était un tissu vivant. Enfin il l'a pas su tout d'suite... L'fait est qu'après 3 mois d'expériences j'étais à bout, à deux doigts d'me dézinguer toute seule... Vu que j'avais déjà tenté de me tirer une balle avant, l'symbiote a "paniqué", a cru que j'étais en danger, donc il m'a noyée d'hormones pour me rendre "heureuse". L'souci c'est qu'ça a surtout déglingué mon cerveau, donc il a ajouté d'l'adrénaline et j'sais pas combien d'produits stimulants... Ça m'a permis d'arracher les portes et d'foutre le camp... En gros.

Regardant à droite et à gauche, j'ajoutai :

- 'fin c'est un peu plus compliqué qu'ça mais j'ai pas super envie d'm'étendre là-d'ssus dans un lieu public. L'fait est que j'ai pu m'planquer dans le parc de Yellowstone pendant... je sais pas. Dès que la drogue arrêtait d'faire effet j'me sentais mal, donc l'symbiote en renvoyait une dose, puis une autre, puis une autre et ainsi d'suite. J'ai réussi à l'faire arrêter et à m'sevrer y'a à peine un an. J'ai failli en crever... L'fait est que j'me rappelle pas de tout c'que j'ai fait en 10 années... Mais j'ai fait des trucs... Pas géniaux... J'ai butté pas mal de monde... En partie à cause des stimulants. En partie à cause de moi... Je sais pas quel est l'pourcentage... En gros.

Alors qu’elles parlaient Aislinn était partie à la recherche du lambeau de tissus déchiré, elle le ramassa et le fouilla et finit par en extraire le téléphone portable, elle fit défiler les photographies tout en rougissant légèrement.

- J’sais pas qui t’es en fait mais y’a des photos qui devraient VRAIMENT pas trainer dans ton portable…heu…ah ! je l’ai….Elle dit vrai, y’a eu un truc sur le Mutanity la dessus, tu sais avec cette journaliste allumée, là…

Caitlyn leva un sourcil en esquissant une petite grimace d’entonnement avant de souffler.

- Ah …Lisa….Oui bon, ça ne veut rien dire non plus…c’est loin d’être concluant comme preuve…en attendant…

Elle ôta les restes de sa veste dont la manche avait été rongée par sa transformation et la tendit à Kaya avec une sorte d’indifférence mécanique.

- Mets ça autour des hanches, style jupe, je n’ai pas l’intention de balader une femme cul nu dans mon sillage, j’ai déjà bien assez mauvaise réputation comme ça….j’aimais….cette veste….elle coutait la blinde.

Une fois le reste d’étoffe donné, elle composa rapidement un texto sur son téléphone, puis s’adressa à sa fille qui elle tendait d’une main embarrassée le téléphone trouvé à sa propriétaire en évitant soigneusement de croiser son regard.

- Bon on sera fixé rapidement….il n’y a qu’un endroit qui a gardé les codes génétiques de tous les membres de l’Institut après la destruction de celui çi…c’est notre destination Wanderess.

- C’est con de continuer à m’appeler comme ça, elle sait qui je suis maman…c’est mieux que Mini-toi mais quand même.

- Jusqu’à preuve du contraire, elle n’est pas Kaya Kangee et croyez-moi toutes les deux, rien ne me ferait plus plaisir au monde en cette heure….Si c’est le cas…(elle regarda la jeune femme son regard presque tremblant de larmes) nous aurons beaucoup de choses à nous dire et à rattraper…

Elle se retourna pour cacher son émotion en perdant son regard songeur sur les tombes détruites

- Tu es toujours en mission Wanderess, fais ce que tu as à faire.

L’irlandaise esquissa un sourire plein d’affection et se tourna vers la brune avec un hochement de tête en murmurant à l'intention de Kaya.

- Moi je me fie à mon instinct, je sais qui tu es. Mais pour elle, il faudra plus, elle a tellement perdu…BIEN ! (elle haussa le ton), je vais donc créer un trou de ver jusqu’à la bas…alooooors….tu n’y risques rien sauf une légère désorientation à l’arrivée à cause des brusques différences de pression atmosphérique d’un voyage instantané, l’oreille interne n’aime pas…..chez certains il y a vertige et nausées, mais ça ne dure que quelques secondes.

- Aislinn, abrège, on s’en fout….grogna sa mère.

- Quoi ? J’explique, c’est important de comprendre comment fonctionne un pouvoir et puis comme ça si elle gerbe, c’est sur toi qu’elle le fera !

- Kaya pouvait bouffer des tas de merde sans gerber et boire une vache de lait jusqu’à plus soif….elle a un estomac blindé.

D’un geste elle leva le bras et ouvrit un passage, tout en se reculant pour laisser passer les deux autres.

- Nous partons pour l’Ile de Muir en écosse dans le laboratoire de feu le docteur Mc Taggert. Le docteur Jennings nous attend là-bas. Je viens de la prévenir. Jennings est une personne de confiance, la seule qui me connait assez pour m’avoir suivi médicalement parlant…Elle pourra faire les tests.

Une fois franchit le portail, elles se trouvèrent sous un ciel gris et menaçant de pluie au crépuscule du jour, les portes du laboratoire dressées devant eux sur le grand bâtiment ressemblant à un manoir juché sur les roches battues par les flots de la mer. Caitlyn s’approcha rapidement de l’interphone alors que Aislinn se penchait vers Kaya afin de voir si elle avait bien supporté ce voyage instantané.

Visiblement, mini-Cait' semblait un peu perplexe vis-à-vis des diverses photos présentes sur mon téléphone. Bohf, il y avait quoi ? Rien de bien terrible. Quoique, il y avait p'tet... Ha ouais, nan, exact. Bon, passons. Pour ma part, je me contentai de hausser les épaules avec un air un peu idiot, de toutes façons je n'avais rien de bien mieux à faire et/ou dire. Enfin, la petite finit par trouver ce qu'elle cherchait mais la rousse (enfin, le modèle adulte) ne sembla pas convaincue. Elle avait l'air un brin sceptique mais c'était tout. Pourtant, ce genre de connerie c'était un peu ma spécialité, un peu comme la fois où j'avais bricolé les haut-parleurs de l'Institut pour ajouter un effet d'auto-tune quand quelqu'un passait un message. Je m'étais bien marrée ! Bon, les profs un peu moins mais on ne pouvait pas plaire à tout le monde, si ? Cela étant dit, mes conneries plaisaient souvent aux mêmes personnes et laissaient toujours les mêmes personnes perplexes. Bizarre, hein ? Bref... De toutes façons, aucune des deux ne semblait intéressée par mon palmarès de débilités et à vrai dire, Cait' semblait plus concernée par ma future nudité. Si je virais l'armure, je me retrouverais sans pantalon ce qui en soi ne serait peut-être pas ultra civilisé... Elle me lança donc sa veste, qui avait été quelque peu abîmée par l'utilisation de ses propres pouvoirs. Observant ladite veste, je haussai un sourcil.

- Ha ouais, elle a dû coûter quelque chose comme 6 fois mon revenu annuel.

C'était quand même con... En plus elle avait l'intention de se fritter, pourquoi avoir amené ce genre de fringues ? Après elle n'avait p'tet pas eu le choix, va savoir. Un meeting le matin et hop, tenue correcte exigée, quelque chose de ce style ? Et note, même, carrément : on s'en foutait, en fait ! Donc voilà, passons. Je conservai la veste, mais l'armure aussi : pour le moment je préférais la garder pour de basses raisons pratiques : la veste pourrait m'aider à me couvrir mais ce serait un peu limité... Puis difficile de savoir ce qu'il allait se passer. Au moins avec la couche d'étrange cuir métallique biologique suinté par le symbiote (ouais c'était super vendeur je sais), j'étais plus ou moins décente...

Parfait ! J'étais ravie d'avoir réglé cette question épineuse (héhé, épineuse, parce que l'armure était pleine de pointes. Nan ? Épineu... oh puis merde). Cait', elle, ne semblait toujours pas convaincue par mon CV glorieux et décida donc d'aller au seul endroit qui avait conservé des traces génétiques des gens de l'Institut, et demanda à "Wanderess" son aide. Celle-ci répondit que c'était un peu con de continuer avec les noms de codes, ce qui me fit sourire avec une mine amusée. J'aimais bien son attitude, à cette gamine. Après, mon enthousiasme fut quelque peu (carrément) érodé par l'attitude de la rousse (le modèle adulte). Sa méfiance était totale... Certes, il pouvait y avoir 12.000 trucs improbables faisant que ce n'était pas moi. Tiens je pouvais être un clone comme elle disait, ou je pouvais être une copie holographique envoyée par des aliens, je pouvais être juste le symbiote qui avait survécu et avait créé une version 2.0 de moi afin de survivre, je pouvais être en fait constituée de plusieurs canards surdoués cachés sous un déguisement afin de se faire passer pour des humains, ... Il y avait des brouettes de possibilités toutes plus débiles les unes que les autres. Mais visiblement, le choc était un peu dur pour Cait'. Peut-être était-ce pour elle une façon d'encaisser la nouvelle, ou quelque chose de ce genre... Je me contentai donc de soupirer et de jouer le jeu. Tant pis.

Mini-Cait' me dit alors que, d'après son instinct, j'étais bien moi. Je haussai les épaules et répondis d'un simple sourire amical. Cela ne suffirait pas, pour sa mère... On verrait bien. Elle m'expliqua ensuite les effets possibles de son espèce de portail... C'était donc une sorte de trou de ver ? Intéressant, tiens. J'avais lu quelques articles là-dessus 15 ans auparavant mais c'était juste de la théorie, rien de pratique ni d'utilisable de manière concrète. Ça devait être sacrément utile pour prendre des vacances ou pour les relations à distance, tiens ! Ou pour en ouvrir un dans une banque et faire un euh... un... retrait... parfaitement légal bien entendu. Sa mère, en revanche, semblait nettement moins convaincue de la nécessité de ces explications, ce à quoi la gamine répondit qu'au moins si je gerbais ce serait sur elle. La remarque me fit encore une fois ricaner. Merde alors, quelque chose me disait qu'on risquait de pas mal s'entendre. Enfin, elle finit par ouvrir le passage alors que la maternelle m'indiqua où on allait : en Écosse. Ah ouais, rien que ça. Le labo de Mc Taggert. Le nom qui sortait d'outre-tombe... Moira m'avait bien aidée quand le symbiote s'était mis à s'intégrer à toutes mes cellules. J'avais fait pas mal d'IRM et d'examens en tous genres, avec elle, alors qu'elle faisait au mieux pour m'expliquer comment tout ce bordel fonctionnait. J'aurais bien eu besoin d'elle, quand j'étais perfusée de stimulants 24h/24... mais "feu" McTaggert. Encore une victime inutile d'un conflit aussi idiot que futile.

Je me retrouvai donc à franchir le portail, ce qui fut... un peu confus. Pendant quelques secondes je dus rester sur place histoire de reprendre pied alors que, de son côté, le symbiote avait l'air... peu satisfait par cette expérience. Malgré cela, il ne fit rien de plus, ce qui m'arrangeait plutôt pas mal. Une fois de nouveau équilibrée, j'observai un peu les lieux et... c'était intéressant, disons. Je pouvais entendre le bruit de la mer, il y avait une sorte de grand manoir hanté face à nous, et tout ça. Pour Halloween ça aurait été super top comme endroit, tiens. Cait' était allée sonner alors que sa version miniature m'observait. Hochant la tête et faisant signe du pouce, j'indiquai que tout allait bien :

- C'est bon ça va, merci. Le symbiote fait un peu la gueule mais d'un aut'côté, j'm'en fous un peu d'son avis.

Lorsque les portes s'ouvrirent, je marchai vers miss Oldfield senior, en partie avec de préciser où en étaient les choses avec Sage mais aussi parce que j'étais quelque peu curieuse... Et quelqu'un du rang de Wonder Beaver était sûrement au courant.

- Cait'... Sage ne m'a pas extradée et larguée au FBI parce qu'elle veut m'recruter pour un truc ap'llé les Gardes Rouges. Tu sais c'que c'est ? J'suis pas très au fait des procédures judiciaires et des grades de la police locale... J'sais qu'y'a la X-Force mais c'est tout.

Les intentions de la miss au cerveau 100% tactique n'étaient pas tendres. Il était fort possible qu'elle maintienne cette possibilité de m'extrader et de me dénoncer aux flics américains pour me forcer à faire ce qu'elle voulait. Les joies du chantage... Elle ne l'avait pas fait, mais il était extrêmement possible qu'elle le fasse... Il fallait donc que j'essaie d'en savoir un peu plus quant à ses intentions.

- Cait'... Sage ne m'a pas extradée et larguée au FBI parce qu'elle veut m'recruter pour un truc ap'llé les Gardes Rouges. Tu sais c'que c'est ? J'suis pas très au fait des procédures judiciaires et des grades de la police locale... J'sais qu'y'a la X-Force mais c'est tout.

Cait marchait d’un pas rapide, forçant Kaya à suivre son rythme, Aislinn fermant la marche un peu à la traine. Cette dernière observait avec curiosité toutes les installations autour d’elle, visiblement peu coutumière des lieux.  Cait ne manifesta rien de plus qu’une sorte de contrariété manifeste en serrant les dents lorsque Kaya lui demanda des explications, elle finit par murmurer d’un ton où perçait une sorte de colère contenue.

- Sage est une sale garçe….Tu ne sauras rien sur la Garde Rouge tant que je ne serais pas certaine de ta réelle identité. Mais Sage a beaucoup changé, elle n’œuvre que dans l’intérêt de cette putain de cité à la con….elle s’en tape de toi, de moi…de tout ce qu’on a perdu, elle s’est perdue elle-même….comme beaucoup,  (elle hésita) comme moi. Elle ne t’aurait pas extradée au FBI, tout simplement parce qu’il y a des lois, lois que j’ai rédigées. Ce type d’affaire me revient, à MOI. Et puis de toute façon, que je saches, Kaya Kangee est MORTE. Il n’y a aucune poursuite judiciaire en cours à son encontre à l’étranger, Si cela existait : pour quels motifs ? Tu n’es ni une terroriste, ni une criminelle…et si tu as tué des gens, c’était de la légitime défense.  Tout cela ne tient pas debout. Mais ici…nous avons accordé l’immunité à tous les mutants pour leurs actions d’avant Ultimate, tu ne peux pas être inquiété à New Heaven, ex-X Men, quidam ou confreriste…il n’y a plus de clivage parce qu’il n’y a plus de raisons d’en avoir. Nous avons TOUS merdé…et bien comme il faut….nous sommes tous fautifs, humains ou mutants. Dieu nous l’a rappelé par le bras d’Ultimate.

Au bout du couloir, une forme humanoïde assez petite de la taille de Caitlyn se tient drapée dans sa blouse blanche de scientifique. Elle présente des signes évidents de mutation, sa peau bleutée en étant le plus manifeste, son regard noir et profond semble pétiller d’une sorte d’agitation fébrile. Il décrypte avec une insistante ressemblant presque à de l’excitation les signe physique du symbiote de Kaya. Sa voix présente un rythme saccadé et un débit anormal, comme si elle était sous une tension constante.

- Magnifique….Stupéfiannnt…c’est le symbiote….je n’avais que des photos, des échantillons et des vidéos….si c’est lui…il faudra que je l’étudie…que je comprenne…c’est une source de connaissance incommensurable…c’est incroyable…

- Du calme, Miranda….nous ne sommes pas sur…

- Oh…(elle semble s’apercevoir de la présence de Cait pour la première fois)…Bien sur…bien sur….oui…oui…bien entendu….Une analyse du rayonnement spectrographique et un contrôle d’échantillonnage suffira largement…oui oui…on va faire ça….

- On va dans la cage Miranda…

- Ah …oh…ce n’est pas…tu sais…on n’a pas…c’est trop tôt…bien trop tôt….on ne sait toujours pas où toi tu en es…mais bon….c’est toi qui voit….

Aislinn en retrait siffle entre ses dents, adossée contre le mur.

- Tain….la voilà qui gatouille….c’est une givrée….je l’ai déjà dit.

L’intéressée, le regard absent tend une petite aiguille et une éprouvette à Caitlyn avant de se retourner et de s’agiter semblant littéralement galoper dans le couloir devant eux. Caitlyn lui emboite le pas tout en donnant l’aiguille et l’éprouvette à Kaya.

- Piques toi ce que tu veux, une goutte de sang suffit…. Et tu la fous la dedans…N’ai pas peur de Jennings, elle a quelques… « problèmes » de comportement mais c’était la meilleure élève de Moira…Lorsque celle-ci est morte du cancer il y a 7 ans, c’est elle qui a repris ce lieu et continué ses recherches sur le Gène X et ses variations….le fils de Moira, Arthur a voulu continué sa propre voie. Miranda refuse de sortir d’ici, elle est victime  d’un stress social intense, elle a toujours refusé de venir travailler à New Heaven. Son regard « extérieur » à Nation X fait qu’elle a toute ma confiance…elle bosse sur les manifestations du gène X évolutif….autant dire que je suis « sa marotte »…Nous n’en avons répertorié que 6 dans le monde à posséder ce gène, moi inclus….Sa passion…c’est la synergie entre Symbiote et hôte. Autant dire qu’avec Kaya, c’est Noel pour elle….si tu veux t’en faire une amie, file lui de la pâte d’amande, ça agit comme une drogue chez elle.

Elle les mena à une sorte de laboratoire que surplombait une vaste sale du type de la salle des Danger avec en son centre, une sorte de cube en forme de cellule.

Caitlyn étendit que Kaya s’exécute et tendit l’éprouvette à Jennings dont le regard s’illumina.

- Oh OOOOOhhh ohhhhh…j’en ai pour une dizaine de minutes….

Elle disparut presque en courant tenant l’éprouvette comme si c’était une pierre précieuse.

Aislinn ricana en murmurant.

- Vous croyez qu’elle va aux chiottes pour se palucher vu l’orgasme qu’elle vient de se taper ou qu’elle va vraiment faire des tests ?

Caitlyn pour la première fois esquissa un faible sourire avant de hausser les épaules.

- Peut-être les deux…. « Kaya » ? Tu viens avec moi. (a Aislinn) Toi, tu sais ce qu’il faut faire au cas où, ok ?

Elle désignait à Kaya la porte de service qui menait à l’escalier descendant vers la salle de la cage.
Lorsqu’elles furent arrivées devant elle, Cait murmura.

- C’est pour moi qu’elle a été conçue. C’est une cage de Faraday particulière, il y a dix ans elle pouvait contenir le déferlement d’énergie de ma forme alternative, nous y faisions des tests. Nous ne pouvions pas contrôler la forme chimérique de ce  que je devenais, on ne le peut toujours pas…mais ce que je sais c’est qu’elle est à présent effroyablement puissante, sans doute capable de pulvériser cette cage et le bâtiment,  voire l’ile.
Je ne peux pas te faire confiance….il faut me comprendre. J’ai perdu les X Men, mon épouse, mes amis, mon élève….Kaya ne peut pas réapparaitre comme ça , en un claquement de doigt…c’est …c’est trop pour moi. Tout le monde ici en veut à ma vie, tout le monde me reproche d’avoir survécu. Je SAIS que ma place était au mémorial avec Calie, Toy a raison la dessus….Tous ils essayent de m’arracher ce qu’il reste, ce qui compte encore…ma propre famille, mes petites filles….mème mon propre père que j’ai dû tuer de mes mains….je ne peux PAS prendre de risques, tu comprends ? Je dois m’absoudre de tout ce que j’ai fait…protéger ceux que j’aime de…de mes propres faiblesses. Si tu es Kaya, tu comprendras ça….tu te souviens ? Un Acte de Foi…..un saut dans les ténèbres….j’ai besoin d’un Acte de Foi….Alors tu vas entrer avec moi la dedans et Aislinn va la verrouiller, ca deviendra impossible d’en sortir, même pour moi….Et si tu détiens la vérité et que Jennings revient avec une bonne nouvelle, je t’étreindrais comme le trésor précieux qui m’a été arraché, comme une partie d’âme qui m’est rendu…si ce n’est pas le cas…je déchainerai l’enfer sur toi, je laisserai la chimère t’écraser et manifester sa puissance, tu n’en réchapperas pas.
Un Acte de Foi…. Qu’en dis-tu ? Comme à l’époque de nos entrainements…. « Auras tu les couilles, texane ? »

Ah, elle ne me dirait rien tant qu’elle ne serait pas sûre que je fusse bien celle que je « prétendais » être… Du coup, cela signifiait que les Gardes Rouges n’étaient pas une entité très publique. S’il s’était agi juste d’un département de la police locale, elle aurait répondu sans chercher plus loin. Et quelque part… C’était assez inquiétant. Dans quoi Sage voulait-elle m’embarquer, au juste ? Quelque chose me disait que ce ne serait peut-être pas dans mon intérêt d’accepter son offre mais, d’après Cait’, il était possible que ça soit dans celui de la ville. Selon la rousse, la « sale garce » n’agissait que dans l’intérêt de New Heaven mais s’était, malgré tout, perdue. Ouais… Je pouvais comprendre ça. On avait tous changés en 10 ans. Enfin, tout le monde changeait en 10 ans mais dans notre cas c’était un peu différent. La vie n’avait pas été particulièrement tendre et les changements avaient été plus prononcés, même s’ils n’étaient pas forcément visibles au premier abord. Wonder Beaver n’avait pas vu la majorité des changements qui avaient pu me toucher d’ailleurs, car elle déclara qu’il n’y avait aucune poursuite judiciaire à mon encontre et que si j’avais fait quelque chose, c’était forcément par légitime défense. Quand elle ajouta que les gens avaient tous eu une immunité pour leurs actions d’avant Ultimate, je me contentai de soupirer longuement… Ce que j’avais fait, c’était APRÈS Ultimate, pas avant.

Mes réflexions à ce sujet furent interrompues par l’arrivée d’un étrange personnage. Elle – car c’était à priori une femme – était petite, bleue, et en blouse de chercheuse. Intéressant. L’étonnante petite dame bleue semblait plutôt agitée, comme une gamine de 6 ans qu’on amènerait pour la première fois à Disneyland et qui tomberait face-à-face avec Minnie ou Blanche-Neige… Bon, ce n’était peut-être pas la meilleure comparaison possible, vu que je n’avais pas grand-chose en commun avec les deux personnages en question mais c’était l’impression que j’avais, en la voyant s’exciter en me détaillant du regard.

- Magnifique….Stupéfiannnt…c’est le symbiote….je n’avais que des photos, des échantillons et des vidéos….si c’est lui…il faudra que je l’étudie…que je comprenne…c’est une source de connaissance incommensurable…c’est incroyable… se mit-elle à sortir rapidement. Visiblement, le symbiote l’intéressait… Je me demandais un peu pourquoi. Certes, il avait des caractéristiques intéressantes et inhabituelles mais de là à péter une durite…
- Du calme, Miranda….nous ne sommes pas sur… commença alors Cait’, qui se retrouva immédiatement interrompue par la fébrile créature bleu charron.
- Oh.. lâcha-t-elle alors, comme si elle réalisait d’un coup que Fuzzy était là. …Bien sur…bien sur….oui…oui…bien entendu….Une analyse du rayonnement spectrographique et un contrôle d’échantillonnage suffira largement…oui oui…on va faire ça….
- Ooookkkk… lâchai-je juste avec une mine plutôt perplexe.

Oldfield déclara alors qu’on allait « dans la cage ». La cage ? Quel genre ? Il allait me falloir peut-être quelques précisions complémentaires, parce que si c’était la cage aux folles dans ce cas pourquoi pas, ça pourrait être marrant, mais quelque chose me disait que ce ne serait pas le cas. Dans une cage avec des ours enragés, par exemple, ce serait déjà nettement moins fun. En revanche, une Nicholas Cage, ce serait cool. Mais… encore une fois, je doutais fort que l’étrange Miranda ait une pièce spéciale avec des Nicholas Cages. La schtroumpfette répondit alors que c’était trop tôt mais que c’était elle qui voyait. Hinhin… Rassurant, tout ça.

Je ne pus retenir un petit gloussement amusé à la remarque d’Aislinn, vu que je partageais un peu son avis. Elle n’était peut-être pas méchante mais le fait était qu’elle ne donnait pas une première impression particulièrement rassurante… Elle avait l’air d’être sous perfusion d’Adderall ou un truc du genre. Bon… Après, super rousse lui faisait confiance donc à priori je n’étais pas entre des mauvaises mains, c’était juste qu’elle dégageait une drôle d’« aura ». Le fait qu’elle se mette à courir avec le niveau d’excitation d’un gamin de moins de 10 ans à qui on aurait donné 20 kilos de sucre et un fusil à eau n’aida pas à corriger cette sensation d’ailleurs… Enfin pour l’instant, il fallait que je donne une goutte de sang. Alors que je fis rentrer l’armure au niveau de mon avant-bras pour recueillir le liquide demandé par la scientifique, Cait’ m’expliqua un peu qui était notre étrange interlocutrice… Meilleure élève de Moira, c’était bon signe. Le fait que McTaggert soit morte d’un cancer, en revanche, était une triste nouvelle. Ce n’était pas ma meilleure amie pour la vie mais elle m’avait beaucoup aidée, je lui devais pas mal. Au moins elle n’avait pas été massacrée par Ultimate ou dans les camps, c’était déjà ça… Enfin, la prof’ dingue était manifestement intéressée (je dirais plus obsédée mais admettons) par le gène X évolutif et tout ce qui concernait les relations hôte-symbiote.

Voilà qui expliquait pourquoi elle était aussi exaltée… Il ne s’agissait, dans mon cas, même pas d’une forme de symbiose avec le gène X. C’était le gène X qui produisait un symbiote à part entière. Enfin… D’après Moira, mon gène X ne permettait d’avoir aucun pouvoir. Il se « contentait » de permettre à plusieurs cellules différentes de fabriquer d’autres cellules, par une sorte de procédé d’assemblage chimique assez particulier. Ces cellules formaient le symbiote et plus celui-ci comportait de cellules plus il pouvait devenir complexe. C’était pour cela que les premières manifestations du symbiote avaient été assez limitées mais que les suivantes furent de plus en plus massives et surprenantes. Je hochai donc la tête sans faire de commentaires, un peu pensive. Dommage qu’elle vive au cul du loup, je serais bien allée la voir plus régulièrement afin d’en apprendre plus sur mon symbiote. Mais hélas, contrairement à Aislinn, je ne pouvais pas voyager aussi facilement. Le fait que je sois morte n’aidait pas d’ailleurs : difficile de demander un passeport, dans ces conditions. Je ne risquais du coup pas de pouvoir lui amener souvent de la pâte d’amande… Enfin passons. Je ne pouvais pas y faire grand-chose dans l’immédiat, donc ça ne servait à rien de s’embêter la vie avec ça.

- Eh ! Pensez à séparer l’ADN du symbiote et l’mien, avant ! Y z’ont pas la même densité, ‘faut passer l’mélange final à la centrifugeuse, à 12.000 tours minutes pendant 3 à 4 minutes. Pas plus, sinon la chaleur va abîmer les chromosomes et l’test dira que j’suis pas moi, ce s’rait con.

Moira avait dit ça, un jour, quand elle avait analysé l’ADN du symbiote pour l’étudier. 12.000 tours minutes, elle avait aussi dit qu’il valait mieux ne pas aller au-dessus. J’avais retenu ce qu’elle avait dit, aucune idée de pourquoi… Enfin ! Je rendis donc l’éprouvette à Cait’, qui la rendit à la schtroumpfette, qui sembla un peu péter un plomb d’un coup. Encore une fois je ne pus m’empêcher de rire bêtement aux propos d’Aislinn et de hausser les épaules. Chacun ses fantasmes mais il fallait quand même espérer qu’elle fasse vraiment les tests, je n’avais aucune envie qu’elle ne se merde et que la rousse ne se retrouve à s’énerver… Ce serait assez mauvais pour ma santé. D’autant que manifestement, on allait entrer toutes les deux dans une cage. J’eus un petit sourire en coin qui ne dura néanmoins pas longtemps, car Wonder Beaver m’expliqua à quoi elle servait : contenir son pouvoir. Et encore, il n’était pas dit qu’il puisse le faire. Elle m’expliqua ensuite qu’elle ne pouvait pas me faire confiance avant de me dire qu’entrer avec elle serait un acte de foi.

- « Auras tu les couilles, texane ? »

La remarque me fit sourire, j’avais déjà entendu ça plus d’une fois. Je hochai donc la tête et entrai dans la cage, avant d’ensuite poser mes ailes à plat afin de m’appuyer dessus, finissant assise en tailleur au-dessus du sol, à quelques centimètres. J’aimais bien cette position. C’était celle que j’avais utilisée à l’époque où Jubilation m’avait appris à méditer, histoire de me calmer et de mieux contrôler mon pouvoir. Dans cette position je pouvais… percevoir le symbiote, ses pensées. Les pensées en question étaient très limitées et primitives, mais je pouvais comprendre certaines d’entre elles. C’était grâce à cela que j’avais découvert qu’il était absolument obsédé par le fait de me faire survivre et d’évoluer.

Une fois Cait’ dedans, je soupirai longuement, l’observant quelques secondes. Comment dire ça ? … bon, autant y aller sans introduction ni délicatesse spécifique, sinon je ne m’y mettrais jamais.

- J’comprends, Cait’. J’pense que tu crois pas une seconde que j’sois un clone ou une sorte de double alien envoyé par les Zyntorgiens sur Terre pour êt’leur espionne… Mais j’sais aussi qu’après avoir autant perdu c’est difficile de r’venir dans l’passé et d’retrouver quelqu’un, d’cette façon. Chuis à New Heaven d’puis des mois et j’n’ai tenté d’rentrer en contact avec toi qu’maintenant… Donc j’suis bien placée pour savoir qu’c’est pas facile…

Soupirant, je continuai tout en regardant la salle. Sans le savoir, j’évitais aussi son regard…

- T’as changé… Faut qu’tu réalises que moi aussi. Tu dis « c’était d’la légitime défense » sans même savoir c’que j’ai fait… Mais c’que j’ai fait n’était ni d’la légitime défense ni avant Ultimate, c’était après et c’était… pas net. J’t’ai dit, l’symbiote a décidé de me « protéger » à sa façon. Quand j’étais dans les camps… J’eus un sourire triste, le regard dans le vague, m’entourant de mes propres bras. Ils me forçaient à faire sortir l’symbiote en me mettant des coups de hache, puis ils en arrachaient des morceaux pour voir la réaction… Ils l’électrocutaient et moi avec… et encore pas mal de trucs…

Je finis par reposer mon regard sur la rousse, haussant les épaules.

- J’allais m’dézinguer. Pour de bon. Mais l’symbiote est intervenu… J’avais déjà tenté d’me mettre une balle, donc quand il a « détecté » que j’allais l’refaire, son instinct, enfin son obsession de me protéger, s’est mis en route. Il s’est mis à m’envoyer des endorphines pour « me rendre heureuse ». Parce que t’vois, il est intelligent ce symbiote mais il est pas capable de raisonnements complexes. Pour lui, quand t’es heureux ton cerveau émet des endorphines, donc, forcément, s’il t’envoie des endorphines tu s’ras heureuse. Il pige mal les subtilités d’la psychologie humaine… Mais ça m’a empêchée d’me déglinguer, donc il a considéré qu’c’était « un succès » et s’est mis à aller plus loin. Il a expérimenté, puis a fini par parvenir à une sorte de sérum avec d’l’adré, des excitants, des psychotropes rendant ultra agressive et paranoïaque, … Quand il m’en a envoyé une méga dose… J’disais qu’j’avais réussi à m’échapper mais j’ai pas fait qu’ça.

Secouant la tête, je continuai :

- J’ai réduit un tiers du complexe en cendres, j’ai déchiqueté les gardes, … t’as pas idée. Et j’me suis enfuie. Vu qu’expliquer à leurs chefs qu’ils avaient enfermée une mutante ultra puissante dans un centre d’basse sécurité s’rait pas une super façon d’gérer leur carrière, ils m’ont déclarée morte pendant la poursuite. Et j’me suis planquée à Yellowstone.

Yellowstone… Un endroit étrange, pour moi. J’eus un petit sourire pensif, baissant le regard.

- J’me rappelle pas d’grand-chose, de là-bas. Dès qu’la drogue s’arrêtait d’agir j’me sentais atrocement mal donc l’symbiote en renvoyait une dose. Du coup, j’sais pas trop c’que j’ai fait pendant 1 an. J’me souviens… d’la neige, des sources chaudes, des montagnes, d’avoir bouffé des loups et des ours, juste d’impressions… Et après ça, l’symbiote a ajusté sa formule pour qu’je sois moins « à l’ouest ». Mais l’effet d’agression, d’parano, il était encore là. L’idée d’me battre, d’tuer quelqu’un… m’excitait, m’exaltait. Du coup, j’me suis tournée vers ceux qu’je considérais responsable d’ce merdier. La Confrérie, les Purificateurs, et les politiciens qui ont approuvé c’projet.

Je relevai alors le nez vers Wonder Beaver, soupirant de nouveau et continuant avec un air hésitant.

- Y’a une enquête ouverte par le FBI sur une quarantaine de meurtres, commis par un ou une mutante, envers des ex membres de la Confrérie des mutants, des anti-mutants extrémistes et des anciennes personnalités politiques. Je laissai échapper un sanglot, sachant que si je continuais j’allais craquer… Mais tant pis. J’les ai tous tués, Caitlyn. J’les ai… traqués, retrouvés et abattus. Troufions d’base, lieut’nants, assistants parl’mentaires, … Certains sont morts vites, d’autres ont agonisé pendant des mois entiers… Une nuit sur trois j’me réveille parce que j’entends leurs… hurlements étouffés par l’symbiote qui a pris l’contrôle d’leur cerveau et qui les mutile et modifie alors qu’y sont encore conscients…

Rien que d’en parler j’eus un frisson brutal qui me parcourut l’ensemble du corps. Ces cris… aigus, désespérés, déchirés par la douleur, déformés…

- Le symbiote pigeait pas… Il pouvait pas piger c’que ça m’faisait… Alors il continuait d’me noyer d’ce cocktail. Jusqu’à l’an dernier… Seattle. Là où tout avait pris un nouveau virage… J’ai rencontré quelqu’un, à Seattle. Ma dernière victime. Dernière, j’espère… L’symbiote a fini par capter et m’a sevrée d’force… J’ai eu mal partout, j’tremblais, j’avais des hallucinations qui voulaient m’faire du mal, j’vomissais, j’étais parfois paralysée des journées entières… Pendant des mois… Mais j’ai fini par êt’sevrée. Et l’symbiote n’a plus jamais utilisé c’cocktail sur moi. C’est là qu’j’suis arrivée à New Heaven.

Secouant finalement la tête, je reposai mon regard dans celui de Caitlyn.

- J’suis désolée, Cait’… J’étais net’ment plus admirable et héroïque quand j’étais morte…

Elle entra avec ce sourire que je lui connaissais si bien. Elle sauta à pieds joints dans le piège comme Kaya l’aurait volontairement fait, comme je me désespérais qu’elle le fasse à l’époque. J’entrais dans le petit espace à mon tour verrouillant derrière la moi la porte. Elle savait pertinemment que si je laissais aller ma puissance, même à un dixième de son potentiel, elle n’y réchapperait pas et pourtant elle se dressait là devant moi, juste avant de s’installer dans cette posture imbécile que je lui connaissais bien. J’assistais à cette scène dans un état second, c’était Kaya, les preuves étaient largement inutile à présent, cet acte de foi, sa façon de se comporter….tout me criait ce que mon cœur se refusait à entendre depuis le départ, qu’est-ce que je devais faire ? Qu’est-ce que je devais dire ? Où étais tu Calie en cet instant où j’avais tant besoin de toi pour me guider ? Pour trouver les mots, les gestes…Pourquoi ce silence ? Etais-tu aussi émue que moi, étais tu peiné de la voir revenir quand nous savions à présent à quoi tu en étais réduite, murée dans ma propre prison ? Devrais-je lui en parler ? Nous de toute évidence…les Amazones avaient survécu…Toutes…à leur manière en empruntant des chemins différents et c’est ce qu’elle voulait m’expliquer, maintenant et ici…parce qu’elle ne pourrait pas me fuir comme avant parce qu’elle voyait peut-être en moi….son confesseur. Alors elle parla.

Nous n’étions dupe ni l’une ni l’autre de mes doutes affichés, nous nous connaissions trop bien pour jouer à cela. Je voulais un acte de fois, elle me l’a donné. Je m’en tape des tests et analyses, de son symbiote, de ma « Chimera », de l’excitation de Jennings…Les pouvoirs, le gêne X….ça m’a toujours gonflé et gavé contrairement à elle, elle le sait, nous nous sommes pris la tête assez souvent à ce sujet. J’ai toujours aimé Kaya pour ce qu’elle était, pas pour ce qu’elle pouvait être ou faire, je crois qu’elle ne l’a jamais vraiment compris.

Elle évite mon regard, suintant la culpabilité à chaque souffle. Mais qu’as-tu fait Kaya ? A quel point t’es-tu perdue ? Légitime défense ? Oui je maintiens le mot, la survie EST toujours de la légitime défense et s’il n’y a qu’une seule leçon à retenir de la folie des confréristes, c’est bien celle-là. Xavier était respectable et respecté, nous non. Nous avons été parqués comme des bêtes, étudiés comme de simples morceaux de chair, on nous a destitués de force de notre humanité. La violence était légitime, la violence était une question de survie, Xavier avait tort, nous avons eu tort. Le terrorisme, le pacifisme…tout cela était des erreurs stratégiques colossales. C’est ça que j’ai appris dans les camps, ça qui en résulte de toutes nos merdes. Kaya a morflé, peut être autant que Sage...moins que moi ou Calie de toute évidence.

Elle me parle suicide. C’est le désespoir, la non perspective de solution…je connais ce sentiment, je le traine depuis dix ans. Je me souviens de sa tentative à l’Institut, je me souviens de ma colère, de notre explication et de combien nous avions été proche l’une de l’autre ensuite. Elle avait franchi une étape après tout cela et j’avais été là, ce n’était pas le cas dans les camps.
Le carnage du camp…Je ne lui dirais jamais mais j’approuve totalement, elle a bien fait. Un chien qu’on bat peut mordre, elle a mordu : elle a bien fait. J’ai éprouvé un certain plaisir à faire des choses immorales, sous les ordres de Kreele ou pour mon propre compte. J’ai pris plaisir à tuer, à torturer….cette part de monstruosité en moi n’a jamais disparu, la guerre l’a révélé, mon père l’ révélé. « Chimera » en est l’expression. L’instinct de mort…la puissance et la jouissance d’ôter la vie, je me bats contre ça depuis des années, si tu savais ce que je suis devenu Kaya, tu t’en sentirais moins coupable tu peux me croire…

Par le sang du Christ ! La purge confreriste, les meurtres, le « mutant vengeur », c’était elle ? Quelle folie ! Tu as du trouver une logique à ta situation, un exutoire. Déjà à l’Institut tes opinions manquaient de recul, tu ne voyais le monde qu’en noir ou blanc…c’était plus rassurant pour toi qu’un salaud agisse parce que c’était un salaud. Tu n’as jamais cherché à comprendre la confrérie au-delà de leur terrorisme ou les X men au-delà de leur angelisme parce que sinon…les questions te torturaient et le monde devenait plus complexe. Tu étais obsédée par ta « faiblesse » physique ou mentale et ce manque de confiance t’a fait faire bien des âneries…et c’est lui qui paradoxalement à permis à ton putain de pouvoir de t’étouffer et de prendre le pas sur toi, c’est TOI par tes choix et tes doutes qui a amené ton symbiote à un tel niveau de puissance au point de devenir le propre symbiote de ton symbiote, de devenir l’instrument de ton pouvoir. Voilà à quel point tu es tombée bas…j’en suis mortifiée et attristée parce que…c’était ma plus grande crainte et c’est moi qui devait te protéger de cette dérive quitte à te mettre ma main dans la gueule.

Seattle ? C’est elle qui a tué Loway ? Putain….malgré ce qu’il a fait, c’était un héros de guerre, il a sauvé la vie a bien des gens ici à New Heaven lors du Big Day, nous lui avons offert l’asile mais il l’a refusé comme beaucoup de confreristes, il aurait pu être utile ici, c’était un homme de conviction comme mon frère. Nous l’avons enterré ici au mémorial en secret bien sur après bien des tractations avec le gouvernement américain. Loway savait convaincre, c’était un homme intelligent, un leader. Il a dû trouver un moyen de mettre fin à tout cela. Il a dû trouver les mots pour la ramener…
Admirable ? Pfff, petite idiote…qui peut encore se targuer d’être admirable maintenant ? Nous sommes souillés, tous irrémédiablement corrompus par nos actes.
J’inspire longuement comme pour trouver la force qui semble me fuir devant elle depuis que mes certitudes sont acquises.  Ma voix n’est qu’un murmure.

- Kaya….

Il me semble dire ce nom pour la première fois depuis longtemps, ça me fait autant de bien que de mal. Je m’agenouille face à elle, lui prenant doucement le visage entre mes mains posées sur ses joues. Un geste qui me fait frissonner.

- Kaya…le temps des héros est mort avec ceux qui sont couchés sous la terre…où dispersés en cendres au quatre vent. Il n’y a plus rien à admirer…plus de héros…il ne reste que…des survivants. Personne n’est innocent ma petite…personne. Ton pouvoir t’a gardé en vie mais il a compris qu’il pouvait obtenir plus…qu’il pouvait te réduire à l’état de marionnette…tu as toujours été ton propre ennemi, est-ce que enfin tu le comprends ? Il a pris l’avantage mais tu as su en revenir…tu peux remercier Loway pour ça…Il est mort en sauvant une personne de plus. On ne changera pas le passé, ma puce…mais on peut essayer de préparer l’avenir et de tirer des leçons de nos erreurs.

Je l’enserre contre moi après lui avoir déposé un baiser sur le front. Mon visage enfouis contre son épaule.

- Ce qui compte c’est que tu as survécu…ce qui compte c’est que tu es là…je…j’m’en tape du reste, ok ? Personne ne viendra t’emmerder ici…tu entends…personne…parce que sinon…sinon…je le tuerais…C’est ma faute…je devais veiller sur toi…je devais prendre soin de …de…( je pleurais, ma voix s’étranglant dans mes sanglots)…j’aurais pu…j’aurai du…j’ai tout foiré…tout merdé…j’suis si désolée…j’suis qu’une conne…tout ça ne serait pas…pas arrivé…si on avait fui…si on n’avait pas…fait les mauvais choix…j’ai été si impuissante…..impuissante à protéger…ceux que j’aimais….j’suis désolée Kaya….tellement désolée….ils ont dit..ils ont dit que tu étais morte…j’ai tellement cherché…et…et…

Je ne termine pas ma phrase, incapable d’en dire plus, secouée par des spasmes et des sanglots, je l’agrippe avec force que je ne dose plus, je ne veux plus qu’elle s’en aille, qu’elle m’échappe. Je vais apprendre de mes erreurs, je la protégerai à présent.
Une voix dans le micro, le ton saccadé et excité du professeur Jennings.

- J’ai …j’ai les résultats ! Il va falloir qu’on voit pour un planning, il faut qu’on reprenne les analyses, c’est important pour moi…pour la science…pour la recherche. C’est important ! (on entend Aislinn hausser le ton derrière elle dans le micro) Ah ! Euh oui oui oui…les résultats…

Sans lâcher Kaya de mon étreinte, entre deux sanglots je bafouille.

- Je sais déjà…Ouvre cette putain de porte, Miranda !!!

- Kaya….

Je levai vers elle un regard surpris. Elle m’avait appelée « Kaya ». Pas « La créature prétendant être Kaya », ou « soi-disant Kaya » ou encore « L’artiste qu’on appelait Kaya ». Cela présageait-il quelque chose de bon ? Enfin… Concrètement, oui. Je savais, consciemment, que c’était bon signe mais… Il y avait toujours cette sorte de sous-couche de doute permanent qui me faisait avoir des doutes peu rationnels. J’eus un petit mouvement de surprise quand elle se rapprocha, avant de me prendre le visage entre les mains. Des petits bruits douteux se firent entendre alors que les petites pointes qui parcouraient mes joues rentrèrent afin de laisser uniquement place à l’étrange cuir lisse et tiède de l’armure biologique que secrétait le symbiote.

D’après elle, le temps des héros avait pris fin à la mort de ces derniers, personne n’était innocent, nous n’étions tous plus que des survivants… C’était un sentiment qui m’était familier. Je ne m’étais jamais penchée sur la question dans le détail mais la différence entre avant et après était très prononcée… Les camps et ces 10 années de vengeance brumeuse avaient eu un effet dévastateur. Malgré mes petites conneries et mes blagues stupides, je n’avais aucun objectif ni même d’envie particulière. Ou plutôt… J’en avais mais je n’avais aucune volonté d’agir pour en faire une réalité, ni même de certitude d’avoir envie d’avoir envie. C’était un peu bizarre à décrire… Mais le fait était que je pensais comprendre ce dont parlait Caitlyn, quand elle disait que nous n’étions que des survivants. Je ne répondis rien, sachant que si je me mettais à parler, j’allais craquer… Elle continua en disant que j’avais été manipulée par mon pouvoir. C’était vrai… Elle m’avait déjà prévenue à ce sujet, qu’une quête excessive de puissance, qu’une évolution trop rapide pourrait finir en perte de contrôle totale. Pour ma part j’avais jugé ces inquiétudes excessives, affirmant que même en cas de perte de contrôle mon pouvoir ne serait pas très dangereux… Je me trompais, et de loin. Et elle mentionna Loway. Putain… Elle le connaissait. Je tournai la tête, fermant les yeux histoire de reprendre un peu le contrôle de mes émotions mais ce n’était pas si évident que ça. Autant je ne pleurais pas devant les films tristes, autant là…

Pour ne rien arranger, elle se mit à me serrer contre elle. Encore une fois, l’armure réagit en rentrant toutes les petites lames et pointes qui visaient à décourager un idiot de frapper dessus, et je me retrouvai bloquée contre elle. Elle continua de parler, chaque phrase ou morceau de phrase entrecoupé de sanglots et je me rendis rapidement compte que si elle continuait comme ça, j’allais me mettre à chialer aussi… Bon, ce ne serait pas surréaliste mais… Fait chier. Bon… Les larmes se mirent à couler sans demander mon avis alors que ma respiration devint saccadée, c’était foutu. Je décidai donc de me laisser aller, l’écoutant sans répondre alors qu’elle affirmant qu’elle ne laissait personne me faire quoi que ce soit, qu’elle était censée veiller sur moi, qu’elle aurait pu et dû, … Elle aurait pu faire pas mal de choses mais encore une fois… on était dans la même situation qu’avec cette histoire de clone. Elle aurait pu me trouver par un hasard statistique fou, oui, en me tombant dessus par hasard. Elle aurait pu inventer une machine révolutionnaire permettant de géo localiser une personne de son choix avec des satellites tactiques. Elle aurait pu tomber sur une race alien et, après leur avoir rendu des services sexuels, leur demander de l’aider à me localiser. Dans les faits, tout était possible même les trucs les plus débiles.

Mais dans les faits… Il n’y avait pas grand-chose qu’elle aurait VRAIMENT pu faire. J’avais erré au travers des Etats-Unis, sans logique géographique réelle, allant d’une cible à l’autre au moment où je les trouvais. Je n’avais pas parcouru chaque état dans l’ordre alphabétique, ni rien du style. Me retrouver, alors qu’en plus j’étais censée être crevée, aurait relevé de l’absurdité statistique… Elle se mit finalement à m’agripper avec force sans parvenir à terminer sa phrase. Lui rendant son étreinte, je laissai passer quelques secondes histoire que mes propres sanglots puissent se calmer un peu, répondant d’une voix tremblante et hésitante :

- T’aurais rien pu faire Cait’… Tu pouvais pas m’protéger… J’ai pas pu ME protéger… Et à mon âge… ‘faut qu’j’apprenne à m’débrouiller… T’as p’tet l’air d’avoir encore 20 balais mais moi, ‘faudra bien que j’devienne vieille chiante et responsable, finis-je avec un petit sourire.

La voix de la schtroumpfette retentit alors dans les haut-parleurs, et elle semblait ravie des résultats, annonçant qu’il allait falloir faire plein d’analyses et tests en tous genres. Hééé ben, quel enthousiasme… Cela dit, ce serait peut-être intéressant. Dommage, que la prof’ bleuet vive aussi loin, ça aurait pu être une opportunité intéressante de mettre en pratique mes connaissances en biologie. Même si, il fallait l’admettre, elles étaient loin d’être aussi conséquentes que les siennes ou celles de Moira : cette dernière était une experte mondiale en matière de Gène X, là où j’étais plus spécialisée dans la chimie cellulaire… Un domaine qui m’avait permis de comprendre pas mal de choses concernant mon symbiote, je ne l’avais donc probablement pas choisi par hasard. Bref : ce fut là que la voix d’Aislinn retentit au fond, ce qui m’arracha encore un sourire amusé entre deux autres sanglots. Cait’ demanda alors à Miranda d’ouvrir la porte, tout en me gardant contre elle et, quelques secondes après, la porte sus-citée s’ouvrit. Pour ma part, je restai contre la rousse, ne semblant pas avoir l’intention de sortir tout de suite de la cage, et je ne finis par relâcher mon étreinte qu’après quelques minutes.

- J’suis désolée pour… pour Lowel… pour les autres… de pas avoir donné de signe… J…

Ma phrase fut interrompue par un autre sanglot, suivi d’un long soupir alors que je tentais de me calmer un peu.

- J’ai eu peur d’ta réaction… C’est débile mais… J’préférais garder le souvenir d’toi plutôt que d’prendre le risque qu’tu m’envoies chier en apprenant c’que j’avais fait… Avec le r’cul j’sais bien qu’c’est complètement con mais…

De toutes façons il était trop tard pour changer quoi que ce soit. Soupirant une nouvelle fois, je finis par sortir de la cage en m’aidant de mes ailes pour me donner de l’élan, me retrouvant alors dans la grande salle dont le look me semblait… étrangement familier. Me tournant vers Wonder Beaver, je la regardai dans les yeux, disant d’une voix grave :

- J’suis malheureuse, Cait’. Misérable. J’ai plus d’envie. Plus d’objectif. Plus d’ambition. Rien… J’vis dans un clapier dans un quartier pourri, j’survis d’un petit job à l’autre sans vouloir chercher aut’chose, j’arrive pas à avoir envie d’me faire des amis ou des r’lations, j’me sens… vidée. Comme si j’avais des cendres à la place des émotions… J'sais même pas c'que j'suis censée faire au quotidien, à quoi j'sers, quelle place j'occupe, j'en sais rien... Si t’ajoutes le sevrage qui continue d’faire des siennes…

Soupirant (oui, encore… Eh, oh, c’était pas ma faute hein), j’ajoutai :

- J’ai b’soin d’aide mais j’sais pas qui peut m’aider ni comment c’est possible. Ni même si c’est même possible… Pitié, dis-moi qu’tu t’en es sortie… Qu’t’as trouvé un moyen d’en sortir, qu'y'a un moment où ça s'arrête et où tout r'vient à la normale... finis-je avec un ton suppliant.

Son aveu final me broya le cœur, totalement. Les larmes n’avaient pas encore séchées sur mon visage alors qu’elle m’interrogeait d’un regard si douloureux avec ses mots si justes, si terribles qu’il me renvoyaient une fois de plus à ma propre impuissance, une fois de plus à mon propre passif. Il est toujours plus facile de dire à quelqu’un ce qu’il veut entendre plutôt que ce qui reflète la vérité mais pour le cas de Kaya, c’était beaucoup plus compliqué parce que mentir était toujours plus simple avec quelqu’un pour qui l’on éprouvait pas d’affection. Je ne savais pas mentir avec mes proches, contrairement à Calie, je n’avais jamais eu ce talent. Je soutiens son regard durant ce qui me parait être une éternité avant de baisser les yeux dans une attitude coupable et désarmée.

- Nous ne pouvons que changer…ou disparaitre. J’ai longtemps stagnée entre les deux. Ce que je sais, c’est qu’on ne revient jamais à la normal…ça non….on trouve une nouvelle normalité mais le sens de la vie ne pars jamais en arrière. J’ai dit ça trop souvent à d’autres personnes, notamment mes filles…mais ce que tu deviendras, ne dépend que de toi. Je travaille toujours à en sortir…il y a de bons jours, d’autres…plus pénibles. Mais je ne vais pas te raconter de conneries, pas à toi. Ça sera difficile et en plus seule, quasi impossible.

Je me tourne pour faire quelques pas et commencer à gravir les marches de l’escalier qui mène à nouveau à la salle de surveillance surplombant la salle de la cage.

- Et tu ne seras plus seule. Je t’apporterai toute l’aide que je peux et ce n’est pas la peine de protester. Il est hors de question que je te perde à nouveau ou que tu te casses par fierté mal placée ou parce que tu te pourris la tête avec tes idées à la con…tu es peut-être vieille mais je suis certaine que tu restes chiante et je doute que tu puisses être responsable bien longtemps….et si tu jalouse ma plastique, tu n’avais qu’à avoir un pouvoir capable de t’obtenir la jeunesse éternelle comme moi….(je soupire) d’façon, elle sert plus à grand-chose, cette plastique à présent.


Je me retourne dans l’escalier.

- Oh, et puis, garde pour toi toute ces histoires de vendetta confreriste et de meurtres, Aislinn est une jeune agente de la X Force…idéaliste et un peu naïve…je ne sais pas comment elle prendrait tout cela….Moins tu en diras sur cette période, mieux ça sera. Nous avons tous des squelettes dans les placards ici…
Et puis si tu crois que je vais te laisser croupir dans un clapier, tu rêves….j’ai un appartement à Paradise, au Gold Lift…tu y viendras quand tu voudras, j’ai toujours une chambre de libre depuis que Ais’ est indépendante. Juste le temps…que…que je trouve un moyen de te dégoter un emploi stable, j’aurais bien fait jouer le piston d’Ororo afin de t’avoir un poste d’instructeur au X center mais sous ton véritable nom, je n’aimerai pas que le FBI fasse des rapprochements un peu trop rapidement…Sinon tu as toujours ton Doctorat, non ? J’ai des contacts à l’Académie Tomorrow, tu pourrais y enseigner en vacataire…ce qu’il te faut, c’est retrouver une certaine estime de soi…je crois qu’avec un travail stimulant et l’affection de proches, ca aidera…Avoir mes filles, c’est ce qui m’a sauvé du suicide après la disparition de Calie….tu n’es pas seule Kaya, je suis ta famille, nous sommes ce qui reste de ta famille et on va t’aider…

A peine entrée dans la pièce, Miranda se précipite avec des genres de petits cris de souris excités.

- Il faut qu’elle vienne vivre ici, j’ai lu son dossier, elle a des compétences, nous pourrions travailler ensemble, elle pourrait aider en plus d’être un sujet, même pour toi, sur le gêne évolutif et la communication avec la chimère. Il faut qu’elle vienne.

- Ecoute Miranda, on ne peut pas prendre le risque de quitter New Heaven trop souvent, tu verras ça avec elle mais dans ce cas, Aislinn pourra la déposer et venir la récupérer au moins une fois par semaine.

- OOooh ! Taxi Aislinn ne fonctionne qu’hors période de mission, je précise ! Et j’ai aussi une vie privée !

- Ça te prendra pas plus de deux minutes de la jeter ici…ta copine pourra se passer de toi durant ce temps-là, non ?

- Grrroupff…j’devrais faire payer la course….au moins en argent d’poche…

- Elle paiera tes bières. Vas lui chercher des fringues à la maison….elle reste avec nous ce soir, je ne veux pas qu’elle foute la trouille à tes sœurs en arrivant, en mode gros monstre Alien. Je vais annuler mes rendez-vous pour la journée, nous avons beaucoup à nous dire…tu nous ramèneras et tu pourras vaquer à tes occupations après….

Aislinn roula des yeux tout en se mettant en marche et passant devant Kaya, murmura.

- A toi aussi, elle te parlait comme son groom ? T’es plus mince qu’moi…mais on a la même taille…tu risques d’être au large dans mes Jeans…c’est ça d’avoir les fesses plates….bon retour chez les vivants, Steel Wings.

Changer ou disparaître, hein ? Quelque part, je m’en doutais. J’espérais quand même qu’il y ait une façon X ou Y, une solution géniale à laquelle je n’aurais pas pensé, je sais pas, quelque chose du genre… quelque chose qui pourrait me permettre de revenir à « avant ». Mais d’après la rousse, il n’y avait rien de tel. Il fallait se reconstruire une nouvelle normalité, au fil du temps, et en plus ce n’était pas facile du tout. Je ne savais même pas par quoi ni par où commencer… Après, il était fort possible qu’il n’y ait pas forcément de point de départ. Pas de « manuel » ou de livret d’instructions avec un point 1, un point 2, et ainsi de suite pour arriver à un produit fini et fonctionnel à 100%. En fait, plus j’y pensais, plus je me rendais compte que ça allait être bien plus compliqué que ça… Comme le disait Cait’, donc.

- Et tu ne seras plus seule. Je t’apporterai toute l’aide que je peux Je m’apprêtai à protester, quand… et ce n’est pas la peine de protester.

Je fermai donc la bouche, haussant les épaules alors qu’elle me signalait qu’il était hors de question de me perdre à nouveau ou de me laisser me casser, soit par fierté soit parce que mon cerveau avait décidé de me rendre la vie pourrie. Je soupirai, parce qu’à une époque ça aurait été mon genre effectivement. J’avais changé, cela dit. Pas en profondeur, mais je n’avais aucune intention de partir pour quelque raison que ce soit, dans l’immédiat. En tout cas elle avait raison sur un point : j’avais peut-être pris de l’âge mais sur pas mal d’aspects, j’étais toujours une gamine chiante et mon niveau de responsabilité était très limité. D’ailleurs, le fait que Cait’ ait des filles… Si j’en avais eu ? Je n’osais pas imaginer le désastre… Pas pour moi, mais plus pour elles. Ça aurait encore créé des gamins dépressifs, ou criminels, ou à problèmes en tous genres… Me donner un enfant à élever serait le sommet le plus immense de l’irresponsabilité, en fait. Comment pourrir une vie… Enfin… La rousse se moqua alors un peu du fait que contrairement à elle je pouvais gagner en âge (bon, ok, je pouvais devenir vieille et croupie), ajoutant que la plastique en question ne servait pas des masses de toutes façons. Je haussai les épaules, nonchalamment, répondant avec mon classique sourire crétin, malgré tout légèrement déformé par la tristesse et les sanglots qui m’avaient agitée quelques secondes plus tôt :

- Honnêtement, l’espace d’un instant, j’ai espéré que la cage soit là pour que tu mettes une tenue en cuir sexy et que tu danses dedans. Ces histoires de cage de Faraday, ça m’a beaucoup déçue.

Wonder Beaver me signala toutefois de ne pas trop ébruiter cette histoire de purge anti-confrérie et anti-purificateurs, surtout auprès d’Aislinn… Principalement parce qu’elle était jeune agente de la X-Force, naïve et tout le tralala. Ah, je connaissais bien ça… J’avais été plus ou moins à sa place, même si à l’époque le contexte était différent. Instinctivement, quelque chose me disait qu’elle serait peut-être assez adulte pour comprendre mais d’un autre côté, quand je réfléchissais de façon purement pragmatique, je me rendais compte qu’elle n’avait probablement pas encore 20 ans et je ne la connaissais pas encore assez bien. Je décidai donc d’écouter mon cerveau ainsi que la rousse, pour cette fois-ci… Je hochai donc la tête, histoire de confirmer que j’avais bien compris le concept. Peut-être Cait’ déciderait-elle de parler à sa fille des « squelettes » dans les placards, un jour, quand elle estimerait que la jeune Aislinn serait en mesure de gérer l’information. Elle était sa mère et était donc sûrement mieux placée que moi pour estimer ce genre de chose… Même si en fait, je me rendis compte d'un seul coup que les parents, de par leur rôle protecteur, n’étaient pas toujours objectifs. Bah. On verrait bien.

Par contre, je grimaçai un peu quand elle parla de me trouver un appart’, un job, tout ce bordel. Là, ce serait carrément abuser…

- j’ai un appartement à Paradise, au Gold Lift…tu y viendras quand tu voudras, j’ai toujours une chambre de libre depuis que Ais’ est indépendante.
- Euh…
- Juste le temps…que…que je trouve un moyen de te dégoter un emploi stable, j’aurais bien fait jouer le piston d’Ororo afin de t’avoir un poste d’instructeur au X center mais sous ton véritable nom, je n’aimerai pas que le FBI fasse des rapprochements un peu trop rapidement…Sinon tu as toujours ton Doctorat, non ?
- Ouais 'fin…
- J’ai des contacts à l’Académie Tomorrow, tu pourrais y enseigner en vacataire…ce qu’il te faut, c’est retrouver une certaine estime de soi…je crois qu’avec un travail stimulant et l’affection de proches, ca aidera…

Pour la fin, c’était sûrement vrai. Mais le reste par contre… Je soupirai, ne sachant pas trop comment formuler ça. J’avais l’impression de devenir… Ce que j’étais avant, en fait. Une sorte de boule d’émotions incontrôlable, aspirant toute l’énergie et l’attention de son entourage jusqu’à la lie sans rien produire en retour, comme… mon symbiote. Même pas, mon symbiote m’apportait des avantages. Comme une sorte de parasite émotionnel. Je n’avais pas envie de redevenir ça, parce que c’était très très clairement ce que j’avais été pendant bien trop d’années… Et je n’avais pas envie de le redevenir, cette sorte de siphon affectif qui ne laissait que des momies desséchées et épuisées.

- Quelque chose de stimulant et être entourée… J’sais que ça aidera oui, mais hors d’question d’me mettre à vivre à tes crochets. Crois-moi, j’suis heureuse qu’tu veuilles m’aider mais… J’ai aucune envie d’me mettre à parasiter tout l’monde. J’me connais… J’aime pas l’changement plus que ça… J’risque d’me retrouver bien confortable, d’avoir peur d’changer, et tu t’retrouveras coincée avec moi en train d’squatter et d’te gonfler 24h/24 dès qu’j’aurai b’soin d’un truc ou d’un contact… Nan c’est mort.

Bon, je n’eus pas le temps d’approfondir la question car la schtroumpfette sous acide revint dans la pièce, d’un seul coup, demandant à ce que je vienne vivre dans le manoir pour que je devienne son assistante de laboratoire en plus d’être un sujet d’études fascinant. Je ricanai, répondant :

- Bah tu vois ? J’ai trouvé un endroit où squatter !

Caitlyn lui répondit néanmoins qu’il valait mieux ne pas prendre trop de risques et qu’Aislinn pourrait me déposer. Je haussai un sourcil, me préparant à dire que la pauvre avait peut-être autre chose à foutre de ses journées mais mini-rousse répondit avant que je ne puisse le faire, signalant qu’elle avait des trucs comme une vie privée. Sa mère rétorqua qu’il y en avait pour 2 minutes et que sa copine survivrait bien sans elle, et la conclusion fut que je paierais des bières. Et hop, elle envoya la mini-rousse me chercher des fringues chez elle, signalant que je dormais chez elle ce soir-là, et affaire classée. Je restai là un moment, un peu pantoise, alors qu’Aislinn me demandais si j’étais aussi une sorte de domestique, puis me jaugea du regard pour estimer ma taille en matière de fringues, de me traiter de fesses plates et de me souhaiter « bon retour ».

- Comment ça « plates » ? Eh, ho, j'proteste, y s'trouve que…

Bon, tant pis. Je soupirai, revenant à la rousse senior.

- Je viens c’soir mais après j’rentre. J’t’ai dit, j’peux pas me mettre à vivre à tes crochets et à parasiter ton existence. T’as tes filles à gérer, tu vas pas t’taper une gamine de 35 ans en plus… Et niveau boulot…

Je soupirai, pensive. J’avais peur de me lancer dans quelque chose de sérieux, en fait. Quelque chose qui m'engage dans l'avenir, qui soit sur la durée.

- Le X Center n’serait pas un souci. Le FBI sait pas qui a fait ça… Ils ont des pistes sur mes pouvoirs mais pas d’nom ni d’preuve. Quand l’armure est déployée j’ai pas d’empreintes digitales et vu qu’l’armure absorbe tout, y’a pas d’sang ni rien. Pas d’cheveux, que dalle… Je grimaçai un peu, le regard un peu dans le vide. Et pas d’témoins…

Jamais aucun… La boucherie était toujours totale et systématique… et la majorité des massacres ayant eu lieu dans des zones rurales, il n’y avait en général pas de police très développée ni de réseaux de caméras de surveillance. Les anciens criminels de guerre pensaient que cette isolation les protègerait mais elle n’avait fait que me protéger moi.

- L’enseign’ment, ‘faut que j’rattrape pas mal de choses… J’ai 10 ans d’retard. J’pourrai les rattraper ici et par moi-même à côté mais j’ai pas les qualifications pour l’moment. J’eus alors une pensée furtive, me rappelant subitement de quelque chose. Par contre… Y’a une bourse au conservatoire pour des musiciens… J’pourrais tenter ma chance…

Et toute cette histoire de « job » me fit revenir une question en tête, à laquelle Caitlyn n’avait pas répondu d’ailleurs.

- … tiens, du coup c’est quoi c’t’histoire de gardes rouges ? On dirait l’nom d’une police communiste de l’ex-URSS ou un truc chelou du genre. C’la dit, ent’mon syndrome de sevrage et mon absence totale de discipline, j’doute d’être une recrue en or… Mais j’pense que si j’refuse elle va m’balancer au FBI… J’en suis pas sûre, elle l’a pas dit mais j’sais pas, ça s’rait bien son genre… Elle m’a pas l’air d’être l’genre de personne à qui on peut dire « non » et ensuite continuer son p’tit quotidien l’air de rien.

Je me contentais de soutenir son regard un long moment écoutant tout ce qu’elle avait à me dire. Une partie de moi comprenait oui, ce désir d’indépendance, cette volonté de s’en sortir par soi-même et de tracer sa route. Je savais que j’étouffais les autres, notamment mes filles et surtout ma petite Jade que j’avais toujours surprotégée mais Kaya ne pouvait pas savoir la cause et les motivations profondes et peut-être simplement égoïstes qui me poussaient à le faire. Après tout, elle ne savait rien de ce que j’avais traversé émotionnellement durant toutes ces années, comme elle ignorait totalement ce que je traversais actuellement. Je baissais un instant le regard, la mine préoccupée par de sombres pensées, j’essayais de trouver les mots justes mais ils m’échappaient. J’avais entendu la question de mon ex élève mais j’essayais de mettre de l’ordre dans mes pensée. Miranda, toujours à l’observer avec minutie comme un loup regardant un gros morceau de steak rompit le silence gênant.

- Caitlyn…si nous parvenons à comprendre le mode de communication avec son symbiote, nous pourrions élaborer un protocole pour…pour Calie…c’est une piste à ne pas négliger…il FAUT qu’elle m’aide.

Le prénom me fait relever la tête et je la fustige d’un regard mauvais et l’apostrophe d’une voix un peu trop forte où percent les menaces.

- Miranda, tais toi ! Ce qui concerne « nos » affaires restent entre nous ! je te l’ai déjà dit ! Occupe-toi de tes fesses, compris ?

Un glapissement devant la violence de mon aboiement et je la vois, menue et effrayée reculant d’un pas.

- Je…désolée…trop de…d’émotions d’un coup….murmurais-je en lui adressant un sourire triste avant de regarder à nouveau Kaya avec une sorte de distance artificielle trahissant ma propre tristesse.

- Et bien tu feras comme tu le voudras….après tout, je ne suis plus rien pour toi…ni ton mentor puisque tu es devenue une X Men à titre posthume comme nos élèves disparus durant la Guerre, ni autre chose qu’un fantôme du passé….Tu as toujours voulu mettre cette distance entre toi et les autres, c’est toi tout craché…et j’ai toujours voulu te forcer à prendre ma main….sans y parvenir…Si certaines choses ne changent pas, d’autres ont changé, Kaya….je suis fatigué de me battre, j’ai baissé les bras, épuisée de …de tout ça….j’ignore même pourquoi je suis toujours ici à part…à part pour aider ceux qui ont besoin de moi. Je comprends parfaitement ce que tu veux dire et je te promet de le respecter mais tu ne peux pas…tu ne peux pas réapparaitre comme ça et prendre tes distances avec moi….tu ne peux pas frapper à la porte et refuser d’entrer. Ça fait mal…Vraiment mal, tu en as bavé, oui…tu n’es pas la seule crois moi et moi normalement je ne ressens pas la douleur physique, je te laisse imaginer ce qu’il reste.

Je secoue la tête en soupirant.

- Je ne peux pas me lever demain matin et me dire… « ah ouais c’est vrai…Kaya est revenue et elle fait j’sais pas quoi et j’sais pas où… » Nous étions les Amazones…nous ne sommes plus rien…Calie et toi avez disparues, Johan ne m’a jamais pardonné la perte de Calie, c’est à peine si on s’envoie des messages, ne fais pas comme elle, s’il te plait, ne me tourne pas l’dos….ne disparait pas dans New Heaven comme une inconnue…j’avais une tombe où je venais te parler avant…j’avais toujours « ce lien »….il n’existe plus non plus…ne…ne disparait pas…j’ai besoin de toi….( un nouveau rire bref, sarcastique)…elle doit t’impressionner hein ? la « grande Fuzzy », le « Wonder Beaver »….mendier comme une merde…Je te l’ai dit, l’âge des Héros est terminé…je n’ai plus grand-chose et surtout plus d’amour propre…plus d’idéaux…plus de feu…je suis….vide….moi aussi…j’étais nettement plus admirable et héroïque quand j’étais un de tes souvenirs, Kaya…

Un long silence alors que je baisse la tête, comme absente.

- Ah oui…Les gardes rouges….c’est une équipe d’élites, répondant exclusivement aux ordres de Kreele et de Sage…officiellement ils assurent la sécurité de la Gouvernance de New Heaven….mais leur fonctionnement n’est connu que du conseil Restreint pas du Conseil en séance plénière… Je crois que même Ororo, à l’intérieur et la défense ne sait pas précisément dans quoi cette « armée privée » trempe…. Mais la « mère supérieure » ne me dit pas tout….J’ai une accréditation de niveau 2 sur les dossiers de New Heaven …elle en a une de niveau 1….il existe un niveau « 0 », je sais que Sage en fait partie…mais nos relations avec elles se sont…dégradées. Même au Conseil de Gouvernance, il existe un fort clivage entre nous…La vieille garde…Ororo, Alison « Dazzler » et moi formons le noyau du groupe….mais il y a une mouvant ultra protectionniste, voire raciste…qui peu à peu commence à s’imposer…Kreele ne prend pas parti, mais c’est une gueguerre permanente entre la Vieille Garde Xaviertiste et les Néo Ultra comme Cassidy à la finance…Sage est au-dessus de cette merde et je pense qu’avec l’appui de Kreele, elle utilise l’élite, la garde rouge, comme bon lui semble….je ne sais même pas qui ils sont, ni combien ! Cependant Sage ne t’aurait pas approché si elle n’avait pas une idée en tête, fais attention…elle a changé…beaucoup…les tortures qu’elle a subit dans les camps l’ont totalement déshumanisée, si c’était déjà possible….je me demande si elle dort encore…c’est elle qui a supervisé l’attaque du Big Day, c’est elle qui a envoyé en première ligne bon nombre d’entre nous pour retarder l’avancée d’Ultimate…la première phase, la phase « au contact »…il n’a eu que deux survivants, wolverine et moi…. Tu y serais morte Kaya….oui…tu y serais morte comme les autres….Sage a le poids de la mort des X Men sur les épaules, elle ne peut plus être humaine, c’est insupportable comme poids. Mais elle ne te livrera pas au FBI…elle ne le fera pas sinon la Vieille Garde s’y opposera…quoi que tu es fait tu ES l’une des nôtres, nous te protégerons. Si tu veux d’autres renseignement, vois Ororo…elle sera contente de te savoir en vie mais vas y molo avec elle…elle a perdu son mari durant la guerre…elle aussi a changé.

Le retour d’Aislinn sonne la fin de mon explication, ma fille jette négligemment jeans et t shirt dans les bras de Kaya en expliquant.

- Y’a pas de sous-vêtements…faut pas déconner non plus ! T’inquiètes….Tu risques pas de choquer mes sœurs….vu leur mère et son manque de pudeur chronique…. ( à moi) Faut pas trainer, John m’a assigné une autre mission…j’sais pas trop, il parle trop vite en télépathie…il veut qu’je retourne au X center, « si tu en avais terminé avec l’exploitation à usage personnel de ses troupes »…ce sont ses mots, einh !

- J’emmerde Stepford, j’suis une gradée….Kaya, tu peux te changer à coté si tu veux bien, on va essayer de libérer Aislinn. Paniques pas, Miranda est asexuée.

- Hein Quoi ? quoi-quoi ?? Non non…en fait je ne suis pas intéressée c’est tout mais j’aime la plastique masculine en fait…la science seule compte !

- Et bien ça nous change….Ca me rappelle la pauvre Johan et sa prude hétérosexualité quand on se changeait dans le vestiaire avant de partir en mission…qu’est-ce qu’elle a dû supporter entre Calie et moi lesbiennes et toi bi….je me demande si elle rougit encore quand elle voit un couple s’embrasser…

Je sursautai légèrement quand Cait' apostropha la pauvre Jennings... Et les propos des deux se mirent à soulever pas mal de questions. "un protocole pour Calie" ? Mais... Elle n'était pas morte ? Et "nos affaires" ? Comment ça, les deux avaient une sorte de secret quant à la survie de Calie ? J'affichai une mine un peu confuse mais décidai de ne pas presser la question - pour l'instant. Manifestement le sujet était... un brin sensible et je venais à peine de sortir de nulle part comme un diable de sa boîte. Du coup, me mettre à poser des questions personnelles sur les secrets cachés aux yeux de tous pendant 10 années où j'étais absente aurait été quelque peu déplacé. Lorsque la rousse s'excusa, mettant cela sur le compte de l'excès d'émotions, je fis un petit sourire en réponse qui se voulait rassurant mais mes yeux indiquaient clairement que je me posais des questions. C'était volontaire. Fuzzy n'était pas stupide et je ne souhaitais pas la traiter comme telle en lui cachant le fait que je me pose des questions... De toutes façons il y avait plus pressant. Et clairement, l'Irlandaise en avait encore gros sur la conscience.

Elle se mit à dire que je ferais comme je voudrais, que je n'étais plus rien pour elle, et compagnie. Je laissai voir une grimace quelque peu ridicule et sceptique à la fois. Elle parla de cette distance que je mettais à l'époque entre moi et les autres et, effectivement... J'avais à ce moment-là un besoin majeur d'être entourée mais aussi une peur panique de l'être, ce qui créait un paradoxe très bizarre où je tirais les autres vers moi - au point d'en devenir parasitaire - avant d'ensuite les maintenir à bonne distance malgré tout. Autant dire que ça n'étais pas forcément de tout repos pour tout le monde. Certains amis avaient réussi à le comprendre et vivre avec mais au final, ça ne rendait pas la chose plus simple à vivre... Elle en avait bavé aussi, même si c'était d'une manière radicalement différente. Peut-être pire ? Bah... La souffrance pouvait difficilement se comparer, en règle générale, de toutes façons. En attendant, elle avait perdu tout le monde ou presque. Calie, moi, même Toy qui avait plus ou moins coupé le contact visiblement - je l'ignorais, ça. Et elle se mit à... je ne sais pas, me supplier ? De ne pas disparaître, de ne pas me fondre dans l'environnement jusqu'à ce que je devienne invisible. Elle enchaîna en rappelant que les héros avaient bel et bien disparu et qu'elle était sûrement plus admirable en tant que souvenir, avant de rester silencieuse.

Soupirant, je profitai dudit silence pour me rapprocher d'elle, la prenant dans mes bras et déposant un baiser sur sa joue, parlant à voix basse.

- J't'ai jamais trouvée héroïque, planche à r'passer, dis-je d'abord avec un petit sourire. Mais j't'ai toujours admirée, encore maint'nant d'ailleurs. J'étais endommagée à l'époque... Et j'le suis encore, d'façon différente... Mais j'compte pas disparaître ni quoi qu'ce soit. J'veux m'reconstruire, j'sais pas comment d'ailleurs... Mais j'veux juste pas l'faire sur ton dos. Avec toi, par contre, ça, oui. Et avec d'la chance p'tet que je pourrai t'aider à l'faire de ton côté. J'ai aucune intention d'disparaître et juste débarquer pour dire bonjour une fois tous les 6 mois. J'sais que j'ai toujours maint'nu tout l'monde à une certaine distance mais là c'pas pareil. J'veux juste pas vivre sur ton dos. J'compte m'incruster chez toi et pas qu'un peu... Juste pas 7 jours sur 7, à vider ton frigo, tes placards à fringues (de toutes façons tes soutifs seront trop p'tits) et ton compte en banque.

Soupirant, je reculai un peu, regardant le sol.

- J'avais des sentiments très contradictoires et ambivalents à l'époque... L'besoin d'être le centre de l'attention et une peur panique de l'devenir. Mais à ton égard, c't'ait pas exactement pareil. J'te maint'nais parfois à distance parce que j'étais amoureuse de toi à l'époque, finis-je par avouer avec un air triste. Enfin... J'avais 20 ans, à c't'âge-là, les sentiments, hein... dis-je en levant les yeux au ciel. Surtout chez quelqu'un comme moi. Mais y'avait Calie. J'savais pas trop comment agir ou réagir donc j'me tenais à une "distance de sécurité réglementaire", c'est tout. Je finis pas reposer mon regard sur elle, disant avec un petit sourire en coin : T'en fais pas hein, j'compte pas t'sauter d'ssus par surprise. En plus d'10 ans... On r'lativise, on change sur certains points.

Je ressentais toujours quelque chose pour elle mais c'était différent. Plus diffus. C'était changé par le poids des années et des épreuves. Il y avait toujours cette amitié, cette proximité. Le reste était différent. Ça ne voulait pas dire que je ne retomberais pas amoureuse de la rousse mais en revanche ce n'était plus le cas dans l'immédiat. Nous avions toutes les deux bien trop changé pour que les choses restent les mêmes, à ce sujet.

J'eus finalement droit au briefing sur la garde rouge et carrément sur une partie de la politique de la ville... Putain, je détestais la politique. Toujours des connards qui se battaient pour le pouvoir au détriment de tous les autres. Le fait que Caitlyn n'ait pas l'accréditation nécessaire pour tout savoir était plutôt mauvais signe, en tout cas... Si même Ororo n'était pas au courant de tous les faits et gestes de la "Garde Rouge", cela signifiait sûrement qu'il s'agissait d'une sorte de groupe de barbouzes pas nets. Je ne savais pas trop si j'avais envie de me retrouver plongée là-dedans... Le duel entre la vieille garde et la nouvelle... Vu la description que Cait' donnait de la "nouvelle garde" protectionniste, quelque chose me disait que je ne les aimerais pas trop et que j'aurais bien du mal à obéir à leurs ordres. L'avertissement de la rousse électrique concernant les changements de Sage fut bien reçu... Je hochai la tête, réfléchissant un peu à cette histoire. Kreele... J'ignorais si je pouvais lui faire confiance. Pas dit. Sage... Pareil. Peut-être calculait-elle les choses pour que le résultat final soit le meilleur possible mais du coup, elle semblait oublier l'élément humain. Et son plan final, quel était-il ? Va savoir. Ce n'était pas mon domaine de prédilection, comme je le disais... Quand Fuzzy finit par me dire d'aller voir Ororo, je hochai la tête doucement.

- J'vais essayer d'la voir, oui... Qui sait, elle a p'tet des choses à m'apprendre. Et en r'tour, j'ai p'tet des choses à apprendre aux jeunes d'la X-Force. Sur le combat, sur eux-mêmes, sur Xavier... J'verrai.

Aislinn revint alors à ce moment-là, me lançant un jean et un T-shirt l'air de rien, signalant qu'il n'y avait pas de sous-vêtements parce qu'il ne fallait pas non plus déconner. J'eus un sourire amusé lorsqu'elle évoqua le manque de pudeur de la mère, mais celui-ci disparut quand elle déclara qu'elle avait une urgence. Merde, il allait falloir faire vite. Je hochai donc la tête quand Cait' me proposa de me changer à côté, ricanant en entendant la pauvre Jennings se confondre en explications sur son intérêt vis-à-vis du corps humain. Toujours aussi trollesque, la rousse, ça n'avait pas changé plus que ça. Et... D'un coup, une idée me vint en tête.

- Avant d'me changer... Miranda, j'vais vous laisser quelque chose, vous d'vez pas avoir d'données là-d'ssus parce que j'pouvais pas l'faire à l'époque de l'Institut... Z'avez une enceinte anaérobique ?

Celle-ci se mit à nous conduire vers une salle, une sorte de grand labo avec pas mal de trucs bizarres et colorés dans tous les sens. Elle avait sûrement sa propre façon de s'organiser... C'était souvent le cas chez les génies loufoques. Elle ouvrit alors une enceinte anaérobique vide. Je pris une grande respiration, faisant quelque chose que je n'avais pas fait depuis longtemps... Mais qui serait sûrement utile pour ses études. Je me mis à faire des bruits bizarres alors que ma gorge sembla "gonfler", prenant des proportions anormales après trois ou quatre secondes, avant de finalement laisser entendre une sorte de grognement aigu et de cracher une sorte de blob vert-violet dans le container d'études. Je m'empressai alors d'immédiatement fermer le tout, alors que le blob se mit à s'étaler, s'étendre, prenant de plus en plus de place.

- C'est du symbiote. J'ignorai le glapissement surexcité de la schtroumpfette, enchaînant : NE L'TOUCHEZ PAS. Ne l'laissez jamais - JAMAIS - sortir pour AUCUNE raison. Y peut pas s'reproduire tout seul, ses cellules 'se divisent pas, il a b'soin d'un hôte pour l'faire. Donc si vous lui donnez l'occasion d's'attacher à un hôte... Il mourra dans des souffrances sans égales. 'Pouvez voir l'résultat en cherchant "Tentacle monster in Nebraska", la vidéo a été r'tirée par la plupart des sites mais il existe encore quelques miroirs.

Je me rapprochai d'elle, jusqu'à être inconfortablement proche, répétant en détachant soigneusement chaque mot :

- Ne le touchez pas avec vos mains nues. Ne le laissez pas sortir. N'approchez pas d'être vivant de lui. Il mourra de faim par lui-même en 2 à 3 jours, inutile d'essayer de le nourrir - il n'a pas de système digestif, il a aussi besoin d'un hôte pour ça. Donc vous avez 2 à 3 jours pour l'étudier. Mais ne le laissez surtout, surtout pas sortir. Sinon y va s'infiltrer par vos yeux, vot'nez, vot'bouche, vos oreilles, y va pirater vos glandes salivaires et lacrymales, z'allez vous mettre à hurler d'douleur, à pleurer et à baver du symbiote, z'allez avoir des convulsions et vous finirez bloquée dans vot'propre corps. NE LE LAISSEZ PAS SORTIR.

Laissant la dame bleue-blanche mais pas rouge s'agiter autour de l'enceinte de sécurité, je fis rentrer les ailes ainsi que l'armure, ce qui me prit quelques secondes et fit quelques bruits gluants et quelques bruits de craquements assez bizarres et dégueulasses, comme toujours. Cela fait, j'enfilai le jean, le T-shirt, avant de me retourner vers les deux rousses. J'étais... pâle. Vraiment pâle. Mes mouvements semblaient un peu hasardeux et hésitants et je clignais pas mal des yeux. Sans les stimulants, cracher du symbiote me demandait beaucoup de ressources. Mais si cela pouvait aider Cait' et Calie... ça en valait la peine.

- Bon... J'vais crever la dalle là par contre... Du coup j'propose qu'on aille manger un truc. Ou deux. Ou trois.

- Bon... J'vais crever la dalle là par contre... Du coup j'propose qu'on aille manger un truc. Ou deux. Ou trois.

Avant toute réponse, mère et fille regardaient d’un air perplexe la mutante qui venait de revenir à elles, Caitlyn la première haussa un œil plutôt perplexe avant de demander avec une pointe d’ironie dans la voix.

- C’est quoi tous ces tatouages ? T’as décidé de te déguiser en grotte de Lascaux ou quoi ?  Un c’est mignon, plusieurs c’est juste too much….t’as jamais eu le sens de la mesure, texanne…
- Ben moi j’aime bien, commenta Aislinn, c’est sexy des tatouages et tu dis ça parce que sur toi ils ne « marquent » pas à cause du phasing….
- Ouais ben occupe-toi de ceux de ta copine, l’es tatouée Maeve ? demanda  la mère.
- Non….(Aislinn soupira) mais ça viendra….j’ai demandé à Ari de voir pour un modèle….comme Jade l’a fait…

Cait s’amusa de la réponse tout en s’avançant vers la pièce où résidait Jennings.

- Jade ne se fera jamais tatouer, c’est une trouillarde, elle a peur des aiguilles, c’est du flan….MIRANDA ?! ON Y VA ! PAS DE BETISES HEIN ?
- …..Ouais…ouais…
- ET J’ESSAIERAI DE PENSER A TES FRIANDISES !
- ….Ouais, ouais….

- (A Kaya)…pire qu’une gosse, tu lui as filé un jouet, on l’entendra plus pendant un mois…Je passerai quand même vérifier qu’elle pense à manger cette idiote…Bon on y va ? Ho, j’vous parle….


Aislinn était en grande discussion avec Kaya à échanger leurs numéros de téléphone.

- ……Voilà….c’est noté, tu appelles quand tu veux, façon, j’dors quasi pas avec ma mutation…comme ça, je te dépose où tu veux, c’est plus simple….bon pas  15 x par jour non plus, précises si c’est une urgence, sinon je te fixerais un créneau…ah puis t’inquiète pas pour la localisation, je t’ai « ancrée » y’a  5 minutes, quand tu…te…hum Rhabillais… je saurais toujours où tu es….t’as de l’importance pour Maman alors pour moi aussi…OUI OUI…DEUX secondes !

Elle tira la langue à sa mère qui leva les yeux au ciel puis s’avança pour ouvrir un portail

- Comme d’hab…possible maux de tête et nausées et blablablahhh ! Let’s go.

Caitlyn, bras croisée observait e silence et remarqua alors que son ex apprentie reluquait avec non challenge le fessier d’Aislinn qui s’engouffrait dans le vortex, elle esquissa un demi sourire devant un flag’ manifeste avant d’attendre qu’Aislinn ait disparu pour murmurer.

- Kaya ? …c’est MA fille…terrain dangereux…ok ? Tu peux mater mais pas touche. Et ça vaut pour les deux autres…d’façon, deux sur trois sont casées, reste Ariella, c’est vrai qu’elle en vaut deux mais bon….

Aislinn les laissa devant l’entrée du Gold Lift avant de s’éclipser. L’immeuble hautement sécurisé le plus classieux de Paradise, véritable tour de luxe pour résidences de haut standing. Alors qu’elles déambulaient toutes les deux dans les couloirs Caitlyn expliquait.

- Ca coute une blinde ici mais j’ai un loyer « correct », une sorte de tarif à vie pour « service rendu à la Patrie » pas pour le Big Day, mais pour être responsable à 80 % de la Constitution de New Heaven…Tu sais, tous les anciens combattants ont une pension payé par l’ONU en remerciement « pour sacrifice pour l’humanité face à un péril majeur » mais elle n’arriverait même pas à couvrir un loyer ici…et pourtant c’est qu’un 80 m2…Aislinn n’habite plus avec nous, sa chambre sert de chambre d’ami…Ariella a emménagé y’a 7 mois…Jade y vit aussi….Elles avaient un appart’ d’étudiant…mais depuis les menaces qui planent sur elle, je l’ai obligé à revenir ici…Je ne suis pas une mère exemplaire mais j’essaye de ramener assez de thunes pour les garder en sécurité…on n’est pas « de la haute » mais on ne manque de rien…c’est rare à New Heaven…Je n’ai jamais chercher à m’enrichir…on vit bien, oui, mais pas dans le  luxe à part cette adresse qui fait rêver. Je reverse la moitié de mes indemnités de conseillère d’Etat à des œuvres caritatives…des écoles…j’ai conscience qu’on est une famille « connue » de Paradise et ça m’attriste, je ne veux pas que les gosses…mes filles…souffrent de ma « notoriété » mais c’est parfois inévitable…Tu m’as dit que tu vivais près du Outer ? C’est la zone là-bas….laisse-moi au moins te trouver un truc dans le inner, ok ?

Elle ouvrit en posant la paume de sa main la porte donnant sur le couloir de l’appartement, qui donnait sur le living, un espace moderne baigné de lumière et d’une propreté presque immaculée ou trônaient fauteuils et sofas. Caitlyn posa sa veste en lambeau dans un coin et se dirigea vers l’immense frigo de la cuisine ouverte tout en parlant.

- Poses toi où tu veux...Pas de conclusions hâtives, j’suis toujours autant bordelique….mais Jade est du genre hyper maniaque… c’est…disons maladif chez elle. On s’est habitué à changer nos habitudes, pour qu’elle se sente mieux…Il n’est pas encore 13 h…elles sont encore à la Fac à cette heure, tu les verras ce soir…Tu veux quoi ? Pizzas ? pain de viande ? De tout ? J’ai rien de frais hein…tu sais la bouffe et moi….

- C’est quoi tous ces tatouages ? T’as décidé de te déguiser en grotte de Lascaux ou quoi ?  Un c’est mignon, plusieurs c’est juste too much….t’as jamais eu le sens de la mesure, texanne…

La remarque me fit afficher une mine amusée, alors que la mini-rousse répondait :

- Ben moi j’aime bien, c’est sexy des tatouages et tu dis ça parce que sur toi ils ne « marquent » pas à cause du phasing….
- Ouais ben occupe-toi de ceux de ta copine, l’es tatouée Maeve ? rétorqua alors la mère supérieure.
- Non…mais ça viendra….j’ai demandé à Ari de voir pour un modèle….comme Jade l’a fait…

Donc, le modèle réduit aimait bien les tatouages. C’était marrant de voir à quel point elle pouvait être aussi similaire et éloignée de sa mère à la fois.

- J’les ai faits faire quand j’étais… je fis alors un geste du doigt près de la tempe, pour dire « dingue ». J’sais pas pourquoi j’les ai faits faire. Y m’plaisent donc ça m’dérange pas, mais faut pas m’demander quel est l’sens ou un truc du genre.

J’avais toujours voulu m’en faire faire mais ne l’avais jamais fait par timidité. Peut-être que la drogue du symbiote m’avait permis de me « détendre » suffisamment pour le faire ? Ou peut-être que ça avait été une sorte de manière bizarre de me rattacher à la personne que j’étais avant d’être noyée dans les stimulants chimiques, en m’imprimant dans la peau ce que je voulais faire auparavant ? Va savoir. J’étais pas très douée en psycho, surtout en matière d’auto-analyse et diagnostic. Les seules notions que j’avais étaient très fragmentaires donc j’aurais été bien incapable de déterminer les raisons profondes et subconscientes m’ayant poussée à faire ça…

Cait’ alla alors s’assurer que Miranda réalise qu’on était parties, lui criant qu’elle tenterait de penser à « ses friandises ». Tiens donc ? Des friandises ? Il allait falloir que je me renseigne. Gagner des points avec la scientifique un peu déglinguée pourrait m’être utile, puis elle avait l’air cool. Un peu bizarre, mais cool. Bon, je devais bien l’avouer, j’aimais le bizarre en fait. Les personnalités étranges avaient parfois tendance à moins s’intéresser aux conventions et celles-ci m’ennuyaient profondément, en règle générale. Avec elles, il était souvent plus facile de parler de façon directe et claire sans devoir s’ennuyer avec des subtilités sociales qui s’enchevêtraient de manière complexe voire arcanique. Je fus par contre interrompue dans mon appréciation de la discussion que Fuzzy avec avec la schtroumpfette, par Aislinn qui voulait mon numéro de portable.

Je sortis donc le mien, lui donnant et prenant le sien. Hop, affaire classée. Elle me signala qu’elle ne dormait presque jamais à cause de son pouvoir (ha bon ? Intéressant. Cela dit, j’ignorais ce qu’elle pouvait faire à part des portails), que je pouvais l’appeler n’importe quand tant que c’était pas 15 fois par jour, avant de signaler qu’elle m’avait « ancrée » pendant que je me rhabillais. Ha bon. Tiens donc ? Je haussai un sourcil, me demandant ce que ça voulait dire, cette histoire d’ancrage… Je n’eus pas l’occasion, par contre, car il était temps de partir : Cait’ haussa un peu le ton en mode « hého y’a quelqu’un ? » et sa gamine lui tira alors la langue, ce qui me fit encore sourire en coin. Décidément… Elles étaient pas tristes, les deux. J’osais pas imaginer ce que donneraient les deux autres – quoique n’étant pas les filles biologiques de Wonder Beaver, il était possible que ça ne soit pas du tout pareil. Etonnement, certains traits de caractère et intellectuels étaient partiellement hérités génétiquement. Des tests avaient été faits dans les années 90 et 2000 sur des enfants naturels et adoptés, ils avaient testé des gamins venant de familles très calmes, adoptés par des familles un peu hyperactives, et inversement, des gamins venant de familles nerveuses dans des familles très calmes… Et les gamins héritaient en général du caractère de leurs parents biologiques. Voilà pourquoi j’aimais ce domaine, c’était aussi complexe que délirant… Enfin, pour l’instant, l’heure était au retour à la maison. Euh… à la maison de Caitlyn plutôt.

Hop, mini-rousse s’engagea dans le portail mais avant que je ne puisse le faire, la mère des couvées m’arrêta vite fait, indiquant qu’il n’y avait pas intérêt à ce que je touche à son modèle réduit. Je haussai les épaules avec un grand sourire amusé, levant alors la main dans un geste du genre « bah laisse tomber ».

- T’en fais pas, j’compte pas toucher, promis. C’est juste… un réflexe conditionné ! J’ajoutai rapidement, d’une voix plus basse et avec un sourire plus triste : ‘toutes façons chuis trop vieille et endommagée pour ces conneries maint’nant.

Et hop, en quelques pas, nous nous retrouvâmes de nouveau à New Heaven. C’était quand même super pratique comme mode de transport, il allait falloir que je me renseigne à ce sujet… Cela dit, ça ressemblait à une sorte d’altération de la physique. Mon symbiote ne savait pas trop faire ce genre de choses, je doutais donc fort qu’il parvienne à évoluer dans ce sens-là. Dommage. C’était quand même SUPER PRATIQUE. Puis paie tes économies d’essence !
Du coup, après quelques mots et un « à plus ! », la Caitlyn 2.0 nous quitta devant le bâtiment qui était… assez imposant, en fait. Le Gold Lift, j’avais jamais mis les pieds ici… Cela dit, j’avais jamais eu de job dans Paradise-même, je l’avais donc juste vu de loin. Pendant que nous nous dirigions vers l’appartement de la rousse, celle-ci m’expliqua un peu vite fait comment elle s’était retrouvée ici.

- Ça coute une blinde ici mais j’ai un loyer « correct », une sorte de tarif à vie pour « service rendu à la Patrie »
- Classe…

Elle enchaina un peu, m’expliquant que la pension de l’ONU était un peu pourrie sur les bords, qu’Aislinn n’habitait plus ici (logique si elle voulait être tranquille avec sa copine), qu’Ariella avait emménagé ici récemment, tout comme Jade, vu qu’avec les menaces qui planaient il était préférable de ne pas les laisser seules dans un appart’ étudiant assez peu surveillé. Logique… Autant Aislinn me semblait plutôt débrouillarde et en mesure d’échapper à un connard, autant j’ignorais tout des deux autres. Sage ne m’avait pas donné beaucoup de précisions et je ne les avais pas encore rencontrées. Quelque part, l’idée me faisait un peu flipper. Autant ça s’était super bien passé avec mini-rousse, autant les autres pourraient être très différentes – si le courant passait mal, ça serait un peu craignos. Enfin… On verrait bien.

Son excellence Oldfield (ouais, nan, désolée, mais son nom de famille me faisait un peu penser à une sorte de nom de lignée noble, je sais pas pourquoi) précisa alors qu’ils ne vivaient pas dans le grand luxe mais qu’ils avaient ce qu’il fallait, et qu’elle reversait un gros bout de son salaire à diverses œuvres caritatives en tous genres. Héé ben, ça rigole pas. Elle finit en disant qu’être une famille connue de Paradise ne lui plaisait pas plus que ça mais qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Je me contentai de hausser les épaules négligemment. Vu son rôle majeur dans la construction de la ville, il était assez logique qu’elle ait une certaine notoriété. Je ne prétendis pas comprendre, car je ne pouvais pas – ce genre de chose ne m’était jamais arrivée et ne m’arriverait (heureusement) jamais.

- Tu m’as dit que tu vivais près du Outer ? demanda-t-elle alors.
- Ouais, Hell Door.
- C’est la zone là-bas….laisse-moi au moins te trouver un truc dans le inner, ok ?
- Bah… Je grimaçai un peu, semblant hésitante. L’souci c’est pas tellement d’trouver, c’est qu’j’ai pas d’visa valide pour vivre dans l’Inner… Puis même si j’trouvais un endroit, j’pourrais pas l’payer. Faudra qu’je voie quand j’aurai trouvé quequ’chose d’un peu stable et correct… Tu dis qu’tu paies pas cher mais j’crois qu’tu t’rends pas compte, même si tu paies qu’un tiers du loyer, ça reste sûrement un truc comme 7 ou 8 fois l’salaire mensuel moyen de l’Outer. Bon, si je disais non elle allait mal le prendre par contre. Faut que j’réfléchisse à c’que je veux et peux faire, avant… Après, une fois qu’j’ai trouvé le concept, si t’as des pistes j’serai preneuse.

Quelque part, c’était bien que je me sois forcée à accepter de l’aide « pour faire plaisir à Cait’ », parce qu’en réalité, il fallait que je me force à accepter de l’aide en règle générale. J’avais encore ce réflexe de vouloir me démerder toute seule pour tout et c’était hautement contre-productif. D’après toutes les publications que j’avais pu lire sur les syndromes post-traumatiques et les syndromes de sevrage, le fait de rester accompagnée, ne pas s’isoler, était important. Du coup, même si au départ j’avais dit « ok » pour ne pas offenser la rousse, au final, le fait d’avoir dit oui me serait bénéfique sur le long terme, à tous les points de vue. Bon, par contre… Mes réflexions furent interrompues par l’appartement. C’était… rangé. C’était 100% clean quoi !

- … oh put-
- Pas de conclusions hâtives, j’suis toujours autant bordelique….mais Jade est du genre hyper maniaque… c’est…disons maladif chez elle.
- Houfff, oook j’comprends mieux ! avec un grand soupir de soulagement.

Lorsqu’elle me proposa finalement à bouffer, je réalisai soudainement le fait que j’avais la dalle méchant. Le fait de voyager dans l’espace-temps intersidéral d’Aislinn (… pas terrible, la formulation), la discussion avec Cait’, tout ça m’avait fait oublier ce petit détail.

- Ben… J’ai craché l’équivalent d’un foie, donc… M’faut des glucides, du zinc, du fer, de la vitamine A, C et E, du calcium… Pas mal de protéines… Je m’interrompis alors, réalisant que ça ne devait pas l’aider des masses. Euh, pizza et pain d’viande ça ira nickel merci. Et si c’est pas abuser, si t’as du lait qui traîne…

La laissant faire – parce que c’était pas très poli d’aller fouiller dans le frigo des gens à peine arrivée – j’observai un peu les alentours avec une mine pensive. Et si je ne m’étais pas échappée…? Aurais-je participé au Big Day ? Aurais-je participé à la construction de New Heaven ? Tout aurait pu être très différent. Ou j’aurais pu être très morte, en fait… Je soupirai, avant de tourner un peu en rond et finir par lâcher :

- À ton avis, j’devrais accepter l’offre de Sage ? J’ajoutai rapidement :  ’fin c’est pas à toi d’décider pour moi je sais, c’est juste… j’sais pas. J’manque d’infos. Puis… Y’a plein d’trucs que j’aimerais faire, en fait. J’ai envie d’jouer d’la musique… D’enseigner… T’sais que j’ai réfléchi à des dizaines de cours pour les jeunots d’la X-Force ? J’ai envie aussi…

Là, on entrait dans un autre souci.

- D’nettoyer l’Outer, mais… J’sais que si j’me lance là-d’dans, je prends l’risque de tomber sur plus fort que moi… Et donc que l’symbiote panique et m’envoie une dose de stimulants. J’suis pas sûre de vraiment vouloir prendre le risque.

À ton avis, j’devrais accepter l’offre de Sage ? J’ajoutai rapidement : ’fin c’est pas à toi d’décider pour moi je sais, c’est juste… j’sais pas. J’manque d’infos. Puis… Y’a plein d’trucs que j’aimerais faire, en fait. J’ai envie d’jouer d’la musique… D’enseigner… T’sais que j’ai réfléchi à des dizaines de cours pour les jeunots d’la X-Force ? J’ai envie aussi…D’nettoyer l’Outer, mais… J’sais que si j’me lance là-d’dans, je prends l’risque de tomber sur plus fort que moi… Et donc que l’symbiote panique et m’envoie une dose de stimulants. J’suis pas sûre de vraiment vouloir prendre le risque.

Tout en fouillant dans placards et frigo, les bras chargé de victuailles, Caitlyn se laissa aller à un rire sarcastique.

- Nettoyer le Outer ? Rien qu’ça ? Et réussir là où toute le X center s’est cassé les dents et la police a lâché l’affaire ? Qu’est-ce que t’as pas percuté dans « le temps des héros est terminé » ? Tu devrais soumettre l’idée à Storm, ça la fera rire moyen….Je crois que tu n’as pas la moindre idée de ce qu’est cette ville et de ce qu’elle est devenue en dix ans….concentrer la quasi-totalité des mutants au même lieu dans un espace confiné, qu’est-ce que ça pouvait donné à ton avis ? Plus sérieusement Kaya, te mêle pas de ça, le Outer a ses propres règles et son influence agit même sur Paradise, sur la politique, sur les lois que je rédige…New Heaven n’est qu’une poudrière qui se tient grâce à des compromis et des concessions…Les Grandes Familles se partagent le Outer et nous travaillons de concert avec elles pour garder la cohésion de cette ville, oui tu as bien entendu JE travaille avec des ordures, sans quoi toute cette ville volerait en éclats. Les Familles tiennent le Outer, nous l’avons concédés car elles y font respecter un équilibre et la sécurité, c’est moche, ouais…c’est loin du rêve de Xavier mais c’était la seule solution pour éviter l’explosion…Les Nymphes…tu sais ce que c’est ? Paradise a un prix, Kaya, le prix a payé c’est de sacrifier une partie de cette ville, ça me révolte mais c’est ça…où les camps. Kaya, le monde des bisounours est terminé…nous avons des ennemis…ici et à l’extérieur, crois-moi, la haine anti mutante est toujours d’actualité…les Etats unis…l’Europe…se sont des faux culs de première, je ne parle même pas de la Russie ou de la Chine encore moins de l’Australie ou les mutants sont toujours chassés et emprisonnés…Cet endroit et tous ses vices, mon chou….c’est tout ce qu’il nous reste. On a essayé de juguler le plus gros avec le système des Nymphes…on a pu obtenir des zones sécurisées comme Paradise et une partie du Inner mais…y’a tellement de gens…on est débordé..

Elle dépose deux briques de lait su la petite table basse ainsi qu’une grande choppe à bière, puis ramène une grande assiette de pain de viande et s’installe dans le sofa tout en retirant d’une talonnade ses escarpins afin d’avoir les pieds nus. Elle s’installe et soupire de bien-être.

- Manges…les Pizzas chauffent…

Son regard semble absent un instant, puis elle murmure presque.

- L’offre de Sage….j’sais pas. J’ai peur qu’elle ne t’utilise que comme une arme…Personne ne connait l’identité des Gardes Rouges, ni ce qu’ils peuvent bien foutre….Ororo…peut-être.
Le X center ? Tu y seras accueilli les bras ouverts, tu y connais déjà beaucoup de monde…Pixie, Armor et même cette peau de vache de Karma, tous ceux qui furent élèves comme toi et que tu as côtoyé…ils y sont instructeurs à présent, ils forment les jeunes agents…Je crois que c’est Armor et Rictor qui gèrent la section « contact » des combattants….Wolverine aurait été le must…mais il n’est jamais revenu après le Big Day, après ce qu’on a traversé cote à cote…ce jour-là. Calie aurait été parfaite aussi…oui…parfaite. (un long soupire)
La musique….oui…il me semble que tu étais capable de retenir, d’assimiler et de reproduire…tu te souviens que je jouais de la guitare, j’étais excellente en plus. Je n’ai plus jamais joué depuis…depuis le Big Day....tout ça....c'est...c'est mort.... C’est Dazzler qui gère les arts et spectacle de la ville, je peux peut être voir avec elle si on peut te décrocher un p’tit job dans le domaine. Elle aussi elle a morflé, elle est restée dans un fauteuil de nombreuses années, sa moelle épinière touchée…elle marche à nouveau avec une canne et elle s’est relancé dans la musique, les X men…tout ça…c’est du passé…. Trop de choses se sont passées Kaya....pour tout le monde.

La rousse ne semblait pas convaincue que je sois en mesure de NETTOYER LA CORRUPTION À GOTHAM ! Bon, ok c'était un peu dramatique. Mais le fait était qu'elle semblait avoir quelques légers doutes vis-à-vis de cette entreprise ambitieuse. Visiblement, l'influence des groupes criminels était bien plus étendue que juste l'Outer et "chacun dans son petit quartier", même Cait' devait faire des compromis face à eux. Merde, en fait on était VRAIMENT à Gotham en fait ! Elle enchaîna en parlant de la haine anti-mutants qui était encore très étendue au travers du monde, y compris des Etats-Unis malgré les lois officielles. Ouais... ça, je l'avais vu et pas qu'un peu. En fait, l'après Ultimate était très proche de l'avant Ultimate, les camps en moins. La majorité des mutants se cachaient et ceux qui se faisaient voir étaient ostracisés, de manière active ou passive. Néanmoins, je ne voyais pas trop en quoi la situation actuelle de New Heaven était une énorme amélioration : une partie immense de la population payait le prix du confort des habitants de Paradise. En quoi était-ce mieux que les ultra riches vivant dans les quartiers de luxe et le reste dans les vieilles zones délabrée de la région New-Yorkaise ? Mais le problème était vaste, je le savais, maintenant. A une époque je serais partie dans une grande croisade à cause de constat. Maintenant... Je faisais ce constat mais je réfléchissais aussi aux détails. Et... aussi difficile que ça soit à admettre, Cait' avait raison. Il faudrait un changement immense, radical dans la nature même de l'humanité, pour que ce paradigme ne change.

- Je sais, t'en fais pas, répondis-je avec une mine un peu déprimée. J'sais bien que j'peux rien y faire et qu'tenter d'mettre les mains dans l'cambouis risqu'rait de fout'plus la merde qu'aut'chose. Soupirant longuement, je repris d'une voix plus basse. J'ai fini par m'en rend'compte. J'me suis ret'nue combien d'fois, d'embrocher un d'ces p'tits cons qui rackette les commerces ou un truc du genre... Et chaque fois, je me détestais un peu plus, d'ailleurs... mais c'était un autre problème.

Lorsqu'elle revint avec le lait et le pain de viande, j'ouvris grand les yeux, d'un seul coup, avant d'ouvrir l'une des deux et me l'envoyer en presque intégralité en quelques secondes à peine. Je m'en étais aussi mise un peu de partout mais tant pis, je crevais trop la dalle. J'enchaînai d'ailleurs sur le pain de viande, de manière un brin agressive, sans en proposer à la rousse - je savais que ce n'était pas vraiment une nécessité pour elle. Je ne finis par m'arrêter quelques secondes pour laisser entendre un immense soupir de soulagement, alors que mon corps comprenait qu'il allait enfin pouvoir récupérer un peu d'énergie... Les stimulants avaient énormément de défauts mais ils avaient au moins un énorme avantage : en mettant mon corps et mes pouvoirs en mode "surcharge", chaque parcelle d'énergie était utilisée à 100%. Je pouvais envoyer des douzaines de volées de pointes, cracher du symbiote deux fois et me battre pendant 1 heure sans avoir de soucis. En revanche, sans ce boost chimique... J'avais moins d'endurance, c'était clair et net. Et je me retrouvais donc à piller le garde-manger de Cait'.

Celle-ci parlait d'ailleurs de l'offre de Sage et elle semblait... circonspecte, au mieux. Celle-ci pourrait m'utiliser comme une arme, selon Fuzzy. Moui... Elle devait quand même avoir mieux sous la main. Plus dangereux, plus vicieux... Si elle voulait me recruter c'était probablement pour une autre raison mais restait à savoir laquelle et... Hélas je ne pourrais pas le savoir sans approfondir. Quelque chose me disait que je risquais de danser sur une lame de rasoir en me lançant là-dedans et que c'était peut-être bien trop tôt. Il allait falloir que je discute avec Ororo en premier lieu.
Le sujet passa ensuite sur le X-Center, où manifestement je connaissais du monde : Pixie, Armor et Karma. Merde alors ! La mention de leurs noms me fit afficher un petit sourire nostalgique. La mention de Calie fit toutefois disparaître celui-ci. Visiblement ils avaient ce qu'il fallait en instructeurs, en tout cas... Et j'étais loin d'être au niveau de Wolverine ou de Calie. Bvuais. C'était une idée stupide de toutes façons... Autant me rabattre sur autre chose.
Et justement, alors que je continuais de me goinfrer, Wonder Beaver évoqua Dazzler. Pareil, c'était un surnom que je n'avais pas entendu depuis... ce qui semblait être une éternité. D'après Cait', elle aussi avait sévèrement ramassé et pouvait - un peu - marcher avec une canne. Sa conclusion me fit arrêter de m'empiffrer et, encore une fois, soupirer longuement. J'étais en fait...

- J'suis la seule à en être sortie intacte du coup... J'ai l'impression d'êt', chais pas... Une... imposture, une planquée... J'aurais dû êt'là... J'aurais pu... à l'époque j'pouvais pas proj'ter de pointes ou du symbiote pour infester mais j'encaissais déjà... J'aurais pu... Je me mis à parler de plus en plus vite. J'aurais pu encaisser les coups, j'sais pas, dévier, tanker, peu importe, j'aurais pu êt'devant Dazzler au lieu d'êt'dissimulée dans c'putain d'parc national, j'aurais pu prend'les tartes à la place de Calie, j'aurais p... J'aurais pas PU, putain, j'aurais DÛ !

Je me rendis subitement compte de plusieurs choses. D'abord je respirais à 200 à l'heure, et ensuite j'étais crispée comme pas permis. Le symbiote s'agitait, prêt à se déployer. Je pris donc plusieurs grandes respirations, suivant les conseils que j'avais lu dans les bouquins sur les PTSD. Respirer lentement, de façon régulière, penser à quelque chose de positif et rassurant. Ce petit resto Chinois dans les sous-sols de Manhattan, qui ne ressemblait à rien mais servait les meilleurs Liang Pi de la ville et où j'allais souvent avec des amis, le week-end. L'odeur de légumes et de friture, l'huile pimentée, le mélange d'anglais et de mandarin qui résonnait dans le hall alors que tout le monde parlait bien trop fort, les bruits de cuisine en permanence, les discussions stupides que j'avais avec les autres élèves de l'Institut... D'ailleurs que leur était-il arrivé ? Je finis par rouvrir les yeux, demandant alors à Caitlyn :

- Qui d'autre a survécu ? Laura ? Kaede ? Enora ? Icare ? ...

- J'suis la seule à en être sortie intacte du coup... J'ai l'impression d'êt', chais pas... Une... imposture, une planquée... J'aurais dû êt'là... J'aurais pu... à l'époque j'pouvais pas proj'ter de pointes ou du symbiote pour infester mais j'encaissais déjà... J'aurais pu... J'aurais pu encaisser les coups, j'sais pas, dévier, tanker, peu importe, j'aurais pu êt'devant Dazzler au lieu d'êt'dissimulée dans c'putain d'parc national, j'aurais pu prend'les tartes à la place de Calie, j'aurais p... J'aurais pas PU, putain, j'aurais DÛ !
Qui d'autre a survécu ? Laura ? Kaede ? Enora ? Icare ? ...

Elle soutient son regard avec une gravité qui trahit cette fois ci son âge réel, son immobilisme face à l’emportement de la jeune mutante contraste curieusement avec son éclat de voix. De toute évidence, l’irlandaise est en proie à une sorte d’amertume qu’elle ne veut pas partager pour l’instant, elle se décide finalement à baisser les yeux avec une expression douloureuse avant de répondre sur une sorte de ton neutre et décalé.

- Je ne tiens plus les comptes….j’ignore ce qu’il est advenu de Laura et Icare, je crois qu’il a survécu…La petite Kaede est morte dans un camp, dans le Mississippi. Enora a essayé d’aider durant le Big Day mais comme Toy, ses compétences l’ont destiné à la protection des civils. Elle n’a pas été au contact, elle est ici à New Heaven, elle a pris la succession de Hopes et de son entreprise anglaise, c’est une secrétaire d’Etat à l’économie, elle travaille dans le ministère de Cassidy…

Elle finit par se lever avec un profond soupir pour sortir du four de la cuisine ouverte en open space deux larges pizzas qu’elle ramène vers le salon. Elle dispose les mets sur la petite table, passant derrière Kaya puis une fois posé elle s’immobilise derrière elle et passe ses bras autour de son cou pour poser son visage près de celui de la mutante en une sorte d’étreinte affectueuse. Elle dépose un baiser d’une grande tendresse sur sa joue avant de reprendre d’une voix maternante mais pleine de lassitude.

- Tu aurais pu et tu aurais dû être là, oui c’est probable….mais tu n’aurais pu rien faire de plus que ce qui s’est produit, tu serais morte comme les autres…pour…pour juste gagner du temps. Colossus, Malicia, ma Calie….sont juste morts pour quelques secondes, pas pour sauver ou protéger qui que ce soit. Tu n’aurais rien pu faire, Kaya…inutile de te torturer là-dessus ou de se mentir, PERSONNE n’a rien pu faire. Ultimate…nous n’avions jamais vu un truc pareil, ce n’était pas….humain….tu comprends ? Ce n’était pas un putain de Badass à la con…c’était vraiment la puissance absolue sans contrôle. Je l’ai croisé deux fois….la première fois, il m’a vaporisé…j’ai dû me disperser… je ne dois ma survie qu’à ça, je n’ai même pas réussi à l’approcher à moins de deux mètres, Kaya, moins de deux mètres ! Calie, elle l’a frappé…une fois….elle a mis deux semaines à régénérer de ses blessures ensuite…deux semaines ! De la folie, tu entends ? de la pure folie….De tous les mutants de la première ligne lors du Big Day, ceux qui devaient juste « gagner du temps », seuls deux ont survécus, Wolverine qui ressemblait à une sorte de bouillie humaine et moi….tu sais comment ? Parce qu’avec Calie on a tenté de jouer notre atout, nous avons trouvé le moyen de fusionner, je pouvais fusionner son corps et booster ses capacités de berserk…on a développé cette technique sur le tard, on en n’était encore a essayé de comprendre ce qu’une telle symbiose pouvait impliquer pour nous, Moira en était perplexe….on a tout de même essayé ce jour-là. Calie n’aurait pas reculé, elle ne voulait pas renoncer, c’était une cogneuse comme toi : elle voulait, elle devait….comme tu dis et pourtant elle savait….que…que c’était perdu d’avance. J’ai pensé que…j’sais pas, avec la fusion, je pouvais la protéger, améliorer toutes ses capacités par pour gagner, nonononononon…juste pour…pour survivre….Notre combat contre Ultimate, je veux dire, le « notre » à Calie, lui et moi…a duré moins de deux minutes et pourtant je n’ai jamais vu Calie a un tel niveau….Il l’a….il l’a….déchiqueté…broyé…et je…je l’ai senti mourir, j’ai expérimenté la mort en elle…tu vois….complètement impuissante…j’ai senti la vie l’abandonner….la quitter….et je n’ai RIEN pu faire. RIEN de RIEN…..C’est Calie qui dans un dernier sursaut m’a expulsé de son corps, m’a forcé à quitter le combat et m’a éjecté à plus de 800 mètres de là….seule et traumatisée, jusqu’à ce que…je…j’entende la petite Jade m’appeler à l’aide….sous ses décombres. Une chose est sure Kaya, si je n’avais pas trouvé Jade, je ne serai plus là. Je suis morte ce jour-là….avec les autres, avec Calie. Je ne reste en vie que pour mes filles, le reste….tout est mort….Alors oui….tu aurais pu et tu aurais dû…c’est vrai…mais tu serais morte là-bas pour rien…pour rien du tout, parce que c’était du suicide. Toy avait raison, c’était juste….un putain de suicide….
Reste en vie mon chou…apprends aux jeunes…à ne pas faire nos erreurs, tu veux bien ? C’est ta vraie place Kaya….guide les à préparer un avenir qu’on a sacrifié pour rien…nous autre.

Un long soupire comme un gémissement et elle l’enserre d’avantage avant de déposer un nouveau baiser sur sa joue.

- Je t’aime petite idiote….j’suis si heureuse que tu aies survécu….si seulement tu pouvais comprendre que tu vaux bien mieux que ce que tu penses de toi…bien mieux que des « si j’aurais pu, j’aurais dû »… Reprends des forces…il faut vivre.

Elle l’abandonne essuyant discrètement ses larmes d’un revers de la main avant de se réinstaller face à elle dans un demi sourire chargé de tristesse.

Laura et Icare, disparus. Dommage... On ne s'était pas connues longtemps avec Laura mais sa tendance aiguë au je m'en branlisme m'avait beaucoup plu. Icare, pareil. Il m'avait beaucoup accompagnée dans des moments vraiment difficiles... Kaede, morte. La nouvelle me causa un vrai pincement au coeur et me fit tirer une expression déprimée... Elle n'avait rien mérité de ce qu'il lui était arrivé. Ses parents lui avaient fait du mal, ses proches aussi, son pouvoir lui avait fait du mal, des scientifiques dingues lui avaient fait du mal, et finalement les camps l'avaient tuée... Alors qu'en soi elle n'avait jamais rien fait pour mériter tout ça. Enora, par contre, était vivante. Je la connaissais relativement peu, elle aussi : on avait eu quelques classes en commun, on avait mangé ensemble plusieurs fois avec d'autres résidents de l'Institut et discuté 5 ou 6 fois mais on n'était pas vraiment ultra proches. Elle ne venait pas me parler de ses soucis de cœur et moi non plus, en gros. Néanmoins, le fait qu'elle ait repris les rênes de l'entreprise de Hopes était intéressant. Du high tech, non ? Peut-être devrais-je tenter de reprendre contact avec elle. Qui sait, ce serait une occasion d'utiliser mon diplôme en biologie moléculaire d'une façon différente : dans la recherche ? Je savais que l'idée de me voir en blouse blanche en train de bricoler des trucs dans des boîtes de pétri pouvait paraître plutôt drôle voire grotesque mais en soi, la recherche m'avait toujours fascinée. Ce pourrait être une occasion de faire quelque chose d'utile et de stimulant à la fois ?

Dans l'immédiat, quelque chose de plus intéressant arrivait : les pizzas. Je m'empressai d'attraper une part, me brûlant au passage et laissant entendre un "t'ain, ta mère suce des ours quoi !" comme si c'était de la faute de la pizza. Il allait falloir attendre un peu... Fuzzy profita de l'occasion pour m'enlacer, me disant que j'avait été là, je serais morte. Et ce qu'elle me raconta sur Ultimate me fit vite comprendre que même mes capacités ACTUELLES n'auraient pas été suffisantes pour pouvoir faire une différence. Il avait bousillé COLOSSUS. Ce mec... Là maintenant, tout de suite, je pouvais résister à un tir de roquette, à un lance-flammes, je pouvais planter mes ailes dans un bloc d'alimentation électrique pour "charger" mes électrocytes. Colossus ? Il était encore 50 fois plus résistant que ça, le mec pouvait se manger un porte-avions dans la gueule et s'en sortir sans une égratignure. Malgré ça, il avait été écrasé net... Cait' n'avait pas pu approcher à moins de 2 mètres et Calie - qui régénérait pas mal - avait mis DEUX SEMAINES à se remettre d'un coup qu'ELLE avait porté. Wolverine avait fini en gros tas sanguinolent, et évidemment... Calie... Je savais qu'Ultimate l'avait massacrée mais j'ignorais que Cait' était "fusionnée" avec elle à ce moment-là. La nouvelle me fit tirer une tronche de 100 pieds de long. Je n'osais même pas imaginer l'horreur que ça avait pu être... Sentir la personne qu'on aime mourir en direct, comme si c'était soi-même ? Je comprenais mieux ce que Sage m'avait dit, concernant le fait que la rousse ait un peu "perdu pied". Il y avait de quoi...

Je hochai donc la tête avec un air grave quand elle me dit que ma place était de préparer l'avenir... Et paradoxalement, je luttais contre une sensation familière, comme... une sorte de chatouillement qui me glissait sous la peau. Je ressentais comme une sorte de... d'excitation ? Un peu cette sensation que vous avez, quand à la fin d'un film le gentil reprend ses forces et pète la gueule du méchant et vous vous dites "HAHA ! Le voilà bien niqué !". Pareil. Cette sensation dans la poitrine comme un serrement mais agréable... Quand elle me lâcha avant de s'installer devant moi, je luttais pour reprendre le contrôle de mes émotions, clignant des yeux et me frottant le visage plus que nécessaire.

- ... désolée. Je sais qu'ça aurait été du suicide, dis-je d'une voix un peu tremblante. Et qu'si Ultimate redébarquait y faudrait fout'le camp au lieu d'jouer à la maline. Mais après c'que tu viens d'me dire... C'est atroce c'que tu viens d'me dire... Pour Calie, pour c'dont est capable c't'espèce d'aberration. Et c'est... c'est pour ça que j'peux rien enseigner à personne. Tu sais qu'ressent le symbiote, là ?

J'eus un petit rire nerveux avant de regarder Cait'.

- Il est... Surexcité. Fébrile. Il veut voir ça, il veut voir ces capacités, y veut les analyser, les conceptualiser, goûter à c't'ADN surpuissant... Et à cause de ça, JE suis surexcitée. Parce que tu vois, y comprend pas l'concept de suicide, y pige pas que ce s'rait con, y comprend rien dès qu'c'est complexe... Ma voix monta en volume progressivement alors que je continuai d'une voix exaspérée et irritée : Si Ultimate débarquait j'pourrais PAS m'empêcher d'courir aller l'voir, je pourrais pas m'contrôler parce que ce PUTAIN de parasite me POURRIT LE CERVEAU ! finis-je par crier, avant de secouer la tête, blasée. J'suis loin d'êt'un exemple pour la jeunesse, encore moins un guide...

Je soupirai longuement, roulant la moitié de la pizza et en engloutissant un bon tiers.

- J'suis désolée... J'suis pas si intacte que ça au fond... Et désolée pour toi aussi. J'ose même pas imaginer c'que ça peut être de... sentir quelqu'un qu'on aime en train d'mourir comme ça. Voir autant d'monde se faire massacrer comme ça.

Remontant mon regard vers elle, je demandai alors :

- T'as réussi à... chais pas... te refaire des amis, une vie sociale vaguement normale ? Fréquenter quelqu'un ? J'veux dire, sérieusement, pas juste comme ça. Sage m'a parlé d'histoires avec des dames à tarif variable, j'parle pas vraiment d'ça - enfin sauf si tu veux en parler.

Je demandais pour deux raisons. D'abord pour savoir si elle avait réussi et ensuite pour savoir si je pourrais réussir.

- T'as réussi à... chais pas... te refaire des amis, une vie sociale vaguement normale ? Fréquenter quelqu'un ? J'veux dire, sérieusement, pas juste comme ça. Sage m'a parlé d'histoires avec des dames à tarif variable, j'parle pas vraiment d'ça - enfin sauf si tu veux en parler.


Elle n’en sortirait pas. C’est à cela que je pensais avant qu’elle ne pose sa question. Sa brève explosion était d’une sincérité douloureuse, elle luttait bien plus qu’avant contre son symbiote et celui-ci savait pertinemment qu’il aurait le dessus, tout comme Sage le savait, je comprenais mieux pourquoi elle avait décidé de faire appel à elle, pourquoi elle l’avait choisi pour la Garde Rouge. Cette saleté de Sage connaissait parfaitement les points de rupture de chacun d’entre nous et savait comment les utiliser : en offrant une quête de pouvoir effrénée au Symbiote, elle éliminait le facteur humain de Kaya pour en faire une marionnette docile et obéissante, une putain de Junkie à qui on offre sa dose….ce n’était pas plus compliqué que cela et Kaya sauterait dedans à pieds joints, comme à chaque fois. Kaya ne pouvait pas lutter contre cet ennemi intime, elle n’avait pas appris à le faire. C’est la dedans qu’elle devait se lancer à corps perdu, la dedans et rien d’autre, cela me paraissait évident à présent. J’allais lui faire part de ma conclusion sur le sujet lorsqu’elle attaqua un sujet on ne peut plus sensible pour moi. Personne jusqu’ici n’avait osé l’aborder avec autant de rentre dedans qu’elle. Elle avec sa délicatesse d’un putain de bulldozer, elle et son insupportable coté fouineuse qui me hérissait les poils sur les bras. De quoi se mêlait-elle ? Pourquoi devrais-je rendre des comptes ? En vertu de QUOI ? Au nom de QUI ? Je ne croyais plus en rien, ni en ces conneries de sorcelleries à la con, ni en ce foutu Christ placide et impuissant, cloué comme un papillon sous un cadre. Merde ! Allez tous vous faire foutre bon sang ! Mon expression en disait long sur la colère en mon esprit, mes lèvres pincées, mon regard plus électrique que jamais, même ma voix prenait un ton terriblement cassant.

- Ah oui ? Et bien elle t’en a dit des choses Sage….elle devrait plutôt apprendre à fermer sa putain de grande gueule….avant que quelqu’un de plus décidé lui apprenne à tenir sa langue…

J’inspirais avec contrariété avant de reprendre.

- Ce que JE fais avec qui JE le fais ne regarde que moi et certainement pas une….petite paumée surgie de nulle part…personne n’a le droit de me juger, tu entends ? PERSONNE. Tu ne sais rien de ce que je ressens….rien de pourquoi je fais ça….personne ne comprendrais que…que c’est elle que je cherche à travers ces filles…nos gestes…notre fusion…notre douleur….c’est pornographique, morbide, malsain….tout ce que vous voulez, ouais….mais c’est TOUT ce qu’il me reste d’elle…Putain, vous pouvez comprendre ça ? NE ME JUGEZ PAS BORDEL !!

J’avais hurlé la dernière phrase assez fortement pour m’en rendre compte. Je la regardais médusée, comme si pour la première fois je me rendais compte de mon emportement. J’avais un peu honte de m’être emportée comme cela contre elle, elle n’y pouvait rien, elle n’était pas moi et personne ne comprenait ce qu’il pouvait bien se passer dans ces moment d’intimité, ni jusqu’où ça pouvait aller avec ces filles entre caresses et violence, je voulais qu’elles me charcutent, qu’elles me fassent saigner autant que voulais les posséder, j’y laisserai ma peau un jour, je le savais bien. Mais c’était dans cet abandon que par moment, il me semblait retrouver un contact….une présence….une chaleur réconfortante et familière…Calie….ma Calie. Je ne faisais cela que pour elle, pour approcher une sensation familière, un souvenir : oui elle était dominatrice et j’étais clairement dominée mais nos jeux avaient toujours été softs, ils ne ressemblaient en rien à cette humiliation que je m’infligeais parfois. Il n’avait jamais question de fouets, de scalpels, d’étranglement…de toutes ces…ces merdes. Mon regard dévia et se perdit sur le tissu du tapis.

- Je…enfin…tu…excuses moi….j’ai besoin de ces filles….c’est tout. C’est parfois seulement en te perdant dans un autre que…que tu finis par te retrouver…un peu. Je ne sors pas trop….j’ai pas la tête à ça sauf quand j’ai…j’ai besoin de voir une fille, tu vois ? là j’ai des adresses, je ne vois jamais deux fois la même personne. Putain…j’sais même pas leurs noms….elles n’ont pas de visages…ça va loin Kaya…bien trop loin…Je…c’est tout.

Je soupire en m’adossant à nouveau au Sofa.

- Des fois j’vois Reiji….C’est ce qui se rapproche le plus de mon meilleur ami….c’est un mec dans les affaires, un requin violent et criminel…mais j’crois…oui j’crois qu’on se ressemble tous les deux….J’sais qu’il rêve de m’culbuter mais….je ne suis plus du tout intéressé par les mecs…vraiment plus. C’est pas possible entre nous…en plus son gamin…Sanzo…il va épouser Jade , c’est comme un fils pour moi, après toi je n’ai plus jamais voulu enseigner quoi que ce soit….sauf à lui….c’est un bon Agent X…et il a été si patient et gentil envers Jade….ils ont quasiment été élevé ensemble, tu vois. Reiji me sorts…j’aime passer du temps avec lui et Karl… mais sinon à part les Aoe, non, je ne vois personne d’autre….la vie a continué Kaya….chacun fait ce qu’il peut…tiens…il faudra qu’on réveille Toy, j’aimerai voir sa tête quand tu vas l’avoir en visio….ca va lui faire un choc…les amazones….

Je semble pensive, mon demi sourire s’estompant.

- Tu sais…personne…personne n’a jamais remplacé Calie….personne ne le fera….elle m’a abandonné ici, Paradise c’est mon enfer. Il …il m’arrivait de lui parler…de la voir…d’interagir avec elle…ça a commencé après Adrien, en Irlande…..après que j’ai dû tuer mon propre père pour récupérer Aislinn….les visions, les voix…l’impression de devenir cinglée….c’est là que j’ai commencé…avec les filles, tu vois.

Je me laisse aller à un rire sarcastique.

- Par le Sang du Christ, tu dois me prendre pour une barjot…

Ma question ne sembla pas lui plaire plus que ça. D’un autre côté, il y avait des façons plus délicates d’amener le sujet mais je ne sais pas… Je n’avais jamais vraiment fait dans le finaud, dans ce genre de cas, je préférais du coup amener les choses un bon coup histoire d’en parler et affaire classée. Bien entendu ça ne plaisait pas à tout le monde. Certains étaient très à cheval sur les convenances et l’étiquette sociale… Cait’ l’était moins que les autres mais un peu quand même. Elle afficha donc une tronche, euh… assez peu avenante, autant le dire, tout en disant que Sage ferait mieux de fermer sa gueule. Elle enchaîna en affirmant que c’était ses affaires, pas celles d’une petite paumée qui sortait de nulle part, et que personne n’avait le droit de la juger. Je dus fermer les yeux et faire au mieux pour contrôler ma respiration afin de ne pas me laisser aller… Je savais, consciemment, qu’elle était énervée mais ça ne changeait pas le fait que ce qu’elle disait était particulièrement dur. La partie pragmatique de mon cerveau me disait qu’elle était juste saoulée mais la partie émotionnelle – celle que je haïssais le plus d’ailleurs – me disait qu’en 10 ans tout avait changé, que je n’étais plus rien, et autres… Alors pourtant que tout prouvait le contraire : elle m’avait quand même invitée à crécher chez elle. Putain que je détestais ce bout de mon cerveau… Fuzzy continua en déclarant que c’était peut-être malsain mais qu’au final, cria-t-elle, personne n’avait le droit de la juger.

La rousse finit par faire une pause. Pour ma part, je restai là, assise en tailleur, les yeux fermés, tentant de garder une respiration lente et calme. Utiliser ce que m’avait appris Jub’. Laisser les pensées filer sans les attraper. Je restai ainsi quelques secondes mais cet état fut interrompu quand Cait’ reprit, s’excusant et affirmant qu’elle avait besoin de ça, de ces relations d’un soir sans lendemain, de se « retrouver » de cette manière. Je rouvris alors les yeux, qui étaient rougis malgré mes techniques ultra évoluées de méditation (bon, ok, pas si évoluées que ça), hochant la tête en silence. Je ne pouvais pas me mettre à sa place mais je pouvais aisément comprendre ce qu’elle ressentait, en revanche.

Wonder Beaver me parla alors de « Reiji ». Voilà un nom qui ne m’était pas du tout familier. Consonance Japonaise, mais c’était tout ce que je pouvais déduire. Un requin violent et criminel, d’après ses propres mots : sympa, les contacts ! Ceci dit, ça pouvait être utile d’avoir des relations de ce genre, surtout dans un monde aussi complexe et corrompu que le nôtre. Et manifestement, le fils de Reiji allait épouser Jade. Décidément, j’avais pas encore rencontré la petite mais elle m’avait l’air précoce, mariée à son âge ? Enfin, chacun son truc. Chacun sa vie, chacun son chemin, tout ça. Le fait qu’ils aient été presque élevés ensemble expliquait des choses, après… S’ils se connaissaient depuis 15 ans, ça expliquait qu’ils soient aussi décidés à un âge aussi jeune. Enfin… Manifestement, à part le fameux Reiji, elle ne voyait pas grand monde. N’avoir qu’un seul ami était une chose, mais un seul ami qui veut te culbuter et a des tendances criminelles, ça pouvait devenir un problème.

La suite fut en revanche une source de très sérieuse inquiétude pour moi… Je savais que Cait’ avait bien mangé pendant ces 10 ans mais je n’en savais même pas un huitième, visiblement. Elle avait des hallucinations de Calie ? « Après Adrien » ? Qui était Adrien ? Et devoir tuer son propre père pour récupérer Aislinn ? Bordel ? Le fait d’avoir des visions et des voix ? Qu’est-ce-que le fuck ?

- Par le Sang du Christ, tu dois me prendre pour une barjot… conclut-elle.

Je me contentai de soupirer, m’envoyant le reste de la brique de lait que j’avais entamée. Que pouvais-je bien dire qui serait utile ? Pas grand-chose. Probablement rien, en fait. Mais une amie n’était pas forcément censée régler les problèmes des autres, c’était aussi autre chose. Je lançai donc, avec un air grave :

- Bon, écoute… Je me levai alors, ajoutant en perdant cet air grave, comme si je parlais d’un truc anodin : Et là, j’me lève pour accentuer l’effet dramatique, tu vois. Reprenant un air plus sérieux, je croisai les bras en la regardant dans les yeux. Histoire qu’ça soit bien clair… Mon opinion d’toi n’changerait pas d’un poil même si j’te prenais en flag’ en train d’sniffer d’la coke sur l’pénis dressé d’un strip-teaser dans une boîte BDSM.

J’observai alors autour de moi avec un air un peu gêné, reprenant un ton moins sérieux :

- … j’vais m’rasseoir, c’est chiant d’manger debout.

Cela fait, j’attrapai une autre demi-pizza que je roulai pour ensuite en engloutir une bonne moitié. Et tout en mâchonnant – parce que oui je parlais la bouche pleine, 100% rebelle ! – j’ajoutai :

- C’qui s’rait barjot ce s’rait que tu n’aies aucun problème après tout c’qu’y t’est arrivé… Nan, mais… Sérieux, tu déconnes à pleins tubes là. MOI j’vais t’juger parce que tu fais des trucs chelou avec des putes ? D’puis que j’suis rev’nue à New Heaven, quand j’lève un mec ou une nana, j’vais chez lui ou elle chaqu’fois, j’me tire juste après, j’laisse pas d’numéro, j’connais pas leur nom et affaire classée. J’serais assez mal placée pour t’faire une sorte de morale catholique ou un truc du genre, finis-je avec un sourire amusé.

M’affalant un peu, je portai de nouveau mon regard sur la rousse, précisant :

- Si j’te d’mandais ça, c’était… pour des raisons amicales et égoïstes. Égoïstes parce que j’avais peur d’êt’la seule à avoir l’cerveau dégénéré par c’qu’y s’est passé ces 10 dernières années. Amicales, parce que j’t’aime et j’voulais savoir si tu f’faisais ça juste par hédonisme ou pour aut’chose… Clairement c’est pour aut’chose. J’sais pas si j’peux t’aider à « réparer » l’problème mais j’peux au moins êt’là et t’accompagner. Du coup…

Je terminai le morceau de pizza, haussant alors les épaules.

- La prochaine fois qu’tu loues leurs services, soit tu t’dis qu’tu vas passer une putain d’bonne soirée et, bah, amuse-toi bien… Soit un bout d’ton cerveau s’met à t’crier que quequ’chose tourne pas rond et tu m’appelles. Et même s’il est 3 heures du mat’ on s’en fout, t’façons y’a 1 chance sur 2 que j’sois encore réveillée à cause des cauchemars ou des hallucinations donc t’en fais pas pour ça.

Avalant une autre bouchée de pain de viande, je précisai en levant le doigt :

- Hmf… Et j’te lâche pas la grappe tant qu’tu m’as pas promis qu’tu l’feras.

C’était le plus important. Le reste… Reiji, son père, Adrien, les visions de Calie, ce qu’elle faisait avec les prostituées, elle m’en parlerait si elle le voulait. Dans l’immédiat il fallait faire en sorte qu’elle sache que j’étais là et surtout qu’elle n’était pas seule… Il était hors de question que je la laisse se noyer dans sa propre merde parce qu’elle ne savait pas qui appeler à l’aide – je l’avais suffisamment fait moi-même pour savoir que ce n’était pas DU TOUT un bon plan.